Chapitre 48 (àmaj)

4 minutes de lecture

Juillet 2021

En quatre mois, l'unité W fut responsable du démantèlement de près de trente camps composés en moyenne d'une vingtaine de femmes réduites à de la marchandise et sélectionnées car répondant à un cahier des charges spécifique.

En effet, le mouvement totalitaire comptait parmi ses hauts dignitaires, des hackers puissants qui pouvaient obtenir n'importe quelle information confidentielle à partir de la liste de recensement de la population de chaque ville.

Chaque habitant avait une utilité pour le MLF.

Concernant les femmes, leurs dossiers médicals furent épluchés.

Le MLF avait un souhait : relancer l'économie grâce à une France forte et fertile, pour cela il lui fallait donc des femmes dociles, mariées, et capables de procréer. Ainsi, l'interruption volontaire de grossesse ou encore l'infertilité féminine n'avaient plus leur place dans la société imaginée. De même pour les lesbiennes ou encore les célibataires de plus de 26 ans. Si ces dernières refusaient de se marier à un soldat, deux options s'offraient à elles : fusillées ou prisonnières d'un bordel. Toutes ces femmes emprisonnées étaient des pionnières en terme de liberté. Femmes puissantes d'une époque tourmentée, elles subissaient les conséquences affreuses d'un état devenu totalitaire et patriarcal.

La prison n'avait qu'un seul intérêt : « divertir » les soldats.

Par la force des combats et la détermination de la RF et de ses alliés européens, l'étaut se resserrait autour de l'ennemi qui n'avait qu'un seul ordre, ne surtout pas céder sur le contrôle de la population, se soulevant tous les jours un peu plus. Pour cela, il fallait continuer d'inspirer la terreur.

La terreur, c'était ces prisons.

Extrait de l'Histoire avec un grand H,

édition Hauts de France, février 2030.

En quatre mois d'action, les combattantes de l'unité W avaient pris de l'assurance à l'image de Justine, devenue une snipeuse hors pair et formant avec Margaux un duo efficace en qui la lieutenant avait toute confiance. Chaque femme avait son point fort et sa personnalité. Agissant au plus fort des combats, ces vengeresses puissantes devinrent, grâce à leurs interventions discrètes de véritables anges de la mort. Un binôme sortait néanmoins du lot. Lola et Yvanka. Une amitié rare et une confiance absolue naquit entre elles offrant aux combats une pluvalue presque artistique, comme chorégraphiée. Avec elles, chaque interaction, mesurée, ne nécessitait aucune parole. Le franc parler détonnant de la bout en train Cassandre détonnait face à la réserve de Coralie, qui, tout comme Jeanne, faisait ses preuves au corps à corps. Olympe pouvait compter sur elles deux pour arriver à leurs fins en toute discrétion, quoi qu'il en coûte pour l'adversaire. Pour finir, Gaëlle et Solange aidaient quant à elles, à l'extraction des victimes.

Malgré ces habitudes et ces gestes répétés, l'inquiétude grimpait. Lors du dernier assaut, les guerrières eurent la sensation que l'ennemi savait exactement de quelle manière la prise du bâtiment se réaliserait, aussi, un soir, elle partagea ses doutes à son supérieur lors de leur débriefing.

— Vous devriez changer de façon de faire, les soldats se passent peut-être le mot sur votre mode opératoire, avait-il évoqué.

— Capitaine, on ne laisse aucun survivant derrière nous. Jamais. Comment peuvent-il savoir ? Aucune caméra. On a fait le tour de tous les bordels dès que nos doutes se sont installés. En même temps il vaut mieux n'avoir aucune trace de ce qu'il s'y déroule, croyez-moi. Crimes contre l'humanité, la sentence serait terrible en cas de défaite... Bref. J'en parlerai aux filles, mais il faut trouver une solution pour éviter d'y rester à nouveau. Parlez.

— Comment ça d'y rester ? Parlez.

— Ils nous attendaient. Deux snipers étaient stationnés dans le bâtiment d'en face et derrière l'entrée du bâtiment, ils avaient positionnés deux grenades à fragmentations. Les explosifs se sont déclenchés lorsque Lola a ouvert la porte. Impossible de faire demi-tour, les snipers nous canardaient pour qu'on pénètre toutes dans le bâtiment. Là, onze hommes armés jusqu'aux dents nous attendaient. Capitaine, on avait jamais eu autant de mal à maîtriser un de leur bordel. On discutait via la radio et c'est comme s'ils nous écoutaient alors on a fini par la couper. Je pense qu'ils nous espionnent et les filles ont la même intuition. Parlez.

— C'est impossible Warenghem ! Parlez.

— Impossible ? Je vous rappelle ce qui nous est arrivé durant l'hiver ? N'avaient-ils pas réussi à pirater notre fréquence avant que nos radios rendent mystérieusement l'âme toutes en même temps ? Rien n'est impossible Capitaine. Parlez.

Résignée, elle se doutait qu'il n'allait pas comprendre, ou plutôt, qu'il ne voudrait pas comprendre. L'homme manageait désormais sous la pression de ses propres supérieurs. Pour corroborer ses dires, il lui faudrait apporter une preuve irréfutable. La conversation s'enchaîna ensuite sur les modalités de la prochaine mission se tenant dans la ville bastion du MLF dans l'Artois, où l'unité devait se préparer à la libération d'une dizaine de camps. Tâche rude, il en convenait, mais elles n'avaient pas le choix. Il lui souhaita bonne nuit, puis la communication se coupa.

Quatre mois, sans interruption, qu'elles enchaînaient les prises de force, sans repos, dormant à la belle étoile, ou dans des maisons délabrées, sans possibilité de se laver, ni de nettoyer leurs vêtements. Cette vie misérable, Olympe y était plus habituée que ses soldats. Toutes devaient s'accomoder des horreurs plus intolérables les unes que les autres mais devant l'absence de répit, la jeune femme voyait les regards de ses combattantes se métamorphoser. L'envie de changer les choses se transformait en fatalité, la combativité en vengeance et la peur en dégoût. Avait-elle évolué ainsi sous les yeux de Guillaume et des autres ?

Pour éviter de briser ses combattantes, il fallait créer une soupape d'évacuation. Ainsi, après le repas et avant de s'endormir, elle instaura un rituel : la musique. La lieutenant voulait que ce moment permette à chacune de libérer la pression des assauts et des visions sordides qui en émanaient ainsi que du rythme effréné de ces prises de force jouant sur le moral et la santé mentale de ses combattantes. À raison de presque deux prisons par semaine, l'ignominie était devenu leur quotidien.

Annotations

Vous aimez lire riGoLaune ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0