La Daviade (3) : La charge du Guépard

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" — Je me recueillais sous un arbre de fer, un parrotie de Perse, pour accomplir une introspection personnelle. Je sentais la dureté de son écorce brune, semblable à la rudesse des derniers combats.

Je contemplais feuilles chamarrées et étincelantes, ces ellipses allant du pourpre cramoisi au vert printanier en passant par le jaune et l’orange…

Une douce brise, nommée par les nomades de steppes Sukhovey, les balayait formant une farandole multicolore.

La richesse de cette palette végétale reflétait la mer d’étendards qui se déployait sous mes ordres.

Après tout, pensais-je, cette défaite n’est que temporaire et en somme réversible. Avec les renforts des clans du Sud, des vétérans des campagnes contre les sultans du Sindh ou du Penjab, et leurs monstrueux éléphants, de féroces guerriers ayant affronté les terribles montagnards afghans des solaires rois Zunbils !

Ces puissants renforts venant des régions méridionales de l’Empire rivaliseraient sans souçi contre les aguerris cavaliers des steppes septentrionales.

Ils étaient menés par d’éminents chefs du guerre . Premièrement, le vieux général Sabuktigin Ghaznévid surnommé « le Guépard » pour la vivacité de ses charges ,

Secondement , Sayan de Ahvaz « le Faucon Féroce », le vertueux commandant d’infanterie.

Troisièmement, Aram, satrape de Sistan , aussi fin poète que brillant tacticien, surnommé « L’Ours du Sud » pour sa force légendaire, un redouté maître des champs de bataille.

Enfin, Zahak «l’Onagre du Désert » , satrape de la sablonneuse Makran , ou Gédrosie pour les Grecs, son sens de l’organisation hors pair permettait à notre immense ban d’atteindre des vitesses de marche vertigineuses.

Les talents de ce dernier se révélèrent décisifs , car il était grand temps de se porter au devant des rebelles sunnites. En effet, mon astucieux adversaire, Abu’l Muzaffar s’était proclamé Sultan de tout le Khorassan au lendemain de sa victoire dans les plaines de Sarakhs .

Il était ensuite parti assiéger la ville de Torshiz, en marge du désert salé de Namak, avec ses deux lieutenants Hafer « Cotes de fer », satrape de Balkh, et Mechun « le Boiteux » satrape de Merv.

Son plan était clair, une fois la ville prise, il se dirigerait vers la capitale Téhéran, et mes possessions sacrées de Ray, lieu de naissance du prophète Zoroastre et Qom, pour s’emparer du cœur de mon empire.

La rapide progression de notre armée surprit nos adversaires, qui, voulant éviter de se faire prendre en étau entre les remparts de la ville et les traits de nos cavaliers, optèrent pour une prudente retraite.

Nous les poursuivîmes avec acharnement, les traquant telle la panthère chassant la gazelle, et nous parvînmes à les rattraper dans la région vallonnée de Baghdis, « d’où vient le vent » , célèbre pour ses pistachiers sauvages. Moi et mes vassaux lui coupèrent la route devant la cité de Marw al-Rudh, porte d’entrée vers la steppe désertique du Karakum où les cavaliers nomades pourraient disparaître sans laisser de traces. En effet, la traversée de la rivière Murghab avait considérablement retarder sa marche.

Nos deux armées se firent donc face devant la ville de Marw al-Rudh, non loin de Sarakhs où avait eu lieu notre premier affrontement.

Je dirigeais à nouveau le centre, épaulé de Sayan « le Faucon Féroce » qui menait l’infanterie tandis que je restais en réserve avec ma garde personnelle. Je confiais cette fois ci le commandement de mes mon aile gauche à mes généraux compétents. L’aile gauche d’Aram de Sistan« l’Ours » défiait

les Merviens de Mechun « le Boiteux » tandis que l’aile droite du « guépard » Sabuktigin Ghaznevid toisait les Bactriens d’Hafer « Cotes de fer ». Le centre ennemi mené par le prétendu Sultan du Khorassan Muzaffar nous chargea et enfonça presque nos lignes, sauvées de peu par les contre charges régulières de ma réserve, je dus donner de ma personne et me montrer régulièrement aux troupes pour les rassurer et maintenir leur moral.

