18. Sauvetage au village

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Arthur

Pourquoi je me suis engagé dans cette mission, moi ? Comment j’ai fait, après tout ce que j’ai vécu et expérimenté, pour me retrouver au point de départ, dans mon pays natal, au milieu des ruines, dans une guerre que je ne comprends pas et qui me révolte ?

- Tu es juste fou, mon pauvre Arthur. L’envie d’aider les autres te perdra.

Et pourquoi faut-il que ma petite voix revienne toujours aux moments où c’est le moins opportun ? Comme si j’avais besoin à l’instant précis de discuter avec ma conscience ! L’urgence est ailleurs, non ?

- Peut-être que tu as besoin de trouver une conclusion à cette partie de ta vie avant d’entamer la suite ?

Sûrement, oui, mais putain que je suis con de m’être lancé là-dedans ! Me voilà vêtu d’un treillis, une arme à la main pour réagir si on se fait mitrailler par des soldats ou des rebelles, à la recherche de personnes qui se cacheraient peut-être dans ce petit village pour éviter de subir les exactions perpétrées par tous ces hommes en armes ! J’aurais mieux fait de rester dans mon bureau à faire mes comptes, moi !

- Lieutenant, je crois que j’ai vu un mouvement là-bas, indique Snow devant nous en nous montrant une petite maison de l’autre côté de la rue.

Je suis des yeux la direction qu’il indique de la main, et vois en effet une petite lumière à la fenêtre de l’étage. C’est étrange, car on a presque l’impression qu’il n’y a plus de sol, qu’il ne reste que les murs extérieurs. Et pourtant, il y a bien quelque chose qui scintille là-haut. Le souci, c’est qu’il faut traverser la rue et que nous ne sommes pas à l’abri d’un sniper isolé prêt à nous tirer dessus. J’ai peur, je l’avoue, mais je suis excité en même temps, mon corps est rempli d’adrénaline. Je regarde Julia qui réfléchit et j’attends de voir ce qu’elle va décider.

- Ok, on se sépare alors, Snow. Tu prends ton équipe et vous vous mettez en position pour nous couvrir, il faut qu’on aille voir.

- C’est qui “on”, Lieutenant. Tu vas pas y aller avec le civil quand même ?

- Tu parles le Silvanien ? Parce que moi non.

- C’est toi la cheffe. On va te couvrir. Et Arthur aussi, puisque c’est ce que tu veux faire.

Julia ne perd pas un instant et me fait signe de la suivre alors que Snow et les autres se mettent en position, leurs fusils tournés vers les différents angles de la rue pour réagir si jamais quelqu’un se mettait à nous canarder. Nous nous avançons lentement dans la rue et la traversons en regardant partout autour de nous. Enfin, pour être honnête, c’est surtout Julia et ses hommes qui scrutent les environs car moi, je suis concentré sur la petite maison d’où vient la lumière scintillante.

Arrivés à la porte d’entrée qui est éventrée de haut en bas, j’indique à ma coéquipière et ses soldats de faire silence et de ne plus bouger. Nous nous mettons chacun d’un côté de la porte alors que Collins nous couvre, un peu en retrait, et je demande en Silvanien :

- Il y a quelqu’un ? Nous sommes ici pour vous aider. Armée française.

Clairement, on entend un mouvement dans la maison, mais personne ne répond. Je crois que ceux qui sont là se sentent terrés et sont paralysés par la peur.

- Julia, dis-leur un truc en français pour les rassurer, qu’ils comprennent que nous ne sommes ni avec l’armée, ni avec les rebelles, chuchoté-je doucement.

- Lieutenant Vidal, armée française, nous sommes ici pour aider. Manifestez-vous.

Toujours pas de réponse. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, ce n’est pas mon domaine. Je jette un regard interrogateur à Julia et attends ses consignes. Elle me demande alors tout bas de les prévenir qu’on va entrer, ce que je fais immédiatement. Elle fait signe à Simon de venir enfoncer la porte. J’interviens alors pour éviter la catastrophe.

