Chapitre 38

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Ce n’était pas une auberge.

Le parquet fait d’un bois rouge sombre craquait légèrement sous le pas martial de Britess. Elle était dans un grand hall, où des clients, assis dans de vastes et confortables fauteuils, discutaient ou savouraient lentement une boisson dans des verres délicats. Trois employés lui souriaient à l’autre bout, derrière un comptoir qui n’était pas un bar. Elle ne connaissait pas ce genre d’endroit. Un jeune homme surgit de nulle part, s’emparant de son sac de voyage et de son épée qu’elle tenait dans une main.

— Bienvenue à La nuit et le Jour. Veuillez me suivre jusqu’à la réception.

Il la précéda vers les trois hommes qui affichaient toujours le même sourire.

— Bienvenue à La nuit et le Jour, madame. Que pouvons-nous faire pour vous ? fit celui du milieu alors que les deux autres s’éloignaient vers d’autres taches.

— Une chambre. Et du foin pour mon cheval…

— Avec plaisir. Nous avons une suite de libre, à l’étage, côté rue, un peu bruyante, je dois avouer, c’est l’inconvénient. Mais elle est très confortable. Ou alors, nous avons une petite chambre côté jardin.

— La chambre, c’est très bien.

— Pour votre monture, nous avons plusieurs forfaits… Puis-je vous suggérer le Bien-être de la Monture ? C’est notre prestation la plus demandée : du foin, des soins et plein de câlins.

— Va pour le Bien-être de la Monture.

— Fort bien, c’est un excellent choix madame. Pouvez-vous remplir ces papiers ? Votre nom, là, et voici le prix, une signature ou un sceau, ici… Voilà, merci bien. Nous réglons d’avance ou en fin de séjour ?

— Je ne sais pas combien de temps je vais rester alors…

— Alors, je vous propose de faire un dépôt d’une semaine que nous vous rembourserons au prorata de vos nuits.

Britess cligna des yeux. Elle était tombée dans un autre monde. Elle déposa la somme demandée.

— Notre majordome va vous guider. Le petit-déjeuner est servi de 5h à 9h, tous les matins dans le restaurant sur votre gauche. Quelques prospectus sur les curiosités à visiter en ville et aux alentours.

Le réceptionniste tendit des papiers à Britess et les clés au porteur de bagages qui se mit aussitôt en route.

Il déposa les affaires de Britess dans la chambre qui n’avait rien de petit. Elle avait même les commodités dans une pièce à part et une baignoire. Une table, deux chaises, un lit et une cheminée. Que demander de plus ? La vue de la fenêtre aux petits carreaux donnait sur un parc agréable. Le majordome attendait au milieu de la pièce, un sourire patient sur les lèvres.

— Je… Je suis un peu perdue. Je viens de Tola, et je ne connais pas trop les coutumes alors…

L’autre hocha la tête :

— Je comprends. Vous êtes dans une ville cosmopolite, où les habitudes sont bien différentes et nombreuses, ce qui est loin d’être un gage de tolérance. Vous n’êtes pas blanche ce qui va vous interdire un certain nombre de lieux. Surtout, n’allez pas forcer les portes dont on vous refuse l’entrée. Cela serait tout à votre honneur, mais c’est un combat perdu d’avance, surtout dans cette cité. De ce fait, ne vous aventurez pas dans les quartiers du nord – est exclusivement réservés aux blancs. Des patrouilles y circulent, prêtes à vous faire la peau sans sommation. Le vieux quartier, par contre, est ouvert à tous, et là, les gardes veillent au calme. Enfin, il est de bon ton de laisser la pièce à quelqu’un qui vous aide ou qui vous sert. La vie est difficile par ici.

Britess se fendit d’un sourire franc. Elle fouilla dans sa bourse et lui tendit quelques pièces que le majordome accepta avec un long hochement de tête.

— Merci. C’est un peu trop. Donnez toujours trois pièces rouges, cela vous évitera de froisser quelqu’un. Rajoutez deux autres pièces pour lui marquer un profond respect et ne montez jamais au – delà d’une pièce pâle. Ils le prendraient pour une tentative de corruption. Je vous dois un service, si je peux vous aider ?

— Je dois me rendre aux archives, dès demain matin.

— C’est dans le Vieux quartier. Remontez la rue juste en bas, et quand vous arriverez dans des rues sinueuses, prenez la première à gauche quand vous déboucherez sur la fontaine des sirènes. Immanquable. Au bout de cette courte ruelle, vous serez en face d’un grand bâtiment en briques orange. Ce sont les archives.

— De quoi vais-je avoir besoin pour y entrer ?

— Rien. Elles sont gratuites. Personne ne vient les visiter.

Il se retira en s’inclinant une dernière fois.

Britess rejoignit la fenêtre pour profiter de la vue du jardin. Des lampions éclairaient des gens qui buvaient et bavardaient autour de tables réparties ici et là, entre des arbres.

Elle fit couler de l’eau froide dans la baignoire et fit chauffer de l’eau dans la cheminée qu’elle mélangea à l’autre une fois chaude. Elle se déshabilla et plongea dans le liquide tiède avec délectation et soulagement à la lumière des bougies. Elle reposa sa tête sur une serviette, contre le rebord et laissa son corps se détendre ; ses cheveux bouclés cascadaient vers le bas. Sa peau irradia doucement une chaleur bienfaisante, nimbée d’une aura cuivré qu’elle ne put voir, perdue dans ses pensées derrière ses yeux clos. Noto occupait son esprit. Elle ne pouvait plus ignorer les sentiments pour lui. Ce n’était plus une simple attirance naissante, mais quelque chose de plus fort. Pour l’instant, elle devait patienter, et ne pas se laisser détourner de son objectif.

Demain elle pourrait débuter son enquête.

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