Chapitre 63

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2024

Quatre ans que la vie d'Olympe avait basculé. Quatre ans que celle de Sébastien avait explosé. L'homme que la jeune femme prenait pour une brute était en réalité d'une douceur infinie. Le jour de son union avec Solange enfin arrivé, elle se souvint de leurs premiers échanges. Qu'avait-il souhaité en la brusquant ? Qu'elle prenne peur, qu'elle retourne auprès des civils, et surtout, qu'elle ne se mêle pas à ces combats. Affaires d'hommes, selon lui. Puis, petit à petit, le machisme d'une autre époque explosa. La détonation ? Le jour où Olympe enfonça son Ka-bar dans la poitrine de l'homme qui l'étouffait. Ce jour-là, la place d'une femme dans son univers changea à jamais. L'égale de l'homme.

Un temps.

La seconde étape ? L'unité W. De loin, très loin, il observa les prises d'assauts. Chorégraphiées, millimétrées, presque délicates. Oui, ces femmes amenaient une grâce que les hommes n'offraient pas. Bourrins, brutaux. Un homme rentre dans le tas, fonce tête baissée. Une femme réfléchit, analyse et s'exécute dans le calme et le silence. Cette délicatesse offrait aux survivantes de ces prisons une bouffée d'oxygène et un espoir. Des femmes, d'autres femmes leur étaient venues en aide. Que représentaient-elles ? L'espoir. L'espoir d'une guérison. L'espoir qu'un jour, elles aussi prendraient les armes pour obtenir vengeance et sauver d'autres victimes comme elles.  

Au fil des mois, la Femme dans l'univers de Sébastien surpassa l'homme.

Le bunker confirma ce nouvel équilibre. Sa Solange devint cette confirmation. Femme puissante, résiliente, résolument portée vers l'avenir malgré les horreurs du passé, elle lui apporta la sérénité, le calme, la confiance, aussi. Avec elle, il était entier. La vie ne leur avait pas fait de cadeau, à eux désormais de renverser la tendance. Prendre le taureau par les cordes et vivre !

Leur union promettait d'être divine, enivrante et surtout, emplie d'espérance. Si ces deux êtres meurtris et lessivés par la vie se projetaient, pourquoi pas Olympe ? ¨Pourquoi pas Yvanka ? Pourquoi pas Gaëlle ou encore Marceau ? L'union d'Hugo et Loïc avait sympabolisé la paix. Celle de Solange et Sébastien offrait l'espoir.  


— Dis moi qu'elle sera là, Olympe.

— Elle sera là, Florian, sois tranquille. Elle se met en route et sera là dans l'heure. Jamais elle n'avait vu son ami trépigner ainsi.

Après des mois de silence, de réflexion, il était revenu. Bien sûr qu'il était revenu. Pour lui aussi, la relation si particulière qu'il partageait avec Olympe ne pouvait s'interrompre ainsi. Plus qu'une histoire d'amour, Olympe et Florian devinrent des amis précieux. Vacances, repas de famille, confidences, restaurants. Tout y passait, sans aucune ambiguïté. L'homme faisait désormais partie du groupe à part entière. Cassandre, Lola et Félix, Yvanka, et désormais Florian. Les autres ? Leur vie chargée, à la capitale pour la plupart, réduisait leurs intéractions, mais qu'importe.

Un soir, ce dernier avait avoué à Olympe son attirance pour Yvanka. Elle avait ri si longtemps qu'il s'était vexé.

— Je ne me moque pas. Je comprends de mieux en mieux ton fonctionnement mon chéri, voilà tout. Tu as besoin de te sentir utile pour exister. Quoi de plus utile que d'aider les personnalités les plus abimées ? Ce n'est pas d'ailleurs pour cela que tu es entré au service de la RF ? Pour te rendre utile ? Ensuite il y a eu moi. Et dieu sait si je te serais éternellement reconnaissante de l'influence que tu as eu sur ma vie. Et maintenant, Yvanka. Là par contre, il y a du boulot. Tu es un homme. Et Yvanka n'a confiance en aucun homme. Tu as du le remarquer au fil des soirées que tu passes en sa compagnie. T'a-t-elle déjà parlé seul à seul ? 

Elle se souvint s'être confiée sur les deux mois passés dans le bunker. La difficulté de la jeune femme à s'adapter à la présence si étouffante des soldats masculins. Lola désormais en couple avec Félix, elle n'avait pas le choix, pour continuer de partager sa vie avec son âme-sœur, elle avait dû s'accommoder du jeune député. Félix comprenait. Félix comprenait toujours. Il respectait cette fragilité. Qu'avait-elle pu subir pour être brisée à ce point ? Seule une poignée le savait. Seule l'unité W le savait.

