Chapitre 50

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Le quatrième bordel se trouvait dans une grande avenue de la ville, ravagée par les combats. Les jeunes femmes avaient pris d'assaut une bâtisse ancienne juste en face de la prison avec une facilité et une rapidité déconcertante. Tant mieux. Il fallait agir vite.

Le plan entra en action. Elles brisèrent les vitres opacifiées qui empêchaient tout repérage depuis l'extérieur. Cinq grenades lancées puis l'équipe pénétra dans l'immeuble. Pas un bruit, pas de cris de femmes surprises par les déflagrations, rien. Quelque chose clochait. Cependant, la mission primait. Coralie et Solange s'occupèrent du premier niveau puis réapparurent dans le hall. RAS. Niveau suivant, le groupe s'engagea dans le couloir. Olympe et Yvanka, restées sur le palier, montaient la garde. La voie était libre, là aussi.

Trop facile, trop calme. Pas une seule rescapée. Personne. Un pressentiment inonda la raison de la lieutenant et lui cria de partir. Au diable les ordres, la vie de ses guerrières passait avant tout le reste. Une chose que ce conflit lui avait appris par dessus tout : écouter son intuition, toujours.

— On s'en va.

Il restait un niveau, pourtant, sans discuter, elles rebroussèrent toutes chemin lorsqu'une détonation puissante effondra le sol sous leurs pieds. L'escalier avait été piégé. Des cris, de la poussière, des gémissements. Olympe percuta violemment les débris et une douleur brutale irradia son flanc. La lieutenant se crispa néanmoins autour d'une toute autre chose, ses coéquipières. Pouvaient-elles toutes sortir des décombres ? Elle entendit les voix de tout le monde. Sauf Jeanne et Coralie. Olympe se tourna vers la porte d'entrée d'où l'ennemi risquait de débouler d'un instant à l'autre.

— Les filles, je vous laisse une minute pour me rejoindre. Après ça, on s'en va. Un bruit, un cri, une lumière, peu importe.

Une à une, ses guerrières se redressèrent et attendirent d'être au complet. Olympe fondit son regard sur sa montre et mit son ouïe au service du moindre râle, du cliquètement le plus infime signalant une présence sous les décombres. Ses yeux sondèrent le nuage de poussière à la recherche d'un quelconque reflet de vie porté par le faisceau d'une lampe torche. Deux de ses combattantes gisaient sous ces pierres, gravement blessées, peut-être même déjà mortes et ainsi ensevelies dans leur tombeau de débris. Elle était responsable de la vie de chacune d'elle et avait failli à sa mission. Elle avait échoué... Des pas l'extirpèrent de sa torpeur.

Survivre. Bouger. Riposter. Lorsque la porte s'ouvrit, une balle se ficha dans son casque et une grenade s'engouffra. Sans réfléchir, Cassandre frappa violemment l'engin qui explosa en plein vol dans la rue. Une seconde roula dans le bâtiment. Même dégagement, même fracas. Ces ordures pensaient-ils les avoir ainsi ? Les montagnes de cadavres que cette unité traînait derrière elle ne leur avaient-elles rien démontré de leur puissance ? Folie réveillée, encore, toujours, la voilà elle et son clan dans la rue où la fumée produite par les explosions les rendait invisibles. L'ennemi faisant écran, impossible de rejoindre le fourgon qui les attendait peut-être, alors l'unité s'élança dans une course folle sans destination précise.

— Olympe !

Sonnée, le visage en sang, Justine se tenait à un mur. Que s'était-il passé ? Où était Margaux ? Une bombe avait explosé simultanément à la leur dans le bâtiment qu'elles gardaient, emportant son binôme.

Trois de ses guerrières...

Des tirs l'arrachèrent de ses pensées. La fumée s'était dissipée révélant ainsi leurs silhouettes devenues des cibles de choix. La lieutenant se retourna et canarda en tout sens. Le déchaînement du canon rendait hommage aux femmes courageuses qui venaient de les quitter et hurlait sa rage, sa culpabilité, sa dévastation aussi. Chargeur vide. Des ombres insuffisantes et surtout insignifiantes gisaient sur le sol. Son monde s'effondrait, encore, irrémédiablement. Dans un espoir infime de rassasier la bête affamée de chair putride de l'ennemi, elle envoya deux grenades, priant pour que la fumée fasse gagner du temps à sa coéquipière pour fuir. Mais où ? Les débris jonchaient les rues. Les bâtiments tous effondrés. Rien. Néant. Vide. Aucune échappatoire possible. Sauf...

À quelques dizaines de mètres, un bras dépassait d'un soubassement et s'agitait frénétiquement. Etait-ce le bras de Cassandre ? Justine s'y dirigea, se tenant sur les pans de murs toujours debouts tandis qu'elle, fière de sa guerrière, fermait la voie. Il fallait qu'elle vive ! Il fallait toutes qu'elles vivent.


Au milieu du croisement, Olympe défia du regard les miliciens à ses trousses. Ils vidaient leur chargeur dans sa direction. Si elle devait mourir ici, qu'il en soit ainsi. Une balle n'était rien en comparaison de la culpabilité rongeant sa raison. Elle décocha ses trois derniers explosifs qui roulèrent dans leur direction et sourit. Elle était prête.

— TROUVEZ-MOI APRÈS ÇA BANDE DE CONNARDS !

La déflagration fut telle que les hommes durent se coucher pour éviter les projectiles. Profitant de la puissance de l'explosion et de la désorganisation de l'ennemi, elle se rua sur Justine et l'attrapa. Son flanc l'électrisa. Ce bras qui s'agitait toujours sonnait comme un ultime espoir de survie. Il fallait avancer. Face à une grille démolie et une cave sombre et invisible, elle sourit à nouveau. Elle lança son paquetage dans ce gouffre noir et profond, à l'image de l'intérieur dévasté de sa poitrine. Sa coéquipière s'y glissa. À son tour désormais.

Lorsqu'on lui aggripa les jambes et qu'on tira, un déchirement, une douleur puissante et terrible traversa son ventre. Si intense, qu'elle lui arracha un hurlement bestial. Une main posée lui accorda l'explication : un objet métallique la transperçait. En rampant pour se cacher, ce dernier avait ripé sur le sol, déchiquetant ainsi méchamment la plaie. Au bord du malaise, la vision trouble, elle atterrit dans un endroit où une voix familière résonnait. Que faisait le capitaine dans cette cave ? Sa culpabilité intolérable se rua sur cette cible de choix réveillant au passage l'incontrôlable dragon. Trois de ses guerrières étaient mortes par sa faute ! Elle dégaina son GLOCK.

— PUTAIN JE T'AVAIS DIT QUE ÇA ALLAIT MAL FINIR NON ? Je te l'avais dit !

Cristallisant la frénésie de ses pertes, elle plaqua le corps du capitaine contre le mur et le mit en joue.

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