Chapitre 29

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Sous l'orage

Nous sommes arrivés au pied du télésiège sous un ciel devenu noir et menaçant. Curieusement, la décision de fermer la station n'a pas encore été prise et nous empruntons le premier siège qui se présente, sous l'œil impavide de l'employé. C'est un parcours d'un peu plus d'un kilomètre jusqu'au sommet et quand des éclairs commencent à zébrer le ciel à l'ouest, je souhaiterais que la montée se fasse un peu plus vite, je vous l'assure. Ma montre-chronomètre m'indique que nous montons à plus de 180 mètres/minute, mais les dix minutes du voyage me paraissent bien longues quand même. Helen, plus habituée que moi sans doute aux intempéries extrêmes dans son île-continent, ne bouge pas un cil et son calme olympien m'impressionne.

Dès notre arrivée au sommet, nous nous précipitons dans la gare de descente, toujours ouverte, et attrapons le second siège qui arrive, mais à peine l'arceau de sécurité s'est-il rabattu sur nos genoux que les cataractes du ciel s'ouvrent soudain après un ultime zébra de la foudre au loin dans le ciel. Ce télésiège fonctionne plus vite que le précédent et la distance est moindre, mais en trente secondes, à la sortie de la gare, nous nous retrouvons pantalon et short trempés, car la pluie nous frappe de face et se transforme par moments en petits grêlons qui nous fouaillent le visage et les jambes, nous obligeant à enfouir nos têtes encapuchonnées dans l'épaule de l'autre pour nous protéger autant que possible.

Que se passerait-il si la foudre frappait un pylône ? Peut-elle parcourir un câble sur toute sa longueur et se propager à tous les sièges ? De quelles sécurités disposent ces installations ? Ces questions angoissantes traversent mon esprit tandis que nous descendons sur Font-Romeu à quatre mètres par seconde, d'après mon chrono.

Moins de trois minutes plus tard, nous sommes en bas, lorsqu'une explosion formidable retentit au-dessus de nos têtes. La foudre vient de frapper le Roc de la Calme ! Mes oreilles se bouchent et les tympans me font mal. Sortis en courant du bâtiment d'arrivée, nous regardons la-haut. De la fumée s'échappe de la gare et bientôt des flammes surgissent, tandis qu'une sirène se déclenche ici en bas.

L'hélicoptère de la Protection Civile décolle et nous entendons des sirènes de pompiers monter vers nous. Une équipe de secours va tenter d'utiliser le télésiège s'il fonctionne encore, tandis qu'un camion emprunte la piste en lacets qui mène au sommet. En plus de l'employé de la gare, il y avait sans doute des vacanciers présents au moment de l'impact. La structure métallique n'aurait-elle donc pas joué son rôle protecteur de cage de Faraday ?

Helen et moi nous retrouvons en petite tenue dans ma voiture, en train de nous sécher avec une serviette que je plie en quatre sur mon siège pour éviter les brûlures du cuir en été, assistant à ce va-et-vient agité, tandis que la police municipale, accourue elle aussi, tente d'éloigner les curieux de la gare de départ.

Ouf ! Nous l'avons échappé belle, dirait-on.

— On a bien mérité un chocolat chaud au bistrot d'à côté, non ? demandé-je à Helen, dont les mâchoires s'entrechoquent. Le froid ou le contrecoup de la frayeur subie ? Les deux, sans doute.

Je l'enveloppe dans le plaid écossais qui recouvre mon siège arrière. Elle me remercie et opine du chef en silence, encore incapable de parler.

De retour au camping, après nous être réchauffés au Bistrot de la Calme, nous trouvons Mark en train d'essayer de faire des longueurs dans la piscine. Mais c'est difficile avec tous les enfants qui jouent et sautent partout. Il nous fait signe de la main avant de sortir du bassin d'un prompt rétablissement sur le bord.

— Alors ? interrogeons-nous de conserve.

— Pas terrible, de la plonge, une semaine, c'est tout, dans un snack un peu plus bas, répond-il, d'un air dépité.

— Tu as accepté ? demande Helen. C'est payé combien ?

— Mille cinq cents nets pour quarante-huit heures. Pas encore, je peux rendre réponse ce soir, on verra, en fonction de ton résultat à toi. Si tu es prise ici, j'accepte le job. Sinon, on passe directement en Espagne ; ce sera peut-être plus facile là-bas.

Ils se tapent la main droite levée, paume contre paume, pour marquer leur acceptation de ce deal entre eux. C'est le "Tope là !" anglo-saxon.

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, décembre 2017.

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