Ce qu'Olympe s'apprêtait à faire risquait de tout ruiner. Lola et Cassandre l'avait prévenue mais soutenait son idée. Prétextant de réaliser la mise en beauté chez elle, l'ancienne lieutenant n'avait en réalité invité qu'Yvanka chez elle. Florian s'y trouverait tandis qu'Olympe s'éclipserait pour une urgence familiale. Il n'avait réclamé que quelques minutes de solitude avec elle. Rien de plus. Sa fragilité l'avait fait craqué et Olympe devait l'admettre, Florian pourrait l'aider. L'évidence sautait dorénavant aux yeux. Pourquoi ne pas s'en être aperçu plus tôt ? La candeur d'Yvanka associée à la bonté de Florian ferait des ravages... Encore fallait-il qu'elle lâche du lest, qu'elle lâche prise et qu'elle se fasse confiance. Comment pouvait-elle douter de sa capacité à se battre, à se défendre ? Elle, tueuse née, puissante et écrasante. Lors des combats, elle muait. La femme frêle se transformait en vengeresse terrible prête aux pires horreurs pour défendre celles qui n'avaient pas eu sa chance.

Après un énième viol, épuisée, nue, affaiblie, la fenêtre ouverte fut cette chance. Une unité de la RF l'avait trouvée errante. Après des semaines de soins, elle avait souhaité rejoindre la blanchisserie d'un hôpital militaire. Le jour où Olympe déboula blessée dans celui-ci, la rumeur avait enflé. Une femme. Une combattante ! Le voir pour le croire. Alors elle s'était rendue dans l'unité de soins. Son bras, sa nuque, et les deux hommes qui se succédaient à son chevet. Loïc, souriant, confiant et Guillaume, taciturne, fermé, inquiet. Elle était là lorsque Loïc avait raconté l'histoire de cette femme inerte dans ce lit. La vie l'avait déglinguée. Comment avait-elle eu la force de prendre les armes ? Pourquoi se battre alors que tout était perdu ? Son destin résonna en elle. Elle aussi avait tout perdu. Sa dignité, sa famille, sa vie. Qu'est-ce qui l'empêchait de mettre un terme à tout ça ? D'attraper un Glock et de se coller une balle dans la bouche ? De voler des médicaments et de s'injecter une dose létale d'anesthésiant ? La vengeance. La volonté de voir ses bourreaux et ceux des femmes encore sous leurs jougs souffrir. Voilà ainsi l'histoire d'Yvanka la vengeresse qui avait faire fondre le cœur de Florian le sauveur. Serait-elle réceptive à ses charmes ? Au fond d'elle, Olympe espérait que son histoire passée avec le jeune homme apporterait le crédit nécessaire à son amie pour ne pas se sauver en courant devant l'intérêt qu'il lui portait.


J'espère que tu es fière de ton idée. J'imagine qu'on ne se verra qu'au mariage, n'est-ce pas ? 


Simple message. Aucun indice. Aucun emoji. Rien. Etait-ce une bonne idée ? Olympe le découvrirait bien assez tôt. À l'heure actuelle, Yvanka et sa peur panique des hommes étaient malheureusement le cadet de ses soucis. Depuis plusieurs jours, seul un être étouffait ses pensées. Guillaume. Toujours, Guillaume. Aucune nouvelle depuis leur rencontre apaisée chez Justine et Antoine. Une année. Que pouvait-il se passer en douze mois ? Etait-il aussi impatient qu'elle ? Félix avait expliqué qu'il avait déménagé sur Paris et qu'il travaillait avec Plantain désormais. Olympe était ravie. Il allait de l'avant. Parfait. À son tour maintenant. Vite, le retrouver, vite se blottir contre lui !

— Sois tranquille ma chérie, arrête de le chercher des yeux comme ça tu en deviens flippante. On est en avance. Il va finir par arriver, ton capitaine.

Cassandre, belle comme jamais, avait toujours les mots justes. La déception transpirait sur le visage d'Olympe qui désespérait de poser son regard sur le seul qui comptait à cet instant.


Enfin. Son cœur vrilla, se serra, chauffa, vibra. Déambulant sans béquilles, terriblement beau, Guillaume avançait vers l'allée.

— Il a une sœur ?

Comment Olympe avait-elle fait pour ne pas apercevoir la déesse qui se tenait au bras de son prétendant ?

— Aucune idée... souffla-t-elle.


Voilà, c'est ça le problème ! Tu ne sais rien de lui ma chérie. Qui te dit qu'il n'était pas déjà avec avant la guerre ? Hein ?!


Un indice. Un cruel indice. Une main posée sur le visage du jeune homme, et des lèvres goûtant sa nuque... La jeune femme effleura la pulpe de ses doigts afin d'effacer toute trace de rouge à lèvres. Espoirs abattus.

— Tu fais ça à ton frère toi ? interrogea Olympe, nauséeuse.  

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