CXI. New York avec toi

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CXI. New York avec toi*

Quelques jours plus tard, Louka (qui à peine débarrassé de ses lectures épistolaires sordides, avait repris du poil de la bête) partit voir sa sœur à New York. Trois jours à peine : le temps de faire l’aller-retour… Mais c’était la première fois, depuis mon drôle de remake du 6 juin 1944 (sans blindés, mais avec bagages), que l’on était séparés par un océan. Et j’en fus absurdement contrariée. On ne vivait pas ensemble, on ne se voyait pas tous les jours… Mais je n’avais pas envie de le savoir si loin. J’en arrivai presque à bouder !

Pour penser à autre chose, voire pour me venger un peu de cette désertion en bonne et due forme, je choisis de profiter de l’été parisien. Aussi, le premier soir, j’organisai une soirée bières sur les quais de Seine avec mes collègues : cela nous permit de nous détendre et de fêter, avec quelques jours d’avance, la fête nationale américaine.

Puis le lendemain, je proposai à Ingrid un dîner entre filles : nous étions de plus en plus complices depuis que je vivais à Paris, d’une part parce que l’amitié profonde et quotidienne des garçons nous rapprochait beaucoup, d’autre part parce que je ne me lassais pas de son humour, de son énergie, de son culot… Elle avait la bienveillance aussi absolue et lumineuse qu’un soleil de printemps sur le belvédère de Corte.

Ainsi fis-je de mon mieux pour m’occuper agréablement… Et me convaincre que Louka ne me manquait pas. D’ailleurs, sans mentir, je passai effectivement de bons moments en excellente compagnie ! Mais l’honnêteté me pousse à avouer qu’en parallèle, je gardais mon téléphone à portée de main pour être certaine de ne louper aucun texto… Comme une nymphette qui rêverait de son voisin de palier dans un roman photo.

Car Louka et moi passâmes trois jours à nous envoyer des petits messages, juste comme ça, pour ne pas dire grand chose. J’avais l’impression de revivre mon adolescence, mais en beaucoup mieux : je n’avais plus de boutons d’acné, j’avais le droit de boire de l’alcool et Louka avait plus de sex-appeal que tous mes copains du lycée réunis.

Louka K. Dos Santos : “Hey ! Just arrived in NY. Tu as passé une bonne journée ?

Romy Anderson : “Great ! Enjoy your stay ! Excellente, merci. Là, je suis sur les quais avec des collègues.”

LK : “Une vraie Parisienne… Moi je prends une douche, and then je rejoins Mila et Thomas au resto.”

RA : “Say hi to both of them.”

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LK : “They say hi too. Tu es bien rentrée ?

RA : “Oui monsieur, je suis en train de me mettre au lit.”

LK : “Sans bouillotte… Pas trop triste ?”

RA : “Si !”

LK : “A mon retour, je te consolerai… En attendant, il te reste l’option grosses chaussettes ?”

RA : “Il fait dans les 30 degrés… Je ne risque pas d’avoir froid.”

LK : “Then you won’t even miss me...

RA : “Je te dirai ça demain !”

LK : “Ok… Ici c’est presque la tempête, on se croirait en novembre… I just told Mila about us. Elle l’a bien pris, je crois.”

RA : “Us ?”

LK : “Oui. Je pensais qu’elle serait un peu jalouse mais en fait, non. Elle a grandi !”

Mila Carter : “Hello Romy ! Louka vient de me dire, pour vous deux… You know I really like you, but anyway, tu aurais pu m’en parler ! Ne lui fais pas de mal ; jamais. Cheers.”

RA : “Well… Pas sûre qu’elle l’ait si bien pris que ça, Louka.”

LK : “?”

RA : “Laisse tomber. Je vais dormir, bonne soirée !”

RA : “I like you too, dear Mila. And I love him… See you soon.”

LK : “Good night ! Je t’embrasse… Où tu veux.”

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RA : “Hi :) Bien dormi ?”

LK : “Pas trop, avec le jet-lag… Et toi ?”

RA : “Comme un bébé ! Je n’ai même pas eu froid ;)”

LK : “:(“

RA : “Tu fais quoi aujourd’hui ?”

LK : “Je dois voir mon banquier, mon assureur, et un confrère du barreau de New York. Et je déjeune avec ma sœur à côté de son lycée.”

RA : “Moi j’enchaîne les réunions depuis ce matin… Si c’était une discipline olympique, je suis sûre que les Français seraient champions toutes catégories ! C’est épuisant. Ce soir, heureusement, je sors again.”

LK : “Avec Ingrid, je sais ; Pietro m’a dit qu’il était de garde avec Lucia.”

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RA : “On t’embrasse toutes les deux ! Regarde, Ingrid nous a trouvé la plus belle terrasse de Paris ! Juste pour prouver qu’on n’a pas besoin de Pietro et toi pour naviguer ;)”

LK : “Vous n’avez pas l’air très fraîches, mesdames… C’est un bateau-mouche ?”

RA : “Un restaurant-croisière sur la Seine. Bon, il n’y a que des touristes, mais c’est magnifique et le champagne est à volonté. Et toi tu fais quoi ce soir ?

LK : “Mon confrère m’a proposé de boire un verre, j’ai rendez-vous avec lui dans deux heures.”

RA : “Great. Sois prudent quand même, il y a des filles éméchées qui traînent dans les bars de New York…”

LK : “J’ai l’impression que les filles éméchées sont plutôt sur les bateaux de Paris ?”

RA : “Maybe… Mais ce n’est pas une raison.”

LK : “Une raison de quoi ?”

RA : “De ne pas te méfier des New-yorkaises !”

LK : “Thanks for warning me. Je serai très prudent.”

RA : “De toute façon, je suis ce qui se fait de mieux en matière de fille éméchée dans les bars de Big Apple ; même en faisant le tour de Manhattan, tu ne trouverais pas mieux. Inutile de chercher !”

LK : “Mais qui t’a dit que je cherchais ? …”

Je lui répondis par un grand sourire niais qu’il ne vit jamais, par une avalanche ridicule d'émoticônes de câlins et autres bisous-coeurs qu’il reçut par texto, et par la promesse à moi-même de rattraper ces trois jours d’absence dès son retour.

Puis je lâchai mon smartphone pour profiter de ma soirée. Ingrid et moi bûmes (trop), rîmes (fort), refîmes (mal) le monde… Le tout, comme si on se connaissait depuis toujours !

Après le restaurant, nous allâmes dans un bar où les cocktails étaient aussi forts que la musique. Ingrid et ses beaux yeux nous valurent de nous faire offrir deux verres par trois inconnus, ce qui nous amusa beaucoup, puis la soirée s’acheva. Nous appelâmes un taxi qui nous ramena chacune à bon port et nous nous promîmes de nous voir plus souvent, avec ou sans nos moitiés.

Avant de me coucher, j’envoyai un dernier texto outre-Atlantique.

RA : “Louka, tu me manques. J’ai envie de te voir.”

LK : “Après-demain soir ?”

RA : “Trop tard. Après-demain midi. On déjeune ensemble ?”

LK : “Alright. Tes désirs sont des ordres… Bonne nuit.”



*New York avec toi, de Téléphone ; in Un autre monde, 1984.

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