Chapitre 18

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Le râle discret de Leil les alerta de son retour à la conscience.

Elles le détachèrent et l'informèrent des dernières évolutions de la mission. Ils étaient blottis dans le renfoncement d’une muraille, loin des regards. Leil prit le temps de boire une décoction tirée d’un de ses sacs. Il respira mieux.

— C’est un tonique. Je pourrai vous être utile pour l’heure à venir, au moins pour une aide mineure.

— Tu en as assez fait, Leil. Tu en demandes trop à ton corps.

— Mon maître avait l’habitude de dire : « Présumer de sa force est une faute, ne pas tenter l’impossible en est une encore plus grave ». Vous avez besoin de discrétion. Je peux vous en donner. Elle sera de courte durée, il faudra l’utiliser à bon escient. Nous ne devrons en aucun cas courir ou parler, mais nous pourrons manipuler et déplacer objets et individus. Nous te suivrons, Jadile. Explique-nous ton plan.

Pendant que la femme du Couchant exposait la marche à suivre, Leil prit une petite boîte. Elle contenait une fiole de la taille d’une phalange. Il versa le liquide translucide dans sa main droite et dessina devant lui, d’un geste lent et souple, une rune de prime abord simple. Une goutte d’eau, ronde, flottait dans l'air. Il continua, et une toile d’araignée aussi précise que fine tissa un halo protecteur autour d’eux.

— C’est de la rosée du premier jour du printemps. Il faut la cueillir sur une toile parfaite, quand le soleil va poindre son premier rayon, pas avant, pas après, alors que l’œil ne la voit plus, mais la devine avec grande peine. Il y a là, six printemps de récolte. J’ai commencé lors de mes dix ans. Je ne pensai pas en avoir besoin aussi rapidement. Quand je prononcerai le mot, nous n’aurons plus que trente minutes pour entrer et sortir. J’ai inclus un seul membre supplémentaire au sort : notre cible.

Jadile et Britess hochèrent la tête : prêtes.

— Dissimulation.

La rune éclata sans un bruit. Britess sentit comme une bruine de fin d’hiver s’abattre sur sa peau.

Elle ferma la marche. Jadile avançait d’un pas sûr. Ils pénétrèrent par la porte principale, grande ouverte. Des gardes surveillaient l’intérieur, pas l’extérieur. Ils passèrent à côté d’eux, sans qu’ils ne remarquent rien. Le palais n’était plus qu’un vaste cimetière à ciel ouvert. C’était l’heure où l’on achevait les blessés. Britess doutait de trouver le jeune empereur encore vivant. Jadile avait assuré le contraire, soutenant qu’ils ne pouvaient pas tuer un être divin sans le consentement de tous les clans. Elle avait fini par exposer sa théorie : le coup d’État avait pris du retard, car les Oshei, qui avaient ourdi ce plan, devaient avoir négligé de s’assurer l’allégeance de quelques familles importantes. Une fois la négociation commencée, ils avaient pu passer à l’attaque.

Britess maudit la malchance. Si Leil n’avait pas loupé son sort, ils auraient pu arriver dans une ville calme et mener à bien la mission sans tout ce danger.

Ils grimpèrent les marches et entrèrent dans le petit palais, demeure privée des empereurs. Jadile marqua un temps d’arrêt. Son visage exprimait la surprise. Des savants et des ingénieurs du clan Oshei s’évertuaient à ouvrir la porte de métal, condamnée par un système secret. Ils n’avaient pas réussi à franchir la dernière défense ! Quelle erreur ! Ils ne possédaient pas le code ! Trois maisons seulement le connaissaient : le clan du Nénuphar, celui de l’Orchidée et celui du Rosier. Les trois plus fidèles au trône. Aucun n’avait parlé.

Elle se dirigea vers l’arrière du bâtiment et s’engouffra dans le sous-sol, vers le cellier.

Personne.

Elle déplaça un tonneau et s’agenouilla pour actionner des roues dentées. Britess qui regardait par-dessus son épaule fronça les sourcils. Les mêmes symboles que dans la Tour de Tola.

La trappe bascula et ils purent entrer, en rampant pour se relever dans une pièce. En son centre, couché sur son lit, le jeune empereur de neuf ans reposait, seul, dévoré par la fièvre.

Britess le prit entre ses bras.

La porte principale s’ouvrit.

Ils continuèrent à marcher vers la sortie dérobée. Leil avait pris soin de bâillonner l’enfant. Britess tentait de ne pas trembler. Le gamin ne pesait rien, mais la situation lui échappait totalement. Elle remarqua que son épée se faisait plus lourde, comme si elle voulait la retenir. Elle risqua un regard en arrière. Des guerriers courraient vers le lit, sans un mot.

Leil lui toucha l’épaule. Elle se concentra. Encore quelques enjambées.

Un bruit étrange.

Elle se retourna une nouvelle fois.

Sa langue se colla au palais. Elle retint sa respiration. Une forme dont elle n’arrivait pas à bien distinguer la silhouette ou le sexe s’avançait au milieu d’une troupe nombreuse. Un halo pourpre entourait le nouveau venu, engoncé dans une robe de mage, le visage entièrement dissimulé dans une profonde capuche.

Le danger. Une puissance qui la transperçait de part en part.

— L’Empereur n’est pas là.

Pour seule réponse la chose pointa une main gantée d’un mauve sanguin vers les quatre fugitifs.

Leil grinça des dents. Il reçut comme un coup de poing. Il luttait pour maintenir la rune en place. Jadile s’avança devant eux. Elle leur fit face, un large sourire sur son visage déterminé. Nulle parole n’était nécessaire. Ils avaient compris. La guerrière passa son chapeau et l’attacha solidement puis se tourna vers l’ennemi.

— Je suis Jadile du clan du Rosier.

La rune se rétracta, se renforçant autour de Leil, Britess et l’empereur. Leil passa le premier, poussant le gamin devant lui. Britess jeta un dernier regard et emporta avec elle une vision qui l’emplit d’effroi et la motiva comme jamais.

Jadile, magnifique, droite, le pouce sur la garde, toisait plus d’une centaine d’adversaires.

Elle venait de laisser apparaître hors du fourreau un millimètre de son katana.

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