Chapitre 27

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Mardi 20 août 1996

Helen, Mark et moi avons installé nos deux tentes en décalé sur le replat de notre emplacement, pour préserver l’intimité de chacun. Une table de pique-nique fixe nous fait face, c’est parfait. Ma voiture est garée à proximité sur un petit parking. Je les ai invités à partager mon dîner. Ils ont dit oui. Je suis tout heureux de concocter un repas pour d’autres que moi. J’ai acheté deux steaks surgelés à l’épicerie du camping pour préparer des spaghettis bolognaise. Eux ont pris un pack de bières pour la soirée. Mais notre problème c’est le manque de récipients adaptés pour trois. On va être obligés de cuire les pâtes sur nos deux réchauds dans nos casseroles respectives et d’utiliser aussi nos deux poêles pour la préparation de la sauce bolognaise. Finalement, nous cuisinons à six mains !

Le soir tombe assez vite. La température fraîchit. Il faut sortir les polaires et même un pantalon en ce qui me concerne. Un lampadaire pas trop lointain nous éclaire un peu, mais pour plus de confort, j’ai posé ma lampe-tempête en bout de table. Les bières sont sorties de leur carton, le saucisson coupé en rondelles sur sa planchette et les chips dans une assiette. Helen et moi avons préparé chacun la moitié de la bolognaise, puis mis à cuire nos spaghettis, al dente, avant de faire le mélange dans nos assiettes respectives. Je picore et ils dévorent. Peut-être n’ont-ils pas déjeuné ce midi. En tous cas, ils ont une bonne descente. Je crois que le pack de dix bières va y passer. La conversation roule d’un sujet à l’autre. Je suis curieux de leurs pays respectifs :

— Où habitez-vous, en Nouvelle-Zélande, Jack ?

— Au bord du lac Taupo, au centre de l’île du Nord. C’est un lac qui occupe la caldeira d’un ancien volcan. Mes grands-parents sont arrivés là en pionniers, pour l’exploitation forestière. La famille de mon père y vit depuis. Au bord d’une plage appelée Five Mile Beach. C’est le plus grand lac de Nouvelle-Zélande, plus de six cents kilomètres carrés. Cent quatre-vingts mètres au plus profond. On s’y balade en bateau à roues à aubes, comme sur le Mississippi. Aujourd’hui, la contrée vit principalement du tourisme ; l’agriculture et la forêt sont passées au second plan.

— Et vous, Hélène ?

— Moi, je suis une fille des Blue Mountains, une région montagneuse, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Sydney. On l’appelle ainsi à cause du reflet bleuté provoqué par les essences volatiles qui se dégagent des forêts d’eucalyptus. Mes parents tiennent une maison d’hôtes à Katoomba. La zone est devenue touristique, mais c’est surtout une banlieue-dortoir de Sydney.

J’essaie de visualiser ce qu’ils viennent de me dire. Un temps de silence s’instaure. Puis, ils ne veulent pas être en reste et m’interrogent à l’unisson :

— Et vous, Pierre ?

(En bons Anglo-saxons, leurs prénoms sont la première chose qu’ils m’ont communiquée et j’ai fait de même ; j’aime assez cette coutume). Je réfléchis un instant à la manière de présenter en quelques phrases mon petit paradis.

— Moi, je vis au fond d’une baie sur la côte nord de la Bretagne, cette péninsule du nord-ouest de la France. On y élève des huîtres et des moules. On y pêche la coquille saint-jacques, le bar et le maquereau. Mais c’est un pays presque autant tourné vers la terre que vers la mer. Agriculture, pêche et tourisme y font globalement bon ménage. Même si les pratiques intensives de culture ont créé des problèmes de pollution, comme partout, je suppose.

Ils approuvent de la tête. Leur passage par le Mont-Saint-Michel leur a donné un aperçu de mes paysages. Nous entamons les dernières bières. La température a considérablement baissé à présent. Nous avons remonté le col de nos polaires. Jack et Helen, qui sont restés en short commencent à ressentir le froid. C’est un feu de camp qu’il nous faudrait, mais ce n’est pas autorisé ici. Alors, en entrechoquant nos bières, nous nous souhaitons bonne nuit et chacun regagne ses pénates. La vaisselle attendra demain.

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, novembre 2017.

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