29. Confidences amicales

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Julia

Un fou-rire me prend sous la douche au souvenir du repas d’hier soir. Cette Emma est vraiment le cliché parfait de la nana où tu te demandes comment elle a pu avoir son diplôme, ce qu’elle a dans le cerveau et comment les mecs peuvent la trouver intéressante. Je déteste critiquer mes pairs, mais pour le coup, si elle s’habille bien comme elle veut dans sa petite ville, venir ainsi vêtue dans un campement en pleine campagne n’est pas judicieux, il fallait oser.

- Tu vas bien, Julia ?

- Oui oui, tout roule. Je repense à la bimbo.

- Oh là là, elle en tient une couche, elle, s’esclaffe Myriam.

- Ouais… Vivement qu’elle se barre, elle fout le bordel avec sa mini-jupe.

- T’es jalouse de ne plus avoir toute l’attention ?

- Ah non, du tout, ris-je. Par contre, ça m’énerve que les mecs ne puissent pas se tenir dès qu’une nana leur montre son cul.

- Que veux-tu, les mâles ne savent pas se contrôler.

- Eh, je vous entends !

Nous pouffons toutes les deux au son de la voix de Snow qui se douche à côté. Snow, à poil, dans la douche d’à côté, et ça ne me fait aucun effet. Si ça, ce n’est pas un constat fait pour me soulager suite à mon rêve de la veille, je ne vois pas ce qu’il me faudrait de plus.

- Tu l’as pas baisée ? Ce n’est pas avec toi qu’elle a passé la nuit ? lui demande Myriam.

- Non, pas encore.

- Mais c’est au programme ?

- Elle est jolie, pourquoi pas.

- Et dire que le mec qui baise tout ce qui bouge me demande de faire ceinture, marmonné-je en direction de mon bras droit.

- Nous n’avons pas les mêmes responsabilités, Julia. Tu sais que j’ai raison, et arrête de me faire passer pour un queutard au passage, je déteste ça.

- Oh, Snow, je t’en prie ! T’as passé une nuit avec Justine, non ? Combien de femmes au compteur depuis qu’on est arrivé ?

- Ah oui, Justine, répond-il avec un sourire dans la voix. Pour tout te dire, ce n’était pas qu’une nuit !

- Ah bon ? Oh là, on arrête tout ! T’es amoureux ? Ou malade ? s’esclaffe à nouveau Myriam, très en forme ce matin.

- Amoureux ? Non, je ne crois pas. Par contre, l’un dans l’autre, on est compatible, je peux vous l’assurer, chères camarades ! Ne soyez pas jalouses, hein ?

- Je suis affreusement jalouse, bougonné-je, frustrée. Toi, tu peux jouir sans devoir utiliser ta main, y en a marre de cette vie injuste.

- Je peux t’assurer que je l’utilise, ma main ! C’est ça de ne pas être chef ! Tout le monde s’en fout de ce que je fais de mes nuits, rajoute-t-il tout guilleret en chantonnant.

- Ouais, ben n’oublie pas de dormir quand même, j’ai besoin que tu sois en forme, moi, dis-je en m’habillant. Vous avez bientôt fini ? J’ai faim, et pas que d’une partie de jambes en l’air.

- Tu te rattraperas à la fin de la mission, Cheffe, je plains le mec qui va te servir d’apéritif ! Et ne t’inquiète pas pour moi, je dors bien et le plus souvent seul. Le Dom Juan que je suis est aussi un soldat responsable qui fait passer la mission avant tout !

Pourquoi je viens d’imaginer que mon apéro n’est autre qu’Arthur ? Putain, il faut vraiment que je prenne des somnifères pour arrêter de rêver, ou du moins de m’en souvenir. Pour autant, l’idée de finir nue dans ses bras, lovée contre son grand corps, me plaît particulièrement.

Un soupir m’échappe alors que je m’attache les cheveux devant le miroir. Myriam, qui sort de la petite douche exiguë à côté de la mienne, me regarde à travers le psyché, pensive.

- Alors, Mathias a raison, tu en pinces pour Zrinkak ?

- Je n’en pince pas pour Zrinkak, putain. Snow, tu fais chier !

- Oh allez, tu peux me le dire, à moi, rit-elle.

- Mais… Bordel, stop ! J’en ferais bien mon apéro, c’est tout. T’emballe pas non plus.

- C’est vrai qu’il est appétissant ! J’irais bien faire l’infirmière pour lui, répond une Myriam dont le regard gourmand m’énerve légèrement.

- Fais gaffe à ce que tu dis, se moque Mathias qui nous rejoint, je te rappelle que Julia a un crush. Faudrait pas qu’elle te colle de latrines pour avoir osé regarder et baver sur le mec qu’elle rêve de foutre dans son beau lit deux places à la couette fleurie.

- Ah oui, ma Juju, le barbu, c’est chasse gardée ? me demande mon amie.

Je prends le temps de réfléchir à sa question. Honnêtement ? C’est clairement chasse gardée. Mais je ne suis pas sûre de pouvoir lui dire sans créer un raz-de-marée incontrôlable. Dans trente minutes, Eva est au courant, dans deux heures, elles ont dit à Arthur où on pourrait se retrouver sur le camp pour être tranquilles et dans trois, je me retrouve conne devant lui et mal à l’aise. Pour autant, si je ne dis rien, soit elle poursuit sa petite vie tranquillement, soit elle va chercher à l’attirer dans ses filets, juste pour me prouver qu’il s’agit bien d’un crush. Trop compliquée, et trop emmerdante, cette nana.

