Chapitre 15

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Britess regardait le reflet de son tatouage au creux des lombaires dans le miroir que tenait Noto.

Les deux hommes ne lui avaient même pas laissé le temps de se remettre de son expérience dans le Monde gris. Elle n’en avait pas parlé, préférant garder cela pour elle. Après une demi-journée de repos, Britess avait englouti le repas concocté par Noto. Le Hache, Leil, dès la première question avait levé sa cuillère en l’air et annoncé, la bouche pleine, qu’il ne répondrait pas. Il ne livrerait aucune information. S’ils insistaient, il lancerait une rune de silence.

Aussitôt le repas achevé, Britess s’isola dans un coin discret, séparé du reste de la pièce par un rideau de fortune tendu à la va-vite par le propriétaire. Elle enfila ses vêtements propres à la place de la chemise que Noto lui avait passée pendant qu’elle était inconsciente. Elle rougit à la seule pensée qu’il avait pu la voir nue, ou presque. Ses blessures s’étaient refermées à une vitesse impressionnante. Elle doutait que le pouvoir décrit par le Manchot puisse vraiment exister, penchant plutôt sur les capacités magiques de Leil. Ce jeune chaman, sympathique, toujours souriant, lui faisait une forte impression.

Quand elle était revenue vers eux, Noto tenait un miroir.

Le symbole était composé de plusieurs cercles, de lettres incompréhensibles. Il était légèrement plus grand que dans son souvenir.

— Vous dites que c’est la marque de Rorhak le maudit ?

Leil et Noto acquiescèrent à l’unisson d’une exclamation rauque.

Elle l’observa longuement.

— Leil m’a prévenu que tu avais ça dans le dos. Je ne connais absolument pas. Mais il pourra t’expliquer mieux que moi ce que c’est, hein, Leil ?

Noto regardait le Hache avec les yeux grands ouverts, la bouche en cœur. Britess avait le sentiment que Noto jouait la comédie, qu’il n’était pas franc sur ce coup-là. Elle se focalisa sur l’histoire que Leil racontait d’un ton rapide.

Rorhak le maudit était un guerrier chaman de l’Archipel. Les Haches pouvaient devenir soit chaman, soit guerrier, mais ils ne pouvaient pas cumuler les deux. Au combat il était difficile de pouvoir tracer des runes et manier une arme en même temps. Comme toujours, il existait des exceptions. Trilvif le Marteau Fracassant avait été le premier guerrier chaman. C’était bien avant que le continent des Haches ne devienne un archipel. Puis il y avait eu Rorhak. L’Élu. Il devait sauver le monde de la Disparation des peuples. Il avait perdu l’esprit, voulant imposer un pouvoir autoritaire au sein des Haches. Il avait été vaincu par le Père des Éléments, alias Remkor le Borgne. Rorhak avait un tatouage, identique à celui de Britess. Son dessin était enseigné à tous les Haches afin qu’ils puissent le reconnaître et agir en conséquence.

— C’est-à-dire ? s’enquit Britess en ajustant sa chemise.

— Tuer son porteur.

D’un geste fulgurant Britess saisit le chauve par la gorge.

— Laisse tes mains bien en vue ou je t’écrase la trachée, gronda-t-elle.

— Non ! Non ! Il ne va rien te faire ! On voulait juste te demander si tu désirais le retirer !

Noto s’était interposé en posant une main apaisante sur le bras de Britess qui relâcha son étreinte.

— Hors de question. C’est un tatouage guérisseur. Il permet de soigner nombre de maladie. Tous les membres de la Compagnie de la Vérité le porte. Il est apposé magiquement par la Commandante. C’est un vestige de la mission contre la Disparition. Tu devrais ajouter des paragraphes à ton histoire, le Hache. Ce tatouage a sauvé l’expédition. Rorhak en portait un, car il participait à cette quête.

Elle se déplaça dans la pièce, mettant autant de distance que possible entre elle et les deux hommes. Elle avait besoin de reposer son esprit. Elle se colla à la fenêtre, retenant un mouvement de recul quand elle crut voir un reflet grisâtre au-dehors. Ce n’était pas le visage d’un revenant, juste de la saleté. La blessure au bras l’élança. Elle regarda les chairs s’ouvrir et expulser du pus avant de se refermer. Sa respiration saccadée trahissait un trouble proche de la terreur. Que lui avait fait le Manchot ?

— Britess ? fit doucement Noto.

Elle croisa son regard inquiet.

— Je vais bien, Noto. Grâce à ton travail sur mon armure. Si je pouvais, je t’en commanderais une entière.

— Cela pourrait être possible. Tu vas certainement être bien payée pour avoir sauvé ces deux-là ?

— Pour l’instant, il n’y en a qu’un. Je ne suis pas rassurée. Sa garde du corps devrait déjà être de retour.

— C’est ce qui te rend aussi nerveuse ?

— Bien sûr, mentit à moitié, Britess.

Noto hocha la tête.

— Attendons encore un peu. Si elle ne revient pas la nuit venue, je partirai à sa recherche, seul. Je n’ai rien à craindre.

Le soleil venait à peine de tomber que la porte s’ouvrait sur la femme du Couchant. Elle referma derrière elle, le visage sombre.

— Il y a eu un coup d’État. Le Clan Oshei s’est emparé du pouvoir à l’ambassade. Les autres clans ont été éliminés. Nous devons partir rapidement, Leil. Je dois te mener vers l’Empire du Couchant afin de sauver le jeune héritier du palais du Rosier. Sans aide de la part du clan des Roses, je ne suis pas certaine de pouvoir te garder en vie jusque-là.

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