DIVINE PROVIDENCE OU PAS

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LEY

Après l'incident de la vente aux enchères, les jours se succèdent à l'Aurora aussi paisiblement que d'habitude. Or, sans que je ne le veuille, le suffisant Lucas Lambert et son invitation à dîner s'infiltrent dans mon esprit. Et dans ces moments là, je ne peux m'empêcher de penser aux paroles de V.

- Ce n'est pas de ça dont il s'agit et tu le sais très bien; depuis quand n'as-tu pas baisé, Ley ? Quand as-tu laissé un homme te toucher pour la dernière fois ?

Occupée dans mon bureau, je me projette en arrière sur ma chaise Airflow et me mets à tourner comme une gamine, mon stylo à la bouche. Cet espace transpire le sérieux, pourtant impossible pour moi de me concentrer sur ce que je dois impérativement boucler dès aujourd'hui. Être le numéro deux, après V, n'est pas de tout repos, mais au lieu de travailler aux diverses responsabilités qui m'incombent, mon esprit vagabond, se dirige dans une très mauvaise direction.

Damian et Ely.

Deux sujets tabous que j'évite le plus possible, mais qui pourtant tourne en boucle dans ma tête depuis que Vénus a tenté de me faire parler.

Après ma fuite et la mort de ma sœur, je me suis imposée une chasteté forcée. Hors de question de répéter mes anciennes erreurs. Ma vie au club ne se résume qu'à un jeu de rôle, puisque je joue la tentatrice, l'hôtesse et la coordinatrice tout en me refusant à la moindre sexualité. Une libido longtemps synonyme de douleurs physiques et morales. Même si Vénus a raison et que mon corps est une bombe à retardement, je ne crois pas être capable de céder et de me laisser approcher par quiconque.

À vingt-huit ans, je devrais normalement pouvoir faire usage de mon corps librement, mais impossible pour moi après avoir vécu la politique du lâcher prise. Je suis prisonnière de mon passé, craintive de tout ce qui touche à mon intimité. D'ailleurs, évoluer dans une atmosphère telle que celle de l'Aurora, met mon self-contrôle à rude épreuve. Damian a dépouillé la femme que j'étais et maintenant, il ne reste d'elle qu'une coquille vide.

Je me relève rapidement de mon siège, envoie valser mon stylo sur ma table de travail et décide de faire un tour pour me vider la tête. En ouvrant la porte, je me retrouve nez à nez avec mon assistante, la très sérieuse Hélèna. Je m'apprête à lui dire que peu m'importe le motif de sa visite, celui-ci attendra une heure ou deux, qu'elle me prend de vitesse et m'expose la raison de sa venue.

- Mademoiselle Carré, un paquet est arrivé pour vous !

Je déteste ses mademoiselle qui n'en finissent jamais.

- Tu sais que tu peux m'appeler Ley, comme tout le monde ici.

Elle me contemple avec cette expression dubitative qui a le don de m'exaspérer, puis me répond avec le plus grand sérieux.

- Vous me l'avez déjà demandé plusieurs fois, mais je préfère m'en tenir à Mademoiselle.

Cette fille a un besoin permanent de mettre de la distance entre elle et les autres. C'est à se demander ce qui a bien pu lui arriver et comment elle a fait pour atterrir à l'Aurora.

Elle est d'un professionnalisme et d'une efficacité sans faille. Ça, je ne peux vraiment pas en disconvenir. Mais bordel, cette petite blonde à l'air beaucoup trop guindée, je dirais même, en étant vulgaire, beaucoup trop coincée du cul pour être ici. Putain ! Il n'y qu'à voir ses réactions lorsque, pour une raison ou pour une autre, elle se retrouve devant un ou plusieurs de nos élus en pleine action.

Enfin, inutile d'essayer de comprendre cette fille, ça fait pratiquement deux ans que j'essaye sans succès. Je reprends donc la parole, un brin agacée, et reviens au fameux paquet reçu à mon intention.

- Un colis ?

Je suis assez septique, car je ne reçois jamais rien sans en avoir été avertie à l'avance. - De quel genre ? Je n'attends aucune commande.

- Je ne crois pas que ce soit en rapport avec l'Aurora, mademoiselle.

Elle se triture les doigts en sachant très bien que je n'accepte jamais d'envoi personnel. Damian aimait ce genre de jeux ... aussi, je renvoie à l'expéditeur tous présents non identifiés.

- Je n'en veux pas.

- Mais, ... Je la coupe sans ménagement.

- Il n'y a pas de mais qui tienne, Hélèna, renvoie le.

- Je ne peux pas, mademoiselle Carré.

- Comment ça, tu ne peux pas ?

- Il n'y a pas d'expéditeur, donc je suis dans l'impossibilité de le faire.

- Mais, c'est impossible. On ne rentre pas ici comme dans un moulin, rien ne peut pénétrer céans sans être d'abord vérifié. Comment cela a pu se produire ?

- Je n'en sais rien, mademoiselle Carré, mais il semble qu'on l'ait déposé devant vos appartements. Je peux cependant m'en débarrasser, si c'est vraiment ce que vous voulez.

Son regard me scrute comme s'il détient un message caché que je dois impérativement déchiffrer. Curieuse, je cède, en sachant pertinemment que c'est une mauvaise idée.

- Apporte-le-moi ! dis-je en soufflant d'exaspération.

Elle m'observe encore de manière confuse et me demande :

- Vous en êtes sûre ?

- Oui, je le suis.

Alors qu'elle se retire de mon bureau, une certaine anxiété me gagne. Agitée, je décide donc de me réinstaller derrière ma table de travail en attendant qu'Hélèna réapparaisse. Je me demande ce que peut bien contenir cette boîte mystérieuse. À cause de Damian, je déteste les surprises et les colis mystères. Bien, plus encore, elles me foutent une trouille de tous les diables. J'ai offert à cet homme ma confiance, mon amour, ma soumission et il m'a anéantie , piétinée sans une once de pitié.

Un souvenir s'immisce alors dans mes pensées.

- Alors, chérie, ma surprise t'a plu ?

Son regard est comme fou. Ma gorge est tellement nouée, que je n'arrive même pas à lui répondre. Furieux, il m'attrape par le cou et le serre au point de me faire suffoquer.

- Pourquoi tu ne réponds pas ?

Ma voix est hachée par le manque d'air.

- Damian, s'il te plaît, pas ça !

Je reçois malheureusement une gifle, sans que je ne puisse l'anticiper. Celle-ci m'envoie valser de l'autre côté du salon.

- Tu veux me trahir, espèce de petite salope ! Je ne te laisserai jamais partir, tu es à moi, Ley !

Il se rapproche à nouveau et mon corps tremble d'horreur. Menaçant, il me saisit par les cheveux et me remet debout en tirant dessus.

- Tu crois que je n'ai pas remarqué que tu t'éloignes de moi , poupée. Mais sache que peu importe l'endroit où tu iras, Ley, je te retrouverai toujours, bébé. La peur me tétanise.

- Tu as reçu mon présent? Me repoussant avec violence, je tombe au sol et me retrouve à genoux.

Alors que mes pensées refont surface, des coups discrets sont frappés à ma porte puis Hélèna apparaît dans l'encadrement avec le fameux paquet en sa possession. Mais, en me voyant, mon assistante s'arrête net.

- Mademoiselle Carré, que se passe-t-il ?

Je me rends alors compte que des larmes roulent sur mes joues.

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