- Non, ça va leur faire trop peur. Il faut essayer autrement.

Et, sous son regard étonné, je tourne la poignée de la porte qui s’ouvre sans grande résistance. Pourquoi utiliser la force alors qu’elle n’est pas nécessaire ? Quand je rentre le premier dans le bâtiment en enfonçant la porte qui résiste quand même un peu sur la fin, je suis content d’avoir un gilet pare-balles sur moi. Je ne suis en effet pas rassuré, surtout que j’ai esquivé la main de Julia qui essayait de me retenir.

- N’ayez pas peur ! crié-je en Silvanien alors que j’aperçois une famille dans un coin du salon, derrière la table de cuisine renversée.

Il y a là une vieille femme, un jeune couple et deux enfants en bas âge. Ils sont effrayés, c’est clair, mais je baisse tout de suite mon Pamas et lève mon autre main pour bien leur signifier que je viens en paix. J’entends derrière moi le groupe du Lieutenant pénétrer à leur tour dans la pièce.

- Venez, il ne faut pas rester là, on va vous mettre en sécurité, leur dis-je en tendant la main.

Ils se regardent mais ne bougent pas. Julia s’avance alors vers eux après avoir donné son arme à Collins qui la regarde faire, dubitatif. Elle s’accroupit à côté de la table et sourit aux deux petits garçons. La Grand-mère m’interpelle alors.

- Vous allez nous emmener où ?

- On a un endroit où l’on met en sécurité les familles, on les protège, on les nourrit, c’est financé par l’ONU. Vous pourrez y attendre tranquillement la fin de cette stupide guerre, lui confié-je.

Avant qu’elle ait eu le temps de répondre, un sifflement retentit et un bruit assourdissant se fait entendre juste à côté. Les murs tremblent et le sol se fissure légèrement. Julia a réagi avec son instinct de militaire en attrapant les deux enfants et en les poussant rapidement vers la sortie, confiante dans le fait que les parents vont suivre. Étant le plus près de la grand-mère, je l’aide à se relever, oubliant ma propre peur, et l’aide à évacuer le bâtiment. Julia est restée en arrière pour s’assurer qu’il ne reste plus personne.

Alors que je me retourne vers elle, un craquement se fait entendre. Elle est en train d’essayer de soulever une trappe sur le sol.

- Je crois qu’il reste quelqu’un là, me dit-elle en forçant sur la poignée.

Je regarde derrière moi, mais les soldats sont en train de s’occuper de la famille et ne peuvent nous venir en aide.

- Tu es sûre ? Je n’ai rien entendu ! Il faut qu’on se dépêche, tout risque de s’effondrer.

- Ouais, viens me donner un coup de main plutôt que de parler !

Je viens et l’aide à soulever la trappe. Elle plonge directement dedans en s’agrippant à une corde qui mène au sol. Un nouveau craquement se fait entendre. Je vois du coin de l'œil le mur du fond de la pièce s’effondrer. Des pierres commencent à tomber autour de moi. Je panique et cherche à m’enfuir, mais je suis comme pétrifié où je suis. J’entends des cris dehors et tout à coup, je sens les mains de Julia se saisir de mes jambes et me tirer vers elle.

- Viens vite, Arthur. Reste pas là, tu vas te faire écraser.

Je perds l’équilibre et tombe dans le trou laissé ouvert par la trappe que Julia a le temps de refermer sur nous alors que le plafond de la maison s’effondre sur nous. Je hurle car en chutant, je suis mal tombé sur ma cheville qui s’est tordue sous mon poids. Alors que je roule sur moi-même, je vois Julia qui regarde, inquiète le plafond de la petite cave dans laquelle nous nous trouvons. Une petite boule de poils vient se coller contre moi alors que le bruit au-dessus de nos têtes est juste assourdissant. Ne me dites pas qu’on a fait tout ça pour un chien ? On va mourir sous cette maison pour un simple animal ?

