Chapitre 21

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Britess se mit à courir dès que le sort de discrétion s’estompa. Le petit empereur ne pesait rien. Elle le portait contre elle. De temps en temps elle jetait un regard vers le visage émacié de l’enfant. Des spasmes faisaient tressauter quelques muscles sous un vilain masque de sueur. Il ne tiendrait pas longtemps. Jadile avait bien dessiné le plan vers l’ambassade des Territoires dans l’esprit de Leil qui ouvrait la marche, et se retournait souvent pour constater la présence rassurante de Britess. Ils serpentèrent au milieu des maisons en bois pour déboucher sur une place autour d’un magnifique arbre tordu par les siècles. Le drapeau frappé de quatre tours flottait mollement à la bise de la nuit, de l’autre côté : l’emblème des Territoires.

Leil s’engagea sans réfléchir. Britess ne put le retenir. Elle se mordit la lèvre inférieure et prit quelques secondes pour examiner les lieux. Ils ne présentaient pas de dangers apparents. Elle emboîta le pas à son guide et ils se retrouvèrent à toquer à la seule maison à étage et en pierre des alentours. Un petit battant s’ouvrit.

— Quoi ? fit une voix dure.

Britess affermit sa prise avec un bras sur l’enfant et de l’autre fouilla une poche. Elle tendit l’objet donné par Noto.

La porte s’ouvrit aussitôt pour se refermer derrière eux.

— Suivez-moi, je vous mène dans la bibliothèque. Je vais prévenir l’Ambassadeur de votre présence… à vous tous…

Une fois seuls, Britess déposa délicatement son fardeau dans un fauteuil. Leil l’ausculta.

— Il est encore plus faible que tout à l’heure. Je suis bien incapable de le soigner. On va le perdre.

— Sors quelque chose d’un de tes sacs à malice ? Tu n’as rien ?

— Là n’est pas le souci. C’est moi le problème. Loin de mes terres, je dois puiser dans ma propre énergie vitale. Si je le fais encore une fois, je vais me consumer. Je n’aurai même pas assez de puissance pour lancer le sort avant de mourir.

— Utilise-moi comme catalyseur magique.

Leil allait ouvrir la bouche pour se moquer d’elle. Britess ne blaguait pas. Elle lui tendait ses poignets.

— Je sais quelques trucs sur les Haches… Je sais que vous pouvez utiliser le sang pour vos runes.

— C’est interdit !

— Par qui ?

— Par moi ! Je ne veux pas utiliser cette force runique. Elle ne mène qu’à la corruption de l’âme. Il est hors de question que je le fasse.

Britess prit un poignard et s’entailla le bras avant que Leil ne puisse l’en empêcher.

— Tu es folle !

— Ne laisse pas ce sang s’écouler inutilement !

Le chaman ravala sa colère et trempa les mains dans le liquide rouge vif. À la lumière des bougies, il prenait d’envoûtantes couleurs cuivrées. Leil pinça les narines. Il savait comment manier le sang. Lors de son séjour dans l’Île eux Épreuves, il avait fusionné avec un chaman du Sang. Il avait haï cette âme de l’avoir choisi et l’avait rejeté, mis à l’écart. La curiosité avait été plus forte que sa volonté. En grand secret, s’isolant des autres, il avait expérimenté. Le savoir des runes de sang déferla alors en lui, abreuvant sa soif de connaissances. Il avait juré de ne plus s’en servir.

D’un geste sûr, il projeta des gouttelettes vermeilles sur le corps du jeune empereur. Un œil extérieur y aurait vu des éclaboussures.

— Guérison.

Un mince fil doré rejoignit chaque goutte, formant une série de runes arrondies, élégantes. L’entaille dans le bras de Britess s’effaça.

L’Empereur gémit. Du pus vert s’écoula de son nez et des commissures de ses lèvres.

— Du poison. Il n’était pas malade, maugréa Leil.

— Il est sauvé ?

Leil essuya le visage du gamin.

Des pas résonnaient dans le couloir.

— Alors ? insista Britess.

— Oui, il est sorti d’affaire. Par contre… Leil posa la main sur la petite gorge. Il… il est muet de naissance. Je ne peux pas changer ce que la nature a voulu.

La porte s’ouvrit, livrant le passage à une silhouette encapuchonnée dont une main tenait un objet rond et l’autre était posée sur la garde de son épée.

— Un chaman de l’archipel des Haches, loin de chez lui, et l’épée du Dragon, voilà des ingrédients dignes d’un récit passionnant. Dis-moi jeune îlien, que viens-tu faire dans l’Empire du Couchant ?

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