- Disons que je ne dirais pas non à un apéritif avec lui une fois la mission terminée. Surtout s’il met sa jolie chemise rouge à carreaux et qu’éventuellement elle finit sur mon dos le lendemain matin pendant un petit-déjeuner coquin, ris-je.

- A la fin de la mission seulement ? D’après Mathias, tu n’as pas l’air d’avoir envie d’attendre.

- Mathias n’est pas dans ma tête. Et quand bien même je n’aurais pas envie d’attendre, il n’a pas tort sur le fait que je ne peux pas me permettre de céder à mes envies, malheureusement. No zob in job, comme dirait Sarah.

- Ouais, mais n’oublie pas qu’on n’a qu’une seule vie !

- Je sais bien, soupiré-je. Mais ça va être la merde ici si l’un des gars apprend que je m’envoie en l’air. Déjà qu’ils se permettent des choses qu’ils ne devraient pas pour me tester encore aujourd’hui. Et puis, tu me connais, tout ce que je fais, c’est à fond, avec passion. Je ne peux pas m’impliquer dans un truc avec le Bûcheron comme ça.

Je m’arrête brusquement de parler alors que mes deux compères éclatent de rire. Bon sang, il faut que j’arrête de déballer mes pensées comme ça. Le Bûcheron ? Merde, et re-merde !

- Oh ça va, c’est bon, hein ! bougonné-je en récupérant mes affaires.

- C’est pas la chasse qui est gardée, c’est la forêt ! se marre Myriam alors que nous sortons ensemble du bloc de douches.

- Tu comprends mieux le kiff sur la chemise à carreaux, dis-je en m’arrêtant brusquement avant que Snow ne me rentre dedans.

- Bordel qu’est-ce qui te prend ? marmonne-t-il.

Je crois que c’est à nouveau la merde sur le camp. Je ne peux même pas prendre une douche tranquillement sans que ça parte en vrille. Il y a tout un alignement de militaires, arme à la main, devant la grande porte qui régule l’accès au camp, et quelques réfugiés avec leur sac sur le dos devant, alors que je constate qu’Arthur sort de sa tente aussi vite qu’il le peut, boitillant sur sa béquille.

Je dépose mes affaires de douche dans les bras de Myriam et cours jusqu’à l’entrée, suivie de près par Snow.

- Baissez vos armes immédiatement, soldats ! Qu’est-ce qui se passe ici ?

- Lieutenant, ces réfugiés veulent partir. On leur a dit qu’ils n’avaient pas le droit mais ils insistent. On attend vos ordres, Lieutenant !

- Ça ne va pas recommencer quand même, soupiré-je en me tournant vers le groupe de réfugiés. Un interprète ? Où est Lorena ? Snow, va me la chercher, ou porte Arthur, je sais pas, ce que tu veux, mais il me faut un interprète.

Je le regarde partir rejoindre Arthur et le presser, et si la tension n’était pas palpable, je pourrais en rire de le voir ainsi. Je suis sûre qu’il lui propose de le prendre sur son dos, ce fou, et vu le regard tueur que lui lance le barbu, je doute que la proposition le tente.

- Ne bougez pas d’ici, et je ne veux voir aucune arme pointée en direction de ces gens, ordonné-je en partant en direction des deux hommes qui occupent un peu trop mes pensées en ce moment. Arthur, tu étais au courant que certains comptaient partir malgré l’accord que nous avons passé ?

- Non, je ne sais pas ce qu’ils font là, me dit-il aussi ahuri que moi alors que la bimbo sort de sa tente, accompagnée d’un Dan visiblement fatigué de sa nuit.

- Aucun de mes soldats ne les accompagnera à l’extérieur, je te préviens, soupiré-je. C’est l’anarchie si tout le monde commence à faire ce qu’il veut quand il veut. Rien de tel pour foutre le merdier total.

- Je vais voir ce qu’ils veulent, occupe-toi d’Emma, sinon ce soir, tout le monde est au courant, rajoute-t-il alors que le caméraman a déjà sorti son outil de travail et filme toute la scène.

- Super, à moi la Bimbo, marmonné-je en me dirigeant vers la journaliste.

Je pose ma main sur la caméra, l’abaisse en fusillant du regard le type et les stoppe tous les deux dans leur élan.

- Vous ne devez pas filmer tout ça, ça peut mettre le camp en danger.

- J’ai un ordre du Colonel signé qui me donne le droit de filmer tout ce que je veux, Madame Capitaine. Il se passe quoi, là ? Il faut laisser la liberté de la presse s’exprimer, n’est-ce pas mon Danounet ? ajoute-t-elle en se tournant vers l’adjoint d’Arthur, visiblement prêt à intervenir pour aider sa partenaire nocturne.

- Pas au détriment de la sécurité de ce camp, non. Si ce qui se passe ici vient aux mauvaises oreilles, on finira entre quatre planches, et il va en falloir des planches vu le nombre de personnes. Ne filmez pas. Je vous expliquerai tout plus tard.

- L’Armée, la Grande Muette ! J’en parlerai à votre Colonel ! Soyez-en assurée !

- Mais faites donc, je m’en balance ! J’ai autre chose à gérer que votre stupidité, putain, m’agacé-je.

Je lui tourne le dos et repars aussi vite que je suis arrivée. Qu’est-ce qu’elle m’énerve, cette nana ! Et ça n’a aucun rapport avec le fait qu’elle a baisé alors que je suis clairement une frustrée. Bon sang, la liberté d’expression, je suis pour, mais je viens clairement de lui dire qu’elle peut tous nous faire tuer et elle veut quand même filmer ? Quelle conne, mais quelle conne !

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