Chapitre 29

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Premier objectif atteint. Désormais, l'ordre était de libérer les prisonniers retenus au sein de la salle des fêtes de la ville. Le lieutenant réclama six soldats pour la contourner par une petite ruelle à l'arrière. Félix, Antoine, Olympe, Loïc, Sven et un autre soldat se portèrent volontaires. Très étroite, la voie n'offrait aucune possibilité de se mettre à couvert. Félix ordonna à Olympe de ralentir sa foulée tandis qu'elle trottinait. Les coups de feu avaient dû alerter les gardes de la salle et pour éviter de se trouver pris au piège, elle voulait vite traverser ce guet-apens.

Une détonation. 

Incapable de réagir à temps, la balle d'un soldat du MLF rebondit sur le casque d'Olympe. Lunettes à vision nocturne baissées, le sergent redressa son FAMAS et tira. L'homme s'effondra, gémissant. Nouveau tir. Ennemi terrassé. Il fallait sortir de là et vite. Le groupe se mit en mouvement. Deux autres combattants apparurent à leur tour. Alertés par les coups de feu, les coéquipiers qui s'étaient dirigés vers l'avant de la salle décidèrent de mener l'assaut sans attendre. Antoine, arrivé à hauteur de la jeune femme qui se relevait, se chargea de l'un des assaillants. Se ressaisir, la peur viendrait après. Olympe agrippa son fusil. Une balle, pleine tête.

— Joli tir Olympe ! s'exclama-t-il.

Le groupe s'élança vers le bout de la rue piétonne. À gauche, des miliciens se terraient contre le mur de la salle qu'il fallait contourner. Persuadés qu'ils échapperaient ainsi aux coéquipiers à l'avant, l'expression d'un lièvre figé par les phares d'une voiture lors de l'arrivée d'Olympe et du reste du groupe était presque jouissive. Ainsi faits comme des rats, les mains en l'air, le regard suppliant, la prise était trop facile. Un fracas. Un sursaut et les voilà sur le sol tels des pantins désarticulés réduits à une flaque de sang...

Pour qui Sven et Antoine se prenaient-ils ? Ils s'étaient rendus ! Face à la colère d’Olympe, les deux hommes n'accordèrent aucune réponse. L'avaient-ils seulement entendue ? Furieuse et sidérée, elle leur emboîta le pas en direction de la salle. La guerre n'excusait pas les pires injustices. Ils se battaient justement pour cela. Les exactions, les fusillades qui ravageaient les familles, les arrestations arbitraires d'une milice toute puissante. Tuer à bout portant des hommes qui se rendaient, c'était devenir comme eux.


La milice avait décidé de réduire ces individus à des sous-hommes, des moins que rien. Dans cette petite salle aux fenêtres condamnées s'entassaient des dizaines et des dizaines de personnes. Un relent pestilentiel d'excréments, de crasse et de transpiration soulevait les estomacs. Geôle si irrespirable qu'Hugo en sortit en trombe pour vomir bruyamment sur le trottoir, juste à côté des cadavres ennemis tandis qu'Olympe poursuivait sa reconnaissance. Tous toussaient. Malades ? La promiscuité ne pouvait qu'aider à la propagation du virus. En refusant de collaborer, aux yeux des miliciens, ces individus ne méritaient rien d'autre que la mort. Des gendarmes prisonniers attirèrent son attention. Collègues d'une ancienne vie, certains portaient des traces de sévices brutaux et échangeaient avec le lieutenant Bela. Avaient-ils été torturés ? Pour quelles raisons ? Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous étaient agglutinés les uns sur les autres, et autour, la mort rôdait. Près des toilettes, un tas. La jeune femme souleva la couverture. Des silhouettes. Trop de silhouettes sans vie. Comment les choses avaient pu dégénérer à ce point en si peu de temps ? Comment l'Etat Français avait-il cédé ? Alep, Yemen, Rwanda, Cambodge ou même Europe toute entière par le passé, ici, en France, pays de libertés, pays des droits de l'Homme, la pire des stratégies de combat se jouait. Briser pour gagner. Briser pour maîtriser. Aucune distinction de couleur de peau, de confession, de sexe, d'âge. La vision de sa famille subissant les mêmes horreurs lui lacéra la raison. Pour ne pas s'effondrer, elle sortit. Alors, les narines s'emplissant enfin de l'air frais de la nuit, elle observa impuissante, les cadavres des deux soldats désarmés.

Les uns après les autres, les résistants silencieux prirent place sur le trottoir, FAMAS entre les jambes et les pensées dirigées vers leurs familles, leurs amis. Qu'adviendrait-il de ceux restés dans la société ? De ceux qui n'avaient pas eu la chance d'être recrutés par la RF, d'être secourus par elle ? Comment alors reprocher à la population de collaborer pour survivre ? Comment, en si peu de temps, l'araignée MLF était parvenue à tisser sa toile dans les plus hautes sphères du pouvoir ? Qu'est-ce qui avait déraillé ? Après quelques minutes, le lieutenant regroupa l'unité. Olympe ne connaissait rien de lui, mais cette vision sordide avait, chez lui aussi, noircies ses iris.

— Les renforts se mettent en route et vont arriver d'ici peu afin de sécuriser la zone. Il semblerait que l'ennemi, suite à la riposte de cette nuit, ait reçu l'ordre de se regrouper dans des grandes villes, plus difficile à prendre d'assaut. Notre objectif principal sera l'un des chefs-lieux d'Artois. Leurs pertes sont cependant importantes, ils sont désorganisés, c'est notre chance. Nous allons nous rendre à la sortie de la ville, nous récupérerons des forces dans un magasin d'aménagement sécurisé, puis nous nous lancerons vers notre objectif.

— Et ces gens, lieutenant ? demanda Hugo.

— C'est aux renforts de s'en occuper. C'est à ça que servent les civils qui étaient avec nous au collège notamment. Nous ouvrons la voie, mais n'assurons pas le service après-vente, répondit le gradé.

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