Pendant que le combat faisait rage, le Grand Ghaznevid et ses archers montés forts vifs multipliaient les charges en divers endroits du front, rebroussant chemin juste avant le choc pour éviter l’engagement , ce qui lui permettait de tester la solidité de la résistance opposée et de détecter le point faible de la ligne ennemi. Avec un précision chirurgicale, il multipliait ses légers assauts telle la guêpe, recherchant le maillon faible. Enfin, il trouva le talon d’Achille, c’était la partie liant le flanc gauche au centre rebelle, menée par Mechun le « Boiteux ».

Ce dernier était avant tout un érudit féru de théologie, si bien que lui et ses troupes étaient les moins expérimentés et les moins aptes militairement de l’armée rebelle. Ghaznevid le « Guépard » prit alors une décision décisive ; il dégarnit le flanc droit, et laissa ses lieutenants contenir au mieux le puissant Hafer « Cotes de fer », pour renforcer le flanc gauche . Puis, le Guépard mena une charge conjointe avec Aram « l’Ours » , cet élan dévastateur emporta tout sur son passage, Aram d’un colossal coup d’épée trancha une jambe du pauvre Mechun, qui chuta de sa monture. Bientôt, ses troupes dépassées prirent la fuite, suivie de toute l’armée rebelle.

La victoire était complète, et notre cavalerie poursuivit les fuyards sur plusieurs lieues. Je félicitais mes hommes et mes généraux, avant d’aller prier au pied d’un pistachier pour remercier Ahura Mazda pour cet éclatant succès.

L’heure n’était pourtant pas encore aux festivités, il fallait encore capturer le sultan rebelle. Je poursuivais donc Abu'l Muzaffar jusque dans son fief de Birjand. Cette cité, capitale du Khorassan du Sud, était célèbre pour ses cultures de safran et de jujubes ainsi que pour ses manufactures de tapis. La prospérité de Birjand, la plus belle ville Qohestan, se doublait d’une localisation stratégique, située sur la route de la Soie, au carrefour de l’Inde, de la Perse et des plaines du Khorassan. Le rebelle Muzaffar l’avait donc en conséquence dotée d’une forte garnison et de redoutables fortifications.

Un assaut frontal s’annonçait périlleux, je préférais donc la voie de la ruse. Je mettais en marche mon réseau d’espions, pour détecter ceux du camp adverse, en posant des questions en vieux persan, que ce soit l’antique avestique des Achéménides ou le plus récent pehlevi des Sassanides. Mais l'on cherchait aussi à détecter les éventuels accents de ces nomades des steppes ou l'on demandait de réciter des passages de l’Avesta, le livre sacré de notre prophète Zoroastre, ce qui était très ardu pour un musulman.

Une fois, les espions détectés, nous les retournions ou nous les remplacions par nos propres espions pour mener des opérations de contre espionnage. Je pus donc disséminer des rumeurs au sein du camp adverse, sous estimation de mes forces , dissension au sein de mon armée, manque de ravitaillement, moral au plus bas… Je disais notamment à qui voulait l’entendre que d’importants vassaux, mécontents de mes réformes religieuses, étaient sur le point de me trahir pour rejoindre Abu’l Muzaffar. Je fis également camper les armées des prétendus parjures au plus proche des portes de la cité, pour feindre leur ralliement au Sultan rebelle.

La ruse réussit. Me Croyant dans une position fébrile, le sage Muzaffar sortit de Birjand pour se porter à ma rencontre, certain de la trahison de mes vassaux. Mal lui en pris, aussitôt qu’il s’aventura hors de la sûreté de sa cité, les « prétendus félons » se ruèrent sur lui, décimèrent ses troupes et le capturèrent.

Mon triomphe était complet, j’avais capturé l’opulente Birjand et définitivement défait la rébellion sans verser une goutte de sang. Pour mes exploits martiaux lors de cette guerre, je gagnais le surnom de "Lion"

Je confisquais les terres du vieux Muzaffar, qui naguère dominait le Khorassan, et je confiais les cités capturées, Nishapur, Birjand, et Tus, où naquit le poète Ferdowi auteur du « Livre des Rois » furent confiées à mon frère Tortogul « aux Six Vertus », nommé d’après Tortogul « le Monstre » un khan des Coumans. Cela permettait de satisfaire les ambitions territoriales de ce possible prétendant au Trône de Perse et de renforcer l’assise de ma dynastie.

Ainsi s’achève la longue rébellion, qui trois ans dura et pris de nombreuses vies. Néanmoins, les menaces envers mon Trône et mes conquêtes ne s’achevèrent guère ici. "

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