Chapitre 43

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Contrairement aux étages précédents, celui-ci n’était pas plongé dans l’obscurité, mais baignait dans une lueur rougeâtre. L’odeur, mélange de moisi et de terre, prenait à la gorge. Il faisait chaud, au point que la sueur dégoulinait sur le visage de Britess. Elle avait passé des gants afin d’assurer une prise sèche sur son arme.

La première attaque survint au milieu des escaliers.

Elle entendit le claquement caractéristique de plusieurs arbalètes.

— À terre !

Facile à dire dans un escalier étroit.

Un carreau mieux ajusté ricocha contre la lame de son épée. Maladroite, elle glissa et bascula dans le vide. La frayeur n’eut pas le temps de la saisir. Sans lâcher la lanterne, elle détendit son corps vers le bas, jambes légèrement fléchies, prête à encaisser le choc sur le sol qu’elle apercevait à quelques mètres.

Elle atterrit avec un bruit sourd. La lame tinta sur les dalles. Bitess fit un roulé-boulé vers l’avant. La lanterne s’éteignit.

De la scène, l’aventurière ne percevait que des bribes. Au milieu d’arbalétriers en train de recharger, elle se releva et écrasa la lanterne sur le crâne du plus proche. Dans le même mouvement, elle tourna sur elle-même et balaya l’espace, en fauchant deux de plus.

Britess s’arrêta, sa cape claqua, pied de nez narquois, soulignant la fin de la meurtrière cascade involontaire.

Le souffle court, elle s’agenouilla pour rallumer la lampe, par réflexe plutôt que par nécessité. Tout prenait une forme dérangeante dans cette angoissante lumière sanguine. Il n’y avait plus d’ennemis visibles. Elle avait terminé sa chute au milieu de deux rayonnages. Le conservateur, là-bas, sur les marches, lui adressa un signe de patience et il poursuivit sa descente.

Sa curiosité la poussa à étudier de plus près leur contenu. Des récipients, de diverses tailles, mais d’une forme cylindrique identique. La majorité portait encore des traces de peintures ou de décors, bien qu’effacés ou atténués.

Des pas.

Cadencés et calmes.

Britess se releva, et se tourna vers l’origine du bruit. Elle raffermit sa prise autour de la poignée de son arme. Les lèvres pincées, elle se mit en position défensive, l'épée devant elle.

— Britess, Britess… Ma petite Britess, mon éternelle débutante qui commence à se prendre pour une combattante.

Cette voix de gorge, ces yeux crépitants d’éclairs bleus : Étoile de Ferrières.

Avec elle, il n’y aurait pas de discours inutiles. Le combat serait bref et mortel. Même lors des entraînements elle ne montrait aucune pitié pour les novices.

— Tu n’es pas là, Étoile. Tu n’es qu’une projection créée par mon esprit.

— Exactement. Tu fais juste une petite erreur. Je m’inspire de ta peur pour modeler ma forme, mais je suis vraiment réel. Une fois que je t’aurai tué, je prendrai ton corps.

Ce n’était pas Étoile : cet être était trop bavard.

Britess balaya les pensées parasites et couvrit la distance qui la séparait d'Étoile en trois enjambées, se fendant à la fin d’une botte classique qui fut écartée sans peine. L’affrontement fut rapide et brutal. Ce n’était définitivement qu’une image de sa peur aux techniques de combats différentes. Déroutée dans un premier temps, Britess laissa son entraînement s’adapter, le temps d’analyser les mouvements de l’autre.

Quand elle reprit l’offensive, la lame de son épée se mit à luire, lui insufflant une force qu’elle n’avait jamais éprouvée jusque-là. En deux passes l’Étoile de pacotille s’effondra, la vie s’écoulant à travers ses blessures. Le sang était sombre, et coagula presque aussitôt.

Le conservateur ? Il devait lui aussi faire face à sa peur.

Elle pressa le pas, remontant les rayons à la recherche de son acolyte, les sens aux aguets. Elle le trouva enfin.

Campé sur ses jambes écartées dans une position de combat, il tenait un parchemin de la main gauche et venait de saisir son fléau d’armes dans celle de droite. La lanterne, posée au sol, enveloppait le vieil homme dans un halo jaune, jouant avec le métal et les ombres faisant naître ici et là des teintes orange et marron. Il lâcha la chaîne qui tinta en se dépliant sous le poids de la boule d'acier hérissée de pointes.

Britess se porta à ses côtés.

En face d’eux, immobile, un marteau de guerre entre ses deux mains puissantes, une femme harnachée dans une armure d’un autre temps les toisaient d’un regard moqueur.

— C’est ta peur ? Une ancienne petite amie ?

— C’est la dernière maîtresse conservatrice. Elle est le plus grand danger des sous-sols. C’est à cause d’elle et de sa cupidité de savoirs que toute cette catastrophe a commencé. Elle a voulu s’emparer d’un pouvoir qui l’a rendue folle. Normalement elle hante le neuvième étage, sans pouvoir remonter plus haut.

— J’ai trouvé une source d’énergie suffisante pour briser les sceaux, gloussa-t-elle en montrant le marteau.

— C’est l’arme de celui qui est descendu avec Perlagan. Il a donc succombé.

— Ton apprenti s’est sacrifié pour sauver un vieux fou. Vas-tu en faire de même pour cette femme ? Avec ton essence vitale, je pourrai enfin accéder à la liberté. Je te maintiendrai en vie aussi longtemps que nécessaire pour que tu assistes à mon triomphe.

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