Chapitre 1

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Sous une pluie drue Britess atteignit les faubourgs de Tola, capitale du continent des Empires. Harassée de fatigue, la jeune femme s’arrêta sous le porche de l’écurie des courriers impériaux. Le tonnerre gronda au loin, roulant sur la plaine, sautant par-dessus les champs fraîchement labourés. L’hiver commençait. Une période qui vidait les rues et les routes. Elle n’avait croisé qu’une seule caravane de marchandises depuis qu’elle avait rejoint la principale artère de communication. Elle enleva la capuche de sa lourde cape de voyage. L’eau dégoulinait à ses pieds, courant sur la toile cirée à la graisse de phoque. À l’abri sous cette protection, elle demeurait au sec. On ne devinait rien de sa silhouette véritable, engoncée dans son lourd et très long manteau. Ses épaisses bottes en cuir, recouvertes de guêtres, atteignaient leur limite d'imperméabilité. Elles n’auraient pas tenu une journée de plus sans avoir l’intérieur mouillé. Britess défit son cache-nez et inspira longuement un parfum où se mêlaient de subtiles odeurs de chevaux, de terre humide, de cuisines, de fumée de cheminée et de forge.

Tola l’Impériale.

En douze ans, la ville avait considérablement changé. Avant, à cet endroit, il n’y avait que l’écurie et des champs à perte de vue. À présent le bâtiment était noyé au milieu d’autres constructions. Tola dévorait les alentours à une vitesse effrayante.

L’auberge de Lilia était-elle toujours là, dans le quartier du grand Marché ?

Deux messagers, rouages indispensables au bon fonctionnement des Empires, sortirent du confort de l’habitation qui leur était réservée. Le premier passa sans prêter attention à la voyageuse. Le second marqua une pause pour ajuster sa besace et mettre son gant gauche. Il hocha la tête pour saluer la jeune femme noire qui lui adressa en retour un sourire poli. L’homme n’était pas un coursier quelconque. Son insigne sur le torse, un parchemin roulé avec un sceau en son milieu frappé d’un E stylisé, annonçait son grade de Maître Courrier, la plus haute distinction dans la hiérarchie des messagers des Empires. Il allait certainement porter une missive à l’autre bout du continent, ou alors traverser les mers et les océans vers les Territoires. Il resta un long moment à la dévisager, étonné par le contraste entre cette peau presque violette et les yeux d’un vert laiteux qui le fixaient. Un beau brin de femme. D’où venait-elle ? Les gens de couleur étaient rares dans cette partie des Empires. Leur contrée était plus au nord-est, vers les cités libres. Au vu de son gros sac à dos tanné par les intempéries, elle était depuis longtemps sur les chemins.

— Bonjour voyageuse.

Britess inclina profondément le menton, posant son poing droit fermé sur son cœur, en signe de respect.

— Maître Courrier.

La jeune femme connaissait les usages et savait lire les insignes. Appartenait-elle à une maison impériale ?

— Vous arrivez en ville, à ce que je vois. Avez-vous une adresse où résider ?

— Maître Courrier, je souhaite me rendre à l'hostellerie de Lilia.

L’homme fronça les sourcils, cherchant dans sa mémoire et ses traits s’illuminèrent au bout de quelques secondes.

— L’auberge des femmes ! Un très bon choix pour être tranquille. Suivez l’avenue et une fois devant une vaste place couverte, où se tient le grand Marché, longez-le sur votre gauche puis prenez la deuxième ruelle.

— Merci Maître Courrier.

— Soyez prudente. Les temps sont à la paix, les soudards de toutes sortes pullulent dans les capitales, à la recherche de travail, mais surtout de méfaits à accomplir.

Elle s’inclina une nouvelle fois. Le coursier s’en alla après un bref salut. Quelques instants plus tard, les deux cavaliers partaient au petit trot vers leur mission. Quatre autres arrivèrent de destinations différentes.

Britess remit sa capuche et poursuivit sa route, remontant l’avenue. Quelques passants se hâtaient, sans lui prêter la moindre attention. Des hommes et des femmes attendaient que les éléments voulussent bien se calmer, abrités sous des portes cochères. Elle se fit héler à deux reprises, mais Britess ignora les appels.

La place du grand Marché. On l’avait recouverte d’une toiture vaste et bienvenue. À cette heure entre chien et loup, les étals étaient fermés. Un groupe de dix individus, au sec, buvaient et riaient fort. Ils repérèrent Britess. Au vu de son attirail et de sa dégaine, quelconques, ils la laissèrent tranquille.

Que de changements ! Elle ne retrouva aucune des enseignes qu’elle avait connues dans le temps. Beaucoup de gens étaient morts pendant la guerre contre Liotir, ce roi maudit du continent des Territoires, ceci expliquant certainement cela. Elle s’engagea dans la ruelle sombre, un homme sur ses talons.

La pluie martelait les pavés, étouffant les bruits de pas de son poursuivant. Il accéléra et l’attrapa par le sac, la forçant à plaquer son visage contre le mur rugueux d’une bâtisse.

Britess ne céda pas à la panique, et pivota, se servant de la force de son adversaire pour se libérer. Dans un mouvement fluide elle saisit l’homme par le cou et le propulsa contre les pierres.

Ploc.

Le gars s’affaissa, dans une position grotesque, assommé pour le compte. Britess l’enjamba, sans autre forme de procès, et poursuivit sereinement sa route vers l’auberge de Lilia. Elle s’y engouffra en grimpant quatre marches, avec un soulagement certain.

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