Chapitre 37

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Certaines nuits, lorsque les combattants blottis à même le sol étaient chanceux, Achille leur offrait des précisions sur les constellations qu'ils apercevaient. Ce soir en revanche, l'absence de la lune leur accorda une pénombre enveloppante et presque rassurante. Parfait. Leur destin se jouerait dans ces prochaines minutes. L'espoir était-il permis ? Le FAMAS en main, toute l'unité se ranimait. L'adrénaline si familière se fixa sur ses récepteurs et fit son habituel travail sur les corps meurtris et affaiblis. Extinction des feux. Direction, la mairie.

Se mouvoir, rôder, avancer avec prudence, tous ces automatismes se réinstallèrent sans effort, avec pour terrible différence, les absents manquant à l'équipe. La famille ne serait plus jamais au complet, mais ils ne devaient pas être morts pour rien.


À un croisement, une petite patrouille ennemie se tenait chaud autour d'un feu de poubelle lorsque, invisible, Sven ouvrit le feu. Un soldat s'effondra. Le lieutenant en eut un autre quasi simultanément puis les miliciens ripostèrent. Le porche d'une maison offrit une couverture à Olympe qui dégoupilla une grenade. Levier lâché. Une... Deux... Lancer. La déflagration lui chauffa le visage. Pouvait-on oublier une si douce sensation ? Jamais. Grâce à elle, deux combattants supplémentaires gisaient à terre. La vengeance apaisait la furie et la colère qui assiégeaient son corps. Deux en moins. Pour Thomas... Pour Louis. Toujours. À jamais. Spécialement aujourd'hui.

Plus que cinq ennemis. Un à un, tels des dominos, ils s'écroulèrent. Si facile. Si rôdés. Si efficaces. La victoire devint presque grisante pour cette unité aux abois. Tous souriaient. Cette section incomplète, antipathique pour l'antagoniste, faisait la différence. Pour combien de temps encore ?

L'unité CHARLY remonta une ruelle étroite typique d'un centre-ville historique. Non loin, la mairie. Quelques centaines de mètres... C'était tout ce qui les séparait de leur objectif. À la recherche de l'origine des coups de feu, d’autres miliciens les surprirent. Le sergent fut touché au bras. En retour, il abattit l'homme l'ayant mutilé. Impossible de réaliser les premiers secours immédiatement, les tirs étaient trop nourris, il fallait avant tout sécuriser la zone. Un hurlement. Hugo ! Immobilisé, la jambe en sang... Loïc lui porta secours, se mettant lui aussi en danger. Il fallait une autre stratégie et vite.

Sébastien, Félix et Olympe se muèrent alors en des spectres flottants à la surface du sol et contournèrent le groupe ennemi. Les prendre à revers serait l'unique chance de renverser la tendance. Ces ordures les massacraient. Ils méritaient d'agoniser. Les trois anges de la mort s'approchèrent de leurs cibles sous la diversion des tirs du lieutenant. Deux en moins. À court de munitions, l’homme sortit son GLOCK. Sven, quant à lui, dégoupilla une grenade dont le souffle ruina la vitrine d'un magasin. Aucune victime, mais la poussière ainsi créée, ajoutée à la nuit noire étaient une aubaine. Félix, derrière une poubelle, empoigna son couteau et bondit sur l'ennemi le plus proche. Une main sur sa bouche, il lui trancha la gorge. Crier pour avertir ses coéquipiers ? Impossible. La victime s'effondra, le larynx déchiqueté. Olympe glissa vers le voisin. GLOCK. Pleine tête. Si proche lors de la détonation, son visage glacé se parsema de tâches chaudes et enveloppantes. Abomination de la guerre. Vengeance frénétique. La bête affamée prenait tout ce qui s'offrait à elle. Sa dépouille gisait, boîte crânienne explosée sur le sol immaculé. Beauté incroyable, effroi redoutable. Sébastien, à l'aide de son sniper, s'occupa des assaillants restants.

La radio ennemie tenue par le gradé s'affolait. L'unité devait bouger, cette scène morbide, ces corps étalés sur des dizaines de mètres... Le MLF ne leur ferait pas de cadeau. Marceau proposa une diversion. Il agrippa Achille et sans attendre l'approbation du lieutenant, le duo s'élança dans la danse presque sensuelle qu'ils réalisaient depuis des semaines avec un ennemi aux aguets. Jouer. Bouger. S'amuser... Pour exulter de les avoir semés.

De leur côté, une vieille bâtisse en ruines séduisit le reste du groupe par sa parfaite exposition : la grande place, son beffroi au centre. Que rêver de mieux ? Voir sans être vus. À la radio, la diversion fonctionnait. Ce répit frêle et incertain permit à Olympe de faire l'état des lieux des blessés. Les draps hors de son sac, elle les étendit au-dessus de leurs têtes et activa sa lampe à dynamo à la lueur atténuée par deux chaussettes l'une sur l'autre.

La plaie d'Hugo saignait abondamment. De l'eau sur sa blessure puis une main derrière sa cuisse révélèrent un trou. Il gémissait tandis qu'elle appuya de toutes ses forces. L'hémorragie devait cesser, sinon il mourrait. Antoine, assistant habituel d'Olympe, découpa des morceaux de draps. Plus de compresses depuis de longs mois, il avait alors fallu faire preuve d'imagination. Compression lâchée, gazes imbibées... Loïc proposa son aide pour la relayer, Félix était au bord du malaise, elle devait faire vite !

Les mains pleines de sang, elle retira son casque, le retourna et y renversa l'eau de sa gourde. Les paumes dans l'eau glacée avaient affuté son esprit. Aucun trou de sortie. La balle demeurait toujours à l'intérieur du bras de son sergent. Elle plongea un doigt, il geint, elle s'excusa. Impossible de faire quoique ce soit ici dans ce trou à rats cependant, l'urgence était extrême. Difficile de dire si un gros vaisseau était atteint mais si tel était le cas, l'opération était inévitable, et surtout, elle devait se faire rapidement. Le temps était compté. Un garrot en haut de la blessure et une prière : que l'hémorragie interne ralentisse.

— Essaye de ne surtout pas t'endormir Félix, je sais que ça va être difficile, mais tu dois lutter le plus longtemps possible. Tu as compris ?

Il acquiesça. Olympe tremblait. Deux des membres de son clan étaient en danger. Était-ce une bonne idée de se jeter dans la gueule du loup avec si peu d'hommes et de matériel ? Les regrets viendraient plus tard. La survie avant tout. Un compte rendu de la situation s'imposait. Tandis qu'elle résumait la gravité des blessures au lieutenant, Sébastien l'interrompit. Six tireurs d'élites se cachaient probablement de chaque côté du beffroi dans les bâtiments encore debout.

— Il y a de ça quelques jours, juste avant que nos radios rendent l'âme, le commandant m'a informé qu'une unité de combat anglaise lourdement armée était en position près du beffroi de la ville, à l'est de la grande place. Je pense qu'elle se trouve juste en face de nous, si on en croit la localisation des dégâts du tank et des fourgons accidentés sur la place. Il faut qu'on trouve le moyen d'entrer en communication avec eux de manière à leur demander assistance.

Le lieutenant se tourna vers les derniers combattants restants : Sven, Olympe, Sébastien, Antoine, Loïc et Adrien. Est-ce que quelqu'un avait une idée ?

La radio ennemie vomissait sans discontinuer. Soudain, tous se figèrent. L'effroi les envahit. Un membre de la RF avait été arrêté.

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