Mistral tremblait et sentait la chaleur de la culpabilité lui remonter dans l’arrière du cou: il y a une quelques heures ils touchaient au but tous ensemble.

Victoire complète.

Zéro blessure.

Il a fallu qu'une pierre à la con vienne tout gâcher en défonçant la caboche d'Indigo. Alizée a bien tenté de le calmer, de lui dire que c'est pas de sa faute. Le problème est quand Alizée a compris que le casque était celui de Mistral. Le fameux casque qu'il avait pété deux semaines plus tôt en faisant le con avec elle. Comment expliquer aux autres sans passer pour un idiot ? Ok il l'est totalement, ça il est conscient, mais là... Il se voit les réunir et leur dire "désolé les gars, mais le casque qu'avait Indigo était le mien. Je l'ai cassé en voulant péter une noix avec ma tête contre un arbre pour faire marrer Alizée". Il voit Longuevue se jeter sur lui et le tabasser. Il entends déjà Facteur l'insulter. Le regard de déception de Lyla serait dévastateur, sûrement pire que les coups de Longuevue. Puis Saule... peut être que lui comprendrait, mais il est trop mou et le laissera assumer.

"Mistral ? Reste concentré dans le présent. Là tout de suite. On en rediscute ce soir, j'ai une idée."

Voilà qu'Alizée l'aide encore. Le mental du duo. Elle encaisse tout, c'est la grande soeur qui te met la paté mais qui te laissera pas en galère.

"Ouais, t'as raison. Le vieux dingo."

Le vieux en question voulait pas dire son nom. Il prétendait qu'il l'avait oublié et qu'on pouvait l'appeler Pégasus. Tout le monde avait l'air de savoir de quoi il parlait, du coup pour pas paraître con, Mistral a continué à l'appeler le vieux. Mistral l'a nourri, aidé à se décrasser puis ils ont discuté dessins. Sans aborder la raison de leur présence, le vieux semblait réellement s'intéresser à lui et souhaitait partager sa passion. Un flot interminable de parole s'échappait de la bouche du vieux. Mistral montra vite sa limite des connaissances communes et astronomique. Ceci déclencha un tsunami de savoir incroyable.

Mistral ne comprenait pas, mais il essayait. Il concevait mal toutes les extrapolations que le vieux faisait sur des mondes habités ou non, pollué ou non. Des ciels à plusieurs étoiles ou lunes. Il aimait bien les sons qu'il entendait: astre, comète, nova. A certains moments, il interrompait le torrent de paroles, pour récupérer un des dessins et demander au vieux si tel élément correspondait bien à tel ou tel concept. Les deux se retrouvaient à dessiner au dos des feuilles déjà usagées par des relevés astronomiques ce qu'ils souhaitaient exprimer à l'autre. Ce manège dura jusqu'au soir où personne ne vint couper ce cours particulier. Pégasus se leva et déclara :

"C'est l'heure de la pratique ! Je vais te montrer Jupiter !"

"Mais vous allez faire comment ?"

"Nous sommes dans un observatoire Mistral. Je vais utiliser le télescope !" voyant le regard un peu perdu de Mistral, il ajouta: "je t'expliquerai comment il marche mais c'est une grosse lunette comme à votre rustre ami Longuevue. Allez suivez moi."

Le vieux était agile, car il grimpa rapidement la suite d'échelles pour se rapprocher du poste d'observation. Une sorte de suite de taule et de tube équipé de miroir permettait de détourner le fonctionnement du télescope. Le vieux expliqua quelque chose comme "pas besoin de voir le coeur de l'univers, les alentours suffiront. Puis j'ai plus de courant.". Le vieux lui fit tourner des manivelles afin de déplacer le télescope. Après une bonne demi heure d'encouragement et d'effort, le télescope était rivé sur Jupiter. Mistral était surpris par l'entretien incroyable de tout le mécanisme: rien n'était rouillé, tout était huilé et tout fonctionnait parfaitement bien. A croire que le vieux devait passer sa journée à lustrer son engin.

"Qu'est-ce qui vous fait rire, mon ami ?" lui demanda le vieux.

"Oh rien, je suis impatient de voir de mes yeux vos astres !"

