Chapitre 9

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La mi-journée tirait à sa fin. Le soleil, maintenant haut dans un ciel pur, faisait briller les couleurs de la ville. Britess mangeait de la viande séchée et du pain aux lardons, assise sur les remparts sud-ouest de la haute ville. Le paysage était à couper le souffle. Au loin, les deux puissantes forteresses gardaient l’embouchure du bras principal d’Arone. Au-delà, les eaux grises de l’océan Ouestande dansaient lentement. Les navires, de toutes tailles, entraient au port. Les plus gros, les traverseurs, ne partiraient que lors de la marée haute, vers des destinations lointaines. C’étaient des bâtiments capables d’affronter les tempêtes et la navigation pendant des mois. Le départ de ces mastodontes des mers l’avait toujours fasciné. D'autant plus qu’ils ne prenaient pas le large seuls. Ils étaient accompagnés par une escorte de deux frégates de combat et un cargo de vivres. On pouvait apercevoir un traverseur dans une grande cale sèche. Tola était l'unique ville des Empires, et des Territoires en mesure de les accueillir et de les construire. C’est pourquoi les ambassades des peuples connus venaient s’installer ici. Elle but une gorgée de jus de fruits frais dans la petite outre en cuir. Trouver une gargote qui vende autre chose que de l’alcool dans ce coin avait été bien difficile.

Vers l’Est, les ruines de l’ancienne tour côtière étaient à peine visibles. À pied, il lui faudrait deux bonnes heures pour la rejoindre. Elle analysa les données de cette affaire, bien consciente d’être une pièce dans un vaste puzzle dont elle ignorait la finalité.

Première hypothèse : Jurg lui confiait cette mission pour pouvoir l’interroger ensuite.

Deuxième hypothèse : elle serait assassinée avec la personne qu’elle devait protéger. Elle serait peut-être même désignée comme une meurtrière.

Elle n’était pas dupe.

Elle décida de partir à la faveur de la nuit pour être sur les lieux avant tout le monde et mieux se préparer en reconnaissant le terrain.

Elle se leva et termina son jus. Les péniches allaient et venaient sur le fleuve. De la fumée flottait au-dessus du quartier des artisans. Noto devait être au travail. Elle n’avait rien à faire d’ici le soir, ainsi Britess décida d’aller le rejoindre et d’en profiter pour examiner le machin mécanique dans son arrière-boutique. Elle prit la route vers les quais.

Noto l’accueillit avec un sourire franc et discret. Il voulait paraître modeste, mais il irradiait de la satisfaction de l'ouvrage bien fait. D’un pas chaloupé, il ramena la pièce d’armure.

—Je l’ai améliorée. Ici et ici, des renforts, avec un métal léger, mais solide. J’en avais déjà de préparés. Elle sera plus confortable et mieux adaptée à la morphologie féminine. Le système d’accroche était à revoir totalement. Cela devait être long à mettre et à retirer… Venez, je vais vous montrer. Grâce à cette modification, ce sera plus évident.

Il lui enleva la cape, lui fit lever les bras et arrêta son mouvement en fronçant les sourcils. Il les lui remit le long du corps.

—Ha.

Il recula, soudain gêné.

—Quoi ?

—Vous… Surtout, ne vous méprenez pas… Savez-vous ce qu’est une brassière ?

Britess haussa les sourcils, ne comprenant pas très bien où il voulait en venir.

—Je…

Le visage de Noto ressemblait à présent à une magnifique pivoine. Il baissa les yeux et débita d’un ton le plus professionnel possible :

—Les sous-vêtements Mastique et fils, vous fourniront un confort optimal lors des combats et des expéditions. Caleçons et brassières seront pour vous de fidèles alliés. La brassière de chez Mastique et fils maintiendra les poitrines de toutes formes et de toutes tailles afin de faire de votre corps une arme efficace sans perdre en beauté.

Il attendit la réaction de sa cliente.

—Vous voulez dire qu’il existe un vêtement pour garder la poitrine immobile et à l’abri des frottements...

Rassuré par la voix chargée de curiosité de Britess, il releva les yeux et attrapa à la volée une brassière de sa conception.

—Mon grand-père a réalisé les prototypes. C’est pour remplacer les bandelettes et autres lanières qui ne servent qu’à compresser. Le but n’est pas d’effacer la féminité de la cliente, mais bien de lui fournir un moyen de ne plus avoir de douleurs ou de blessures à cause des seins en liberté. Il a aussi créé des caleçons pour les hommes qui évitent de…

Il s’arrêta et lui tendit le sous-vêtement.

—Il est simple d’utilisation. Vous pouvez passer derrière pour le mettre. Il est réglable. Vos seins ne sont ni trop gros, ni trop menus, cela ne nécessitera pas de modifications…

Il bredouilla encore quelques mots qui se perdirent dans un borborygme incompréhensible.

Britess prit l’objet et referma le rideau derrière elle. Elle éprouva la finesse et la douceur du rembourrage intérieur des bonnets. Ils étaient prévus pour absorber la sueur et garantir une protection pour la peau contre une armure rugueuse. Une fois sur elle, elle joua avec les bretelles pour être à l’aise. Elle remit la chemise la plus fine par-dessus et l’essayage du jaque put se poursuivre.

Il se passait dorénavant par le haut, et venait s’attacher sur le devant. Le soleil de la Compagnie de la Vérité avait presque disparu, ce qui lui plaisait. Elle bougea : léger, souple, et confortable.

—Merci Noto.

Britess regarda l’armurier dans les yeux. Il était légèrement plus petit qu’elle. La rougeur commençait à revenir. Il soutint pourtant cet échange prolongé et silencieux.

—Je tiens toujours parole.

Britess défit le fourreau et le posa sur l’atelier.

—Tu as jusqu’au coucher du soleil pour l’examiner. Ensuite, nous irons manger ensemble pour que tu puisses me livrer son histoire. Cela remboursera ton travail et deux brassières.

—Une brassière.

—Deux.

Les commissures des lèvres d'un Noto dépité s’abaissèrent.

—Si mon grand-père me voyait capituler devant un client, il m’aurait crié dessus pendant au moins une semaine. Lui qui avait réussi à vendre à la Reine Pourpre tout son stock de caleçons… Bon, voyons voir cette épée.

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