Chapitre 38

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Pour l'amour de l'art et du cochon

Ce qu'il y a d'extraordinaire dans cette maison-musée, c'est que beaucoup des artistes présentés ont été associés par les propriétaires à la construction et à l'aménagement des lieux et que les œuvres qu'ils y présentent ont été pensées pour être exposées là. C'est le cas pour la plupart de celles du jardin de sculptures. C'est le cas du bassin Braque où semblent nager ses poissons de mosaïque. C'est aussi le cas de la fontaine dessinée par Pol Bury. C'est encore le cas du mobile de Calder qui domine les statues du parc. Sans oublier, bien entendu, le labyrinthe de Miró, qui signe également le vitrail de la cour éponyme. Moi, qui suis d'ordinaire plus sensible à la peinture qu'à la sculpture, eh bien, dans ce cadre particulier, ces œuvres m'interpellent davantage. J'ai passé un long moment dans les extérieurs de la Fondation à les contempler, les examiner, à tourner autour.

Au total, je ne connais que trois autres endroits qui m'ont autant impressionné que celui-ci, sinon plus, mais ils sont tous les trois dus au même homme et conçus pour célébrer sa gloire ; vous voyez de qui je veux parler : de Salvador Dalí, bien entendu, de sa maison de Cadaquès, du château de Púbol, offert à Gala, sa muse, et du musée de Figueras, consacré à l'artiste et son œuvre. Dans ces trois lieux, l'intégration des œuvres dans le décor est extrême, et souvent même comme ici, c'est le décor qui devient œuvre et parfois chef d'œuvre !

En parcourant la liste des artistes exposés, j'ai la surprise de constater que plus de deux cents noms y figurent : tous les artistes du XXe siècle que je connais en sont, bien entendu, qui avec un chef-d'œuvre reconnu, qui une œuvre emblématique, mais nombre d'autres qui me sont inconnus y figurent aussi.

Ce voyage immobile ou presque souligne la diversité, l'exubérance, la folie même de l'imaginaire des artistes, mais il nous renvoie presque toujours un instantané d'une certaine beauté, d'un équilibre, questionnant la notion d'achèvement et de réussite.

Je suis ressorti enchanté de ma visite, plus de deux heures et demie après être entré, et pourtant, presque aucun des artistes présentés ne figure parmi mes préférés : une fois encore, la magie du lieu a opéré ! C'est ce que déclarent beaucoup des visiteurs sur le livre d'or.

Je redescends tranquillement à mon véhicule. Il est temps de regagner mon hébergement pour ce soir avant de mettre demain matin le cap sur les Alpes, direction Molines-en-Queyras et Saint-Véran, que mon guide vert Michelin qualifie de "commune la plus haute d'Europe" avec son église à 2042 m d'altitude !

Le camping-caravaning Saint-Paul se situe juste au-dessous des remparts du village. J'avais pris la précaution d'y réserver une nuit. Je suis donc attendu.

C'est un établissement à taille humaine d'une superficie d'un hectare, dont les installations sont d'un standing qui lui vaut quatre étoiles, mais les tarifs sont raisonnables. Je monte ma tente, aidé par un ou deux jeunes curieux venus reluquer mon auto (ça se passe souvent ainsi), puis je pars en vadrouille dans le village, appareil photo en bandoulière. À Saint-Paul, c'est un peu comme au Mont Saint Michel : on se suit souvent à la queue leu leu dans les ruelles, devant et dans les boutiques d'artisans d'art et les ateliers des peintres et sculpteurs. Mais ce soir l'affluence n'est pas trop forte. Il est dix-huit heures passées, le gros de la troupe journalière est reparti ou en train de regagner son véhicule. Ceux qui restent caressent le projet de dîner sur place et examinent avec attention les cartes des restaurants.

Moi, ce soir, je ferai maigre, une petite boîte de pâté Hénaff, un bout de comté et une pomme devraient suffire. Ah, oui, il convient peut-être que je vous explique ce qu'est le pâté Hénaff, sans lequel ne se déplace au loin aucun breton qui se respecte ! En 1907, Jean Hénaff, paysan breton de Pouldreuzic (Finistère) fonde une conserverie de légumes et poisson. En 1915, il a l'idée de lancer une conserve appertisée de pâté de porc, réalisée avec les morceaux nobles de l'animal (jambons et filets). Épicée selon une recette secrète, cette conserve reste, un siècle plus tard, le produit phare de la société, toujours familiale. Il s'en vend près de quarante millions de boîtes par an, grâce à son goût et sa qualité uniques. Je suis parti avec quinze boîtes de 80 grammes et celle que je vais ouvrir tout à l'heure est l'avant-dernière. Décidément, il est temps que je rentre !

Voilà une boulangerie. "Une baguette de tradition, cuite à point, s'il vous plaît".

J'ai l'eau à la bouche. Au camping, vite !

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, février 2018.

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