Convalescence : Chapitre 39

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Après des semaines de combats figés dans l'hiver infernal, la RF, sous couvert d'un renfort de l'armée anglaise, regagna du terrain sur le territoire français malmené par le MLF.

Une guerre et l'Homme redevient animal, une accalmie et l'humanité renaît de ses cendres.

Devant les rumeurs d'affaiblissement la réponse du MLF fut sanglante. Déportations de plus en plus importantes, contrôle total des lieux d'approvisionnement de nourriture, coupures d'électricité à des heures stratégiques et enfin, accès à l'eau courante au domicile impossible.

Contrôler. Toujours. Partout. Pour tout.

Les masques rendus obligatoires par l'ancien gouvernement étaient une aubaine. Le MLF catégorisa ainsi les civils. Retraités aux faibles revenus, miliciens et familles, personnels de santé, célibataires de moins de vingt-cinq ans, nationalités... Comment vérifier que le bon masque était attribué aux bonnes personnalités ? Passage quotidien aux mairies pour contrôle de la température corporelle et distribution d'eau potable (dix litres tous les deux jours).

Pour continuer d'obtenir les appuis financiers nécessaires à toute cette politique et ce, malgré les exactions, les notables des villes tels que les directeurs d'entreprises se virent attribuer des missions, des passe-droits...

Offrir de l'importance et la maîtriser.

Avec ce traitement, les dissidents devinrent nombreux.

La nuit, des dizaines de civils tentaient par tous les moyens d'échapper à la répression, quittant leur domicile pour rejoindre les camps de fortune installés par la RF.

On ne comptait plus les exécutions pour l'exemple.

Le contrôle par la terreur.

Extrait de l'Histoire avec un grand H,

Édition Hauts de France, février 2030.

Dans une grande salle de soins commune baignée de lumière où seule des femmes y séjournaient, Olympe, la tête entre les jambes, au bord d'un lit, émergeait. Irradiante, déstabilisante, brûlante, la douleur hurlait de se rallonger. Trop tôt, il était beaucoup trop tôt pour se redresser. Le répit avait été de trop courte durée et la raison lui ordonnait de cesser ses bêtises. La folie avait failli la tuer et cela suffisait. La colère avait-elle quitté les rangs de la frénésie pour rejoindre celle de la sagesse ? Lorsque la douleur se stabilisa, elle observa les petites mains au bandage rouge autour du bras s'affairer de patientes en patientes.

— Vous là-bas ! Allez le prévenir qu'elle vient de se réveiller ! Comment vous sentez-vous mademoiselle ? Hé Ho ? Vous m'entendez ? Mademoiselle Warenghem ? Comment vous sentez-vous ?

Comment expliquer que sa tête prenait feu ? Que son corps avait peut-être atteint ses limites ? La femme lui intima de s'allonger pour vérifier les plaies mais la blessée refusa. Se rallonger c'était abdiquer. La folie avait peut-être perdu un allié, mais elle n'avait pas dit son dernier mot. Elle préféra rester assise. Le médecin s'accommoda, décolla le pansement de la plaie du cou et se lança dans le récit de sa convalescence. Arrivée dans un sale état, déshydratée, en hypothermie, en hypovolémie par la perte massive de sang, la transfusion sanguine avait été inévitable. Pendant tout son laïus, Olympe grimaçait. Le pansement si près de l'implantation des cheveux de sa nuque était une torture à décoller.

Soudain, une frayeur...

— Rassurez-moi, vous êtes vaccinés ici ? Pourquoi personne n'est masqué ?

La rudesse de l'hiver accompagnée des températures négatives impressionnantes durant de très nombreuses semaines avaient permis de réduire voire d'annihiler la circulation du virus. Personne ne pouvait prévoir comment les choses évolueraient lorsque le redoux s'annoncerait mais la nature offrait une pause bien méritée à l'humanité déjà tant malmenée.

