Chapitre 24

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L’ambassade des Territoires se réveillait avec l’aube. Les serviteurs, des locaux, arrivèrent les premiers, bravant l’insécurité d’un matin sans Empereur. Les murmures charriaient diverses rumeurs et toutes s’accordaient pour dire que le coup d’État avait échoué. Le clan Oshei était en fuite, celui du Rosier et d’autres avaient été exterminés. On craignait une invasion si jamais la nouvelle de l’absence d’un chef venait à se connaître au-delà des frontières.

Britess but lentement la soupe chaude qu’on lui servit dans le réfectoire des invités. On la regardait avec curiosité. Elle n’y prenait pas garde, son esprit repassant encore et encore le cours des évènements et en particulier celui de la découverte du passé de sa lignée. Elle venait de la famille de Kirl le Mécamage, un illustre inconnu. Elle aurait bien voulu en parler avec Noto, lui qui connaissait tant de choses. Elle suivit d’un doigt distrait la nervure dans le bois patiné de la table. Plusieurs semaines seraient nécessaires pour rallier Tola. Encore fallait-il parvenir à trouver une monture. La fibule lui permettrait peut-être d’en emprunter une ?

Jadile fut là, toujours aussi discrète.

— Britess, je tiens à te remercier, de la part de l’Empire du Couchant et de son jeune souverain. Sans ton aide, nous n’aurions pas pu réussir à le sauver. Voici une récompense.

Elle posa une bourse rebondie devant les restes du repas.

— Je vais escorter l’Empereur vers son palais où il reprendra son règne. Je me mettrai à son service.

Elle garda le silence, fouillant dans une petite aumônière à sa ceinture. Elle glissa un objet dans la main de Britess.

— C’est de ma part.

Elle se leva, s’inclina profondément, le temps de deux longues respirations, la marque la plus haute dans le respect de son peuple et quitta les lieux sans se retourner.

Pour une rare fois, les mots manquèrent à Britess. La bourse contenait des pièces d’or. Dans sa main gauche luisait un pendentif, une rose ouverte, finement ouvragée. Il y avait plusieurs rubis aux tons variés. Un présent magnifique. Britess fronça les sourcils. Si sa famille avait gardé le pouvoir de rendre les pierres précieuses magiques, pourquoi ne se passait-il rien quand elle en touchait ? Elle caressa le bijou, mais les joyaux restèrent identiques. Après avoir rangé ses nouveaux trésors, elle suivit les indications qui la conduisirent vers les écuries. La négociation ne fut pas bien longue. L’ambassadeur avait donné l’ordre de lui prêter une monture avec des fontes de voyage pleines de vivres pour son long retour vers Tola. Elle devrait tout simplement la rendre à son arrivée à la capitale. La jument se nommait Myrtille. Un drôle de nom. Elle avait une robe entièrement noire, presque mauve. Petite, mais à la musculature solide. Pas un cheval de course, plutôt un destrier capable d’affronter tous les temps et tous les chemins.

Britess se retrouva au-dehors. Des gardes du Couchant formaient une longue haie de la porte principale de l’ambassade des Territoires en direction du palais. Britess distingua nettement les chefs de clan, alignés derrière le drapeau de leur famille. La majorité était prosternée, à genoux, le front sur le sol, le katana posé devant eux. Une vieille femme et deux adolescents se tenaient debout : les seuls qui étaient restés fidèles à l’Empereur. Des curieux se massaient de part et d’autre dans un silence absolu. Soudain, Il fut là. Le jeune empereur marchait avec dignité, la tête haute. Il s’arrêta en face des trois clans qui ne l’avaient pas trahi.

Les mots surgirent, formant des lettres rondes, douces, comme le message qu’il faisait passer.

« Le pardon de l’Empereur s’étend à tout l’Empire. »

Un murmure parcouru la foule, aussitôt suivi d’une acclamation générale. Les traîtres n’avaient pas pu lire. On les releva, leur chuchotant la phrase et le miracle qui venait de s’accomplir : le souverain pouvait s’exprimer !

Il reprit sa marche, invitant les trois familles à le suivre, juste derrière lui. Les autres clans suivraient, mais après le peuple. Britess n’arriva pas à voir Jadile. Elle devait pourtant bien être là, discrète, mais efficace.

— Je suis là.

Elle sursauta. La jeune guerrière se tenait à sa gauche.

— L’Empereur souhaite que tu reçoives ceci.

Elle tendit un coffret.

— Dedans tu trouveras un sauf-conduit sous la forme d’un anneau des servants de l’Empereur, une lettre que tu devras remettre au Tyran Nirling Losorung, et une lettre pour toi. Il y a aussi de l’or. De quoi vivre aisément pendant des années. Tu pourras rembourser Noto.

Britess s’inclina. Une idée lui vint.

— Jadile, dans la pièce fortifiée, j’ai vu un signe particulier, une roue dentelée. Avez-vous des archives que je pourrai consulter à ce sujet ?

— Nous avons des archives. Pour voir celle de cette époque-là, il te faudra chevaucher vers l’ancienne capitale de l’Empire. C’est à trois jours d’ici, en suivant la route qui va vers le nord. La ville a été abandonnée. Une unité de gardes en surveille l’accès. L’anneau te permettra d’y pénétrer. Sois prudente. La cité est maudite.

Britess tendit la main. Jadile esquissa un sourire et la serra avec amitié avant de fendre la foule.

Une cité maudite, des archives à visiter, le tout, seule.

Britess monta sur Myrtille, un large sourire illuminant son visage. Elle fit claquer la langue et la jument partit au petit trot vers le nord.

« Aventure, me voilà ! »

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