Quand le bruit cesse et que le calme revient, Julia se détend enfin un peu et soupire. J’ai le chien dans les bras mais, quand j’essaie de me relever, je ne peux retenir un cri de douleur.

- Aïe ! Oh mince, il y a plein de sang ! m’exclamé-je alors que je ressens aussi une douleur dans mon bras, maintenant que l’adrénaline est redescendue.

- Du sang ? Où ça ? me demande la Lieutenant en approchant. Ne bouge pas. Tu t’es fait mal ?

- Là, sur ma jambe, dis-je affolé. Purée, je crois qu’il va falloir amputer, je ne sens plus rien !

- Arthur, calme-toi, rit-elle sans pouvoir cacher sa nervosité alors qu’elle s’agenouille à mes côtés. Tu es sous le choc, c’est normal.

- Sous le choc ? Putain, on va mourir ici coincés pour un stupide chien !

- Je suis désolée, soupire-t-elle en déchirant mon pantalon au niveau de ma blessure. J’étais persuadée que c’était une voix humaine. Ton niveau de douleur sur une échelle de dix ?

- Douze ! crié-je complètement perdu et ne sachant pas où donner de la tête, submergé par la panique jusqu’à ce qu’elle me repousse un peu violemment contre le sol.

Je vois son visage s’approcher dangereusement du mien alors que ses mains se posent sur mes joues.

- Arthur, souffle-t-elle avec une douceur que je ne lui ai vue qu’avec Lila et les enfants du camp, jusqu’à présent. Tout va bien. Nous sommes en sécurité ici. Respire, tu n’es pas tout seul et je te promets que cette blessure n’est pas grave.

D’un coup, je sens un calme olympien m’envahir. Je me perds dans ses yeux et sens son souffle contre mes lèvres. J’en oublie jusqu’à la douleur que je ressens dans ma jambe. Je suis à deux doigts de l’embrasser, mais je me retiens.

- Désolé, Julia, ça va, ne t’inquiète pas. J’ai un peu mal à la jambe, mais ça va. Pour revenir à ta question, peut-être un six sur dix ?

- D’accord, sourit-elle sans pour autant reculer alors que je sens ses pouces caresser mes pommettes. Est-ce que tu me fais confiance, Arthur ?

- Oui, je te fais confiance. Mais on est un peu dans la merde, là, non ?

- Crois-moi, j’ai connu pire. La structure a l’air solide, ça devrait tenir. Et tout le monde était dehors, donc Snow est déjà en train d’organiser les troupes pour nous sortir de là, nous deux et ce foutu clébard. Reste couché, ne regarde pas ce que je fais, je ne voudrais pas que tu tournes de l'œil.

- Tu vas me faire quoi ? demandé-je, légèrement inquiet mais plutôt rassuré par son calme.

- Te torturer jusqu’à ce que mort s’ensuive, bien évidemment ! se moque-t-elle en se redressant pour sortir de l’une des poches de son pantalon un petit nécessaire de soin.

- Attention, je suis coriace, je te préviens. Tu risques de devoir me torturer un moment.

Contrairement à ce qu’elle m’a conseillé, je regarde les dégâts et je vois qu’un morceau de bois s’est enfoncé dans le bas de ma jambe, ce qui explique le sang que j’ai vu tout à l’heure. J’essaie aussi de bouger mon bras, et je sens juste des contusions. Ça aurait pu être pire vu l’effondrement et la chute que j’ai faite. La situation est grave, mais comme elle le dit, je pense que les soldats sont déjà en train d’essayer de nous faire sortir de là. Il faut juste que je prenne mon mal en patience et que je laisse Julia s’occuper de moi. Je suis sûr qu’elle va faire ça très bien.

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