Prologue : Mission acceptée

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Arthur

- Bonjour Arthur, je suis content de te voir.

- Bonjour Marc. Tu m’as fait appeler ?

- Oui, oui, je vais avoir besoin de toi. Assieds-toi.

Je m’installe dans le bureau du Directeur de Food Crisis, l’ONG pour laquelle je travaille depuis maintenant une dizaine d’années en tant que responsable financier. Nous nous occupons de l’aide médicale et alimentaire des populations qui sont touchées par la guerre, les famines, les catastrophes climatiques. J’ai rejoint l’organisation après une première courte expérience dans un cabinet d’audit où on ne pensait qu’aux profits et à l’argent. Ici, on ne pense aussi qu’aux profits et à l’argent, mais au moins, c’est pour les réinjecter dans une cause qui a du sens, ce n’est pas simplement pour aider des gens riches à devenir plus riches. Bref, j’y ai trouvé du sens et je m’y sens bien. J’ai même eu l’occasion de partir plusieurs fois sur le terrain pour participer à des missions. C’est la politique de l’association, afin que tout le monde se sente impliqué dans son travail et comprenne que ce qui est fait au quotidien, c’est pour des personnes réelles qui bénéficient de nos programmes.

- Arthur, reprend le Directeur qui s’est installé derrière son grand bureau. Cela fait maintenant quelque temps que tu n’es pas allé sur le terrain, n’est-ce pas ?

- Oui, ça fera deux ans au mois de mai prochain. Tu veux m’envoyer où ?

- J’ai eu un appel de l’ONU ce matin. Ils veulent que nous allions intervenir en urgence en Silvanie, m’explique Marc qui ne me lâche pas des yeux en me faisant cette annonce.

La Silvanie. Tout de suite, des images de mon enfance me reviennent en tête. Ma mère qui me cache dans un placard avec ma jeune sœur, Sylvia. Des cris, des hurlements. Le bruit des bombes qui explosent à proximité. Cette guerre interne qui a déchiré le pays il y a plus de vingt cinq ans a récemment repris. Je suis bien entendu l’actualité sur Internet, car la télévision n’en fait que très peu état, mais mon cerveau fait un blocage quand on évoque ce pays où j’ai grandi et où a disparu ma mère avant que mon père ne parvienne à trouver le moyen de nous exfiltrer. Mon père est mort l’année dernière des suites d’un cancer, mais il n’a jamais cessé de rechercher sa femme. Ma soeur et moi sommes convaincus qu’elle est morte, il ne peut en être autrement, sinon elle nous aurait donné des nouvelles depuis tout ce temps, non ?

Je regarde Marc sans bien comprendre pourquoi il m’a fait venir.

- Marc, pourquoi tu me parles de ça, à moi ? Tu sais bien que s’il y a un pays où je ne souhaite pas aller, c’est bien celui-là ! C’est trop personnel ! Que veux-tu que j’aille y faire ? Jamais je ne pourrai rester professionnel, là-bas.

- Arthur, je sais que je te demande quelque chose de difficile, surtout au vu de ton histoire personnelle, mais tu es la personne la plus à même de mener cette mission. Tu es le seul chez nous à connaître le pays, tu parles encore un peu la langue, je suis sûr, tu sais comment l’association fonctionne, tu as de l’expérience, tu n’as pas d’attache familiale ici en France. Tu veux que je continue ou bien tu as compris pourquoi je m’adresse à toi ?

- J’ai quand même ma sœur et sa famille ici, Marc. Et qui te dit que je ne suis pas en couple ?

- Arthur, on se connait depuis plus de dix ans. Ta relation la plus longue, c’était avec cette nana qui travaillait comme hôtesse de l’air à Air France. Et quand tu as appris qu’elle s’envoyait littéralement en l’air avec tous les pilotes avec lesquels elle volait, tu a été une loque pendant tellement longtemps que même les gars en mission en Ethiopie ou au Mali s’inquiétaient pour toi ! Depuis, je suis sûr que tu n’as eu personne dans ta vie. Franchement, on se connait assez pour que tu ne joues pas à ça avec moi, Arthur.

- J’étais si lamentable que ça ? demandé-je en haussant un sourcil.

- Pire que ça oui, sourit Marc avant de reprendre. Je ne vais pas t’obliger à y aller, Arthur, tu le sais bien, mais si on veut que la mission réussisse, tu es notre meilleur espoir.

Je me lève sans répondre et m’approche de la baie vitrée qui donne sur la ville. J’ai quasiment la même vue depuis mon bureau et je ne m’en lasse pas. J’adore regarder les bateaux passer sur le fleuve et voguer vers des horizons que j’imagine lointains et magnifiques. J’adore aussi regarder les piétons se presser dans les rues en bas de l’immeuble pour vivre leur petite vie tranquille, avec des soucis du quotidien bien loin des préoccupations des populations auxquelles nous venons en aide. Cela aide à relativiser. De mon poste, en effet, j’ai accès à tous les rapports des agents sur le terrain que je dois mettre en forme et joindre aux demandes de financement, aux rapports budgétaires. A chaque fois que je les lis, je me retrouve plongé sur le terrain, au milieu des bombes, de la misère ou des conditions de vie catastrophiques rencontrées par les équipes. Et là, c’est à moi qu’on demande d’aller gérer tout ça. Et dans le pays qui m’a vu naître et grandir, en plus. Marc est fort, car il sait que je ne vais pas pouvoir refuser, que je suis trop sensible à la cause que nous défendons pour ne pas m’engager à fond dans cette histoire. Lorsque je me retourne vers lui, il a déjà un dossier à la main.

- Tiens, Arthur, voici ta fiche de mission, le budget qui t’est alloué pour faire ton équipe. Je te laisse t’organiser pour les billets d’avion, le reste tu connais, car d’habitude, c’est toi qui organises tout pour les autres. Tu pars lundi prochain, ça te laisse une semaine pour tout préparer, ça devrait aller, non ?

- Et si j’avais refusé, Marc, tu aurais fait quoi ?

- Je te connais, Arthur. Je savais que tu allais accepter. Tu es un homme de devoir. Cette mission, il n’y a que toi qui peut la mener à son terme, et tu le sais aussi bien que moi. J’ai confiance en toi, Arthur. Je sais que tu auras à cœur d’aider les Silvaniens autant que possible et que je peux compter sur toi.

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