Un regard sur la plaie du bras. La voilà devenue une véritable guerrière selon les critères de sélection très personnels de Sébastien. Elle sourit. Le corps désormais abîmé à l'image de l'esprit. La cicatrisation avancée lui glaça le sang. Combien de temps était-elle restée inconsciente ?

— Cinq jours.

Cinq putains de jours loin de sa meute. Où étaient-ils ? Félix ? Hugo ? La louve s'agita et ordonna des réponses.

— Ils sont tous en convalescence je pense. J'avoue que je n'en sais pas plus car je ne m'occupe pas de ce secteur là. Quelqu'un avait expressément ordonné qu'on le prévienne dès que vous seriez réveillée, il ne devrait plus tarder. Si vous voulez bien m'excusez mademoiselle, j'ai du travail.

Qui était-ce ? Le lieutenant ? Elle avait désobéi mais à présent tirée d'affaire, lui en voulait-il ? Y aurait-il des conséquences ? Soins terminés, la médecin ordonna de se reposer. De toute façon, impossible pour elle de faire grand-chose d'autre... Alors elle contempla cette pièce sordide. La guerre l'avait limée, blessée, brisée, certes, mais certainement pas comme ces filles mutilées probablement torturées pour la plupart et où hurlements et catatonie s'entremêlaient.

Une voix hurla son nom avec tant de puissance qu'Olympe sortit de son effroi. Son binôme ! Vite, qu'il la serre dans ses bras ! L'homme mesurait l'urgence de ces retrouvailles et traversa la pièce en courant. Ses bras chauds et si réconfortants lors des nuits glacées du siège coulèrent à nouveau sur son corps. Les grains du sablier pouvaient-ils se coincer et ralentir leur course irrémédiable ?

— Oh... Olympe. Si tu savais comme j'ai eu peur...

Elle aussi. La vie valait encore la peine d'être vécue. Elle avait tout ce qu'on pouvait espérer dans une guerre. Une famille qui s'inquiétait. Les questions déboulèrent. Comment se sentait-elle ? Avait-elle mal ? Comment étaient les plaies ? Olympe coupa court et enchaîna plutôt avec son unique préoccupation. Comment allait tout le groupe ? Loïc se lança. Pris en charge en urgence, le sergent n'était pas encore sorti d'affaire. La balle avait fait de gros dégâts et l'avenir de son bras était incertain. Hugo en revanche se portait bien et avait demandé à rejoindre son unité rapidement. De son côté, prisonnier par l'armée Anglaise lors de la prise d'assaut, Marceau fut identifié par le Capitaine Dinter mais les hommes n'avaient aucune nouvelle d'Achille et son corps n'avait pas été retrouvé parmi les victimes.

— Olympe, je dois te laisser, j'ai promis à Hugo que je l'aiderai à prendre une douche et à changer son pansement mais je t'ai ramené quelque chose qui te fera plaisir, j'en suis sûr !

Après un simple baiser sur la joue aussi puissant qu'un baume cicatrisant, l'homme s'éclipsa. Pouvait-il savoir à quel point il était devenu précieux ? Le frère d'armes. Le frère tout court... Expansive avec Louis, elle peinait à ouvrir son cœur aux autres alors, comprenait-il l'importance qu'il avait dans sa vie ?

Son lecteur de musique. Oreillettes en place. Play. Ses pensées virevoltèrent. Achille... Aux mains du MLF ? Qu'allaient-ils lui faire ? La vision d'horreur des corps meurtris près d'elle fracassa ses espoirs. Ils le briseraient. Epuisée, son sommeil s'accompagna des pires cauchemars même ici, dans cet hôpital de fortune. Ces abominations incontrôlables cesseraient-elles un jour de la tourmenter ?

En début de soirée, une aide-soignante au sourire enchanteur apporta son plateau repas lui accordant un étrange retour à la normalité. Elle imagina Adrien et Achille salivant devant cette proposition venue d'un autre monde. En secouant la tête pour effacer son sourire, ses yeux se portèrent sur la porte. Guillaume ? Venait-il lui rendre visite ? Elle se redressa péniblement mais ne vit néanmoins personne.

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