Chapitre 2

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La taverne était identique à son souvenir, dans le mobilier comme dans les parfums et la lumière. Il y avait toujours ces petites alcôves intimes séparées de la salle principale par des marches, vers le haut, ou vers le bas, qui étaient autant d’agréables recoins garantissant la discrétion et le calme. À cette heure encore jeune de la soirée, il y avait très peu de clientes. Cela non plus n’avait pas changé. L’auberge de Lilia était exclusivement réservée aux femmes. Une seule fois dans l’année, le premier jour du printemps, les hommes étaient invités à se joindre à la célébration de la reprise de la Vie. Mais il fallait, femmes comme hommes, être dans l’année de ses vingt ans, l’âge de la majorité dans les Empires, ni plus ni moins. Personne ne se risquait à mentir ou à tenter de rentrer en douce. Lilia avait installé un seuil imprégné d’ancienne magie qui détectait les tricheurs. Elle avait ramené ce métal aux étranges facultés d’un long voyage dans sa jeunesse.

Britess laissa égoutter son manteau et son sac face à la vaste cheminée où cuisait le plat unique de la semaine : le pot-au-feu. Le samedi, on avait droit à un animal cuit à la broche et le dimanche était réservé aux salades froides. Une habitude qui, à première vue, avait traversé le temps.

Une femme dans la quarantaine s’approcha, un tablier ceint autour de la taille, un torchon sur l’épaule droite.

— Bonjour, bienvenue chez Lilia. Que pouvons-nous faire pour rendre votre séjour agréable ? Je me nomme Aulde, je suis la propriétaire des lieux.

Britess défit les lanières qui maintenaient son imperméable fermé. Elle digéra l’information. Lilia devait être morte…

— Qu’est devenue Lilia ?

— Dame Lilia a décidé de repartir à l’aventure, vers le nouveau continent, à l’ouest. Vous la connaissiez ? s’enquit l’aubergiste en arrangea son chignon, des épingles coincées entre ses dents.

— J’ai travaillé ici… J’avais six ans quand j’ai débuté et…

— Britess ?

La femme noire retint sa respiration, vérifiant que personne ne prêtait attention à la conversation. Aucun danger : ce côté de la salle principale était vide.

— Oui. Mais je vous demanderai d’être plus discrète.

— Veuillez me pardonner ! J’ai souvent entendu parler de vous, du malheur qui a frappé les vôtres et de votre disparition…

L’aubergiste se frottait les mains l’une contre l’autre pour se donner de la contenance. De la peur ? De la surprise ?

De la méfiance.

— Ne me considérez plus comme cette personne. Il y a longtemps que je ne suis plus cette enfant ni l’adolescente qui a quitté l’auberge pour vivre des aventures. J’ai besoin d’une chambre. J’ai de quoi payer.

— Lilia a laissé un petit quelque chose pour vous. Elle sentait que vous étiez vivante et qu’un jour vous pourriez revenir. Venez avec moi.

La patronne précéda l’ancienne serveuse vers la réserve, à l’arrière du bar. Elle s’approcha d’une porte au bois finement sculpté, s’effaça et avec un geste élégant du bras lui tendit un trousseau de clés.

Britess connaissait les quartiers de Lilia pour y avoir dormi, enfant, lors de terreurs nocturnes. Elle savait parfaitement qu’une clé était inutile. Elle enfonça le minuscule renflement, invisible pour celui qui n’en connaissait pas l’usage. Un déclic.

Aulde se détendit :

— Britess Frédrikburg. Soyez la bienvenue chez vous.

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