"Vous pourrez même voir les lunes de Jupiter." répondit avec enthousiasme le vieil homme.

Ce qu'il vit lui coupa le souffle. C'était un énorme cyclone de couleur orangé, brune et rouge. Le vieux lui dit que sa taille seule faisait celle de la Terre. Mistral resta fixé ainsi une trentaine de minutes et ne détacha ses yeux que lorsqu'il entendit les ronflements du vieil homme. Il commença à dessiner ce qu'il voyait se débrouillant avec les restes de peintures qu'il trouvait tout autour du télescope. Une fois terminé, il vit Bell arriver dans la pièce, portant toujours son masque.

"Les autres veulent te voir. Je vais m'occuper de Pégasus."

La panique assaillit Mistral: ça y est, le jugement va commencer. Ils ont trouvé que c'était lui et veulent des explications. Il va s'en sortir, ils ont besoin de lui pas vrai ?

Alizée l'intercepte à l'entrée de la pièce: son avocat commis d'office ?

"Mistral, j'ai proposé qu'on parte en laissant Indigo ici. Comme ça ils ne sauront jamais pour... enfin tu sais quoi." Alizée lui prit la main et serra fort. Mistral lui répond la gorge serrée.

"Mais on ne va pas l'abandonner..."

"Écoute les arguments de chacun, mais rappelle toi que s'il se réveille, c'est au mieux la prison, au pire le bannissement. Tu te rappelles après la première semaine de marche, tout ce que nous avons vu ?"

Pendant toute l'éducation qu'ils avaient reçu sur l'île, une chose était bien mise de côté: c'était le sort des bannis. L'équipe avait cependant une théorie suite à leurs découvertes. Après avoir navigué et atteint la terre, les bannis essayaient de rejoindre un village où tous les bannis se rendaient. C'était ce qu'on faisait croire aux prisonniers voués au bannissement. L'équipe avait retrouvé quelques kayak de bannissement sur la plage puis s'enfonçant dans les terres, les corps des bannis qui cherchaient à se nourrir. Malheureusement, la zone est fortement polluée et beaucoup meurent le long de la route en retirant leur masque afin de manger un fruit. Ils étaient bannis et en vie, mais ils se condamnaient à mort. C'est après une assez longue distance, qu'ils ont pu enfin enlever leurs masque. Il était clair qu'à cette distance, sans les masques permettant de se nourrir et boire en sécurité, c'était la mort. L'autre chose qui les avait choqués était la présence de blessure suite à des combats. Ils avaient déterminé qu'un groupe avait réussi à vivre et qu'ils étaient tombé sur un groupe de pillards ou une bête ayant mutée.

Mistral réfléchissait à planquer tout son équipement et rations restantes quelque part le long de la route. Après, tout peut être que le village existait vraiment, mais qu'il n'était pas le long de la route. Il vit Lyla s'approcher de lui dès qu'Alizée fut reparti.

"Tu vas bien ?" demande Lyla.

"Oui, je suis juste sous le choc. On va vraiment laisser Indigo ici ?"

"Je suis venu pour te convaincre de ne pas l'abandonner." Lyla pose sa main sur l'épaule de Mistral. "Je sens que t'as pas envie de le laisser toi aussi. Mistral, Indigo te respecte énormément et même s'il te dirait de continuer sans lui, tu le porterais sur ton dos jusqu'au bout. Tu m'as portée le jour où je me suis blessée malgré ce que les règles disaient. Là c'est plus dur, mais si on se repose assez, on s'en sortira."

Mistral prends la main de Lyla: "Les autres disent quoi ?"

"Pour l'instant, Bell et Saule sont d'accords avec moi... Les autres veulent partir au plus vite. Nous nous sommes mis d'accords pour rester encore la journée et... s'il faut vraiment... nous resterions le temps qu'il cicatrise un peu. On le doit bien à Indigo. Tu peux essayer de persuader les autres ?"

En ce moment, Mistral serait resté et aurait porté Indigo des centaines de kilomètres. Il lâche la main de Lyla:

"Je vais discuter avec les autres..."

Le voilà dans la montagne russe des émotions. De sa décision, le groupe reste ou part. Au delà de ça, est-ce qu'il va assumer ses erreurs ?