LVIII. La mauvaise réputation

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LVIII. La mauvaise réputation*

- « So... Je n’ai sûrement pas fait ce qu’il fallait, ni ce que tu attendais. Et c’est vrai, j’ai toujours plu aux filles et j’en ai toujours profité. Mais tu le savais ! Je ne t’ai jamais promis la lune… Ni l’exclusivité.

- I know...

- Tu peux penser ce que tu veux ; que je suis un connard, et un queutard ! Mais je n’ai pas triché avec toi... Et oui, toi aussi, tu as été mon number one. J’ai dormi avec toi, pas souvent, c’est vrai, mais quand même ! Alors que je n’avais jamais dormi avec une fille. I cooked for you, just for you, pour te faire plaisir ! Alors que je n’avais jamais cuisiné pour une femme ; à part Chiara, évidemment... I told you about mon enfance, le Maroc, mon père, Mama, tous ces souvenirs qui me font tellement mal ! Alors que je n’en parle jamais à personne. Et puis…

- Et puis quoi ? Accouche, Louka.

- Et bien… Je ne sais pas comment te dire ça sans passer pour un gros naze, mais avant toi, Romy, je n’avais jamais couché plus d’une fois avec la même fille.

- Jamais ?

- Jamais...

- ...

- Alors peut-être que je te “baisais” en cachette, comme tu dis, peut-être que je dragouillais d’autres nanas par-ci par-là sans trop y penser ; mais je revenais toujours à toi.

- Tu es en train de me dire que tu ne couchais avec personne d’autre ?

- Exactly.

- I don’t believe you… D’ailleurs je t’avais demandé, un jour, si tu voyais d’autres filles. Tu n’as même pas daigné répondre.

- Parce qu’avant ta question, je n’avais même pas réalisé que depuis des mois, je ne couchais plus qu’avec toi. J’ai été… Surprised, disons.

- Pourquoi je te croirais ?

- Parce que c’est la vérité.

- Et pourquoi tu n’aurais couché avec personne d’autre ?

- Parce que je n’avais envie de personne d’autre… J’avais envie de toi. And every time we slept together, just made me want to recommencer.

- Mais alors pourquoi tu t’es tapé cette Cinderella ?

- Cinderella ? La mono de cata ?

- Oui ; ne fais pas semblant de ne pas savoir de qui je parle !

- Je vois très bien de qui tu parles, mais je ne vois pas pourquoi tu en parles ?

- Parce que tu n’as pas couché avec elle, peut-être ?

- Si… Il y a longtemps, je devais avoir 18 ou 19 ans.

- Tu te fous de moi ?

- Non, Romy.

- OK… Admettons. Alors ce n’était pas elle ; mais peu importe, je sais que tu n’es pas rentré seul et que tu as couché avec une fille.

- Mais quand ?

- Juste avant que je parte ; le jour où on était allés à Girolata en bateau tous les deux ; tu t’en souviens ?

- Bien sûr ! On avait fait l’amour toute la journée. Ah non pardon, je devrais dire, pour reprendre ton expression, qu’on avait “baisé” toute la journée.

- Arrête de chipoter avec ce mot ! Tu as très bien compris ce que je voulais dire… Anyway. Ce soir-là, tu es sorti pendant que je gardais Mila comme une conne ; et en rentrant, tu t’es tapé une pétasse quelconque.

- Actually… Non.

- Pourquoi tu mens ?

- Je ne mens pas.

- Je vous ai entendus !

- …

- C’est tout ce que tu trouves à dire ?

- ... Je suis désolé, Romy, si je t’ai fait du mal. »

Il me dit cela dans un vaste froncement de sourcils, ses yeux étaient vagues, presque noirs dans la pénombre, ses doigts étaient crispés sur le levier de vitesse et il n’ajouta pas un mot. Il se gara galamment à la porte de mon hôtel miteux, me souhaita une bonne nuit sans me regarder, et repartit illico presto.

J’avais un peu espéré qu’il s’inviterait pour boire un dernier verre et agiter les draps roses de ma petite chambre… J’avais tout faux, évidemment. Il faut dire que cette conversation n’était pas le meilleur moyen de titiller sa libido ! Ni la mienne, d’ailleurs. Et finalement, je mis à profit ma solitude pour réfléchir à tout ce qu’il venait de me dire.

Mes pensées tournaient et se retournaient dans ma tête comme les pièces dépareillées d’un étrange puzzle. Je pesais chacun des mots de Louka, chacun de ses silences, chacun de ses souffles. J’essayais de le croire, encore et encore, parce que sa version des choses était moins douloureuse que la mienne. Mais je me heurtais toujours au même constat : il avait couché avec cette fille ! Je l’avais entendu.

Je dormis peu, et mal. Et le lendemain, blottie contre le hublot de mon vol pour New York, je réalisai que tout était bel et bien fini. A quoi bon lui parler de ma grossesse ? Louka venait de me prouver qu’il était tristement capable de mentir en me regardant droit dans les yeux.



*La mauvaise réputation, de Georges Brassens ; in La mauvaise réputation, 1952.

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