Chapitre 11

3 minutes de lecture

Britess prit congé de Noto en lui promettant de revenir le voir dans son atelier si jamais elle avait besoin de quelque chose, et si elle en avait les moyens. L’artisan la regarda s’éloigner dans la pénombre. Elle ne prenait pas la direction de la ville. On ne pouvait aller que vers les plages gardées par la vieille tour en empruntant ce chemin. Les secrets drapaient cette femme. Il plissa la bouche vers le bas. La curiosité, disait son grand-père, était une source de profit. Il rentra rapidement, passa une cape et ceignit une rapière autour de sa taille. Il enfila ses gants gris et vérifia qu’il pouvait atteindre la main gauche qu’il avait positionnée dans son dos et se mit en route. Les archivistes du Tertre étaient aussi de redoutables escrimeurs. La majorité rejoignait les archivistes de Val et les meilleurs d’entre eux intégraient la guilde des Géographes. Ces derniers parcouraient le monde, seuls, ne revenant qu’au bout d’un nombre d’années considérables pour enrichir le savoir du Tertre avec des cartes et des histoires. Beaucoup, hélas, ne revenaient pas.

Noto s’assura que son insigne demeurait invisible à l’intérieur de la cape. Il n’avait pas été tout à fait honnête avec Britess. Elle le prenait pour un simple artisan, un archiviste raté et un marchand assez médiocre : une couverture qui avait le mérite d’être en partie vraie, d’où son efficacité. Il avait quitté le Tertre avec le titre d’Historien Géographe de premier grade, celui qu’on octroyait au dernier de la promotion. Il était nul en combat, ce qui le classait tout de même à un bon niveau au regard des autres combattants. Sa force résidait dans son goût pour les archives et sa prodigieuse mémoire. Il ne retenait pas un livre en entier, personne ne pouvait faire cela sans aide magique. Par contre, s’il avait besoin d’une information, sa mémoire savait la retrouver dans ses lectures, conversations ou observations. On l’avait intégré à cette élite qu’à la condition qu’il produise un traité le plus complet possible sur Tola. Il avait déposé régulièrement son travail à l’ambassade des Territoires, qui se chargeait de les faire convoyer vers le Tertre. Il en profitait aussi pour se perfectionner dans divers domaines.

Il savait très bien d’où venait cette épée. Les dernières données dont il disposait la localisaient sur le continent Oriental, portée par la Reine Pourpre quand elle s’enfonça dans les marais pour lutter contre la Disparition. Par quel concours de circonstances l’épée du Dragon se retrouvait-elle ici ? Qui était exactement Britess ? Un récit qui pourrait lui apporter une belle promotion.

Noto haussa les sourcils. Au loin, alors que les ténèbres commençaient à effacer le paysage, la femme prit un autre chemin. Elle connaissait les lieux mieux que lui, à n’en pas douter. Il était persuadé que la destination était la vieille tour. Il pressa le pas pour y trouver un poste d’observation discret.

En pleine nuit, sans lumière. Elle n’avait pas pensé à prendre une lanterne.

Aventurière de dernière zone.



En partant de chez Noto, le jeune homme occupait ses pensées. Il l’intriguait au plus haut point. Son savoir, sa douceur et sa façon d’être, presque féminine, ne trouvaient aucune référence semblable dans les modèles masculins qu’elle connaissait. Déroutant. Au point d’en oublier l’essentiel !

Elle attendit. La lune, énorme à cette époque de l’année ne tarderait pas à sortir, heureusement. Elle s’assit, un peu à l’écart du petit sentier. Autrefois, elle l’empruntait souvent avec Lidia. La grande plage de sable noir était le lieu préféré, la nuit, pour les accostages clandestins. Il y avait deux façons de s’y rendre. Le chemin principal et ce petit accès, qui serpentait sur les hauteurs. On arrivait alors sur le dessus de la tour en ruine. La vue était imprenable. En cette saison, il n’y avait rien à craindre des contrebandiers. Avec la lune grosse, personne ne s’aventurait à des activités illégales. Avec le jour, de nombreux navires qui croisaient devant Tola, préféraient jeter l’ancre au large et mettre des chaloupes à la mer afin de rejoindre le rivage. Cela évitait de longues manœuvres, fastidieuses, et chronophages, pour débarquer quelques personnes ou de petites marchandises. Par contre, cela se faisait plus loin, bien à l’écart de la vieille tour.

On évitait cette bâtisse. On la disait hantée. Dangereuse à cause des pierres branlantes.

Britess se souvint des histoires racontées par Lidia à ce propos. À l’époque de sa splendeur, la tour portait le nom de Tour Écailles. Elle était haute et imposante, visible de loin à partir des terres et de l’océan. Sa plateforme supérieure pouvait accueillir deux ou trois dragons. Ils transportaient des dignitaires des Territoires. C’était bien avant le Premier Empire, bien avant que les royaumes des Territoires ne soient devenus des ennemis. Abandonnée, elle avait résisté durant de longs siècles avant de s’effondrer, sans explications. Peut-être que Noto savait pourquoi. Elle le lui demanderait, à l’occasion.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Edgar Garance ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0