Un petit tour

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Elles avaient parcouru de nombreuses lieues à travers la plaine, laissant derrière elles le seul endroit qu’elles n’avaient jamais connu ; fuyant son foyer comme l’on fuit la mort, afin que le souvenir de sa douceur ne fasse naître en elles quelques idées de renoncement. Ressentir un tel sentiment aurait été bien cruel, en effet, car il ne pouvait être assouvi à moins de consentir un terrible prix.

La possibilité de mentir aux leurs les avait effleurées. Elles auraient pu passer de longues heures dans la plaine, laissant suffisamment de temps entre leur départ et leur retour, afin que personne ne se méfiât. Elles auraient prétendu avoir passé l’épreuve sans flancher et auraient été accueillies comme il se doit en de telles circonstances : des chants auraient été mêlés, des danses auraient été partagées et des rires auraient été échangés. Mais la joie n’aurait duré qu’un temps, un moment bien trop court, avant que ne soit perçue leur dette au Magistère.

Les jours suivants, peut-être même les heures, elles auraient vu apparaître devant leurs tentes ceux dont la charge était de recouvrir ce paiement : les vuhacs, les lanciers. Et ceux-ci, inflexibles, auraient mis au jour leur mensonge, révélant au clan la traîtrise dont elles avaient fait preuve, afin de se soustraire à leur devoir. S’en suivrait le pire, car, avant de partir pour cette tour qui les effrayait tant, elles auraient été exhibées devant leur clan. Agenouillées et sous bonne garde, retenues au centre du campement, elles se seraient senties suffoquer, écrasées par le poids des reproches que leur auraient lancé leurs parents. Ceux-là mêmes qui, la veille encore, les couvaient d’un regard admiratif. C’était un prix auquel elles ne pouvaient consentir.

Elles allaient donc bon train à travers les hautes herbes, traçant des sillons que le vent nocturne n’aurait aucun mal à combler. Si tout se passait bien, elles seraient de retour avant Fachna et elles pourraient reprendre leurs sentiers avant qu’ils ne disparaissent et retourner auprès des leurs. Mais avant de penser au retour, il leur fallait parvenir à destination. Elles poursuivaient donc leur avancée à travers la plaine, gardant en mémoire que non loin les attendait La Route : un long corridor, trouant Fanona d’est en ouest, large de plusieurs lances, sur lequel au moins quatre cavaliers pouvaient avancer de front sans se gêner. Pavé entièrement, il luisait d’une blancheur aveuglante quand le soleil daignait le frapper de ses rayons. Et ce fut cette blancheur qui étonna en premier les jeunes cavalières lorsqu’elles le découvrirent. Elles hésitèrent d’abord, le bruit des sabots martelant la pierre n’étant pas un son familier : il l’avait même quelque chose d’inquiétant pour elles. Apprivoisant cette voie nouvelle, tant bien que mal, elles s’engaillardirent et reprirent leur allure. Un galop prudent qu’elles cessèrent tout net lorsqu’elles l’aperçurent : La Tour, elle se profiler à l’horizon. Bien plus étonnant que la blancheur de la voie, fut la noirceur de celle-ci, qui bien que lointaine encore, dominait déjà le paysage. Les jeunes cavalières se regardèrent, cherchant en l’autre le courage de continuer. Mais elle ne le savait que trop, elles ne pouvaient plus reculer : l’heure du jugement avait sonné.

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