Début des combats : Chapitre 25

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Tremblements... vibrations... bruits sourds... Le réalisme de ce cauchemar glaçait Olympe. Qu'y trouverait-elle cette fois-ci ? Une explosion cinglante, de la poussière sur son visage, ses yeux s'ouvrirent brusquement. Autour d'elle, le chaos. À quelques centimètres de son crâne, une signalétique murale d'issue de secours pendait tandis qu'au loin, une nouvelle explosion résonnait. Dans un réflexe insensé, elle porta son regard sur son lieutenant rivé sur le couloir. Attendait-il des ordres de ses supérieurs ? Tous s'habillaient lorsqu'un bruit sec et grinçant les vissa sur place : un coup de feu... Le lieutenant hurla à tous de sortir du bâtiment et de se mettre à couvert. Une fois son ordre jeté, il accorda un regard à Olympe. On y est.


La porte du bâtiment s'ouvrit. Une grenade s'invita... Rebrousser chemin, vite. À couvert derrière le mur, tous les soldats subirent la puissance de la déflagration qui les désorienta. Les oreilles sifflaient et bourdonnaient. Olympe suivit le mouvement. Les voilà à nouveau dans l'entrée assombrie par l'épaisse fumée brûlant les yeux où des ombres dansaient. L'ennemi, dans le QG. Ces hommes tenaient en joug sa famille, avaient causé tant de dégâts, avaient ruiné sa vie. Non... Le fauve engloutit ses craintes. Olympe agrippa son arme, visa à travers le brouillard et tira. Une silhouette s'effondra au sol, inerte. Tandis que ses oreilles sifflaient toujours, les autres l'imitèrent. L'adversaire n'offrit que peu de résistance face à la surprise de la riposte. Soudain, un hurlement lui rendit l'ouïe. Son voisin touché à la cuisse gisait à même le sol. Du sang, beaucoup de sang s'étalait. L'homme se dandinait de douleur. Le médecin sortit du dortoir, s'occupa immédiatement de lui et lui cria d'arrêter de geindre comme un bébé.

— On doit absolument sortir de ce bâtiment, faites-moi sauter le contreplaqué des fenêtres donnant sur la cour ! hurla le commandant Plantain. On doit voir ce qu'il s'y passe et ce qui nous attend dehors.

La jeune femme avança prudemment vers les cinq silhouettes ennemies étendues. Certaines gémissaient. Yeux ouverts, pupilles figées, l'homme qu'elle avait visé était mort mais son voisin, lui, expectorait d'énormes flaques de morve rouge, avec, dans ses mains, une grenade qu'il peinait à dégoupiller. La guerre jusqu'au bout. Sébastien s'avança, plaqua son arme sur le crâne de l'assaillant. Détonation. Une bouillie écarlate s'étala sur le sol et éclaboussa ses chaussures. Olympe sursauta, quant à sa bête vengeresse, elle, s'imprégnait de cette scène pour s'en nourrir tel un vampire assoiffé de justice. Qu'est-ce qui était pire dans tout ça ? Ce qu'elle venait de faire ? De voir ? Ou le faire de ne ressentir aucun remord pour l’un ou l’autre ?

Sébastien la toisait. Jusqu'où pouvait-elle aller ? Avait-elle vraiment sa place dans cette unité ? Faisant le tour de l'autre côté, Olympe plongea son regard dans celui du dernier milicien survivant. Inutile de supplier. Les doigts tremblants, elle pressa la détente. L'impact lui explosa la boîte crânienne et le calme revint enfin dans la pièce. Seules subsistaient les plaintes du soldat blessé de la RF qui continuait de se vider de son sang pendant que le médecin s’affairait encore autour de lui.

Les tirs reprirent soudain en direction de l'entrée du bâtiment. Impossible, de retirer un panneau des fenêtres pour dégager la vue et s'offrir un angle de tir, ils demeuraient bien fixés au mur. L'impatience du lieutenant Bela inondait son ton, qu'ils fassent levier pour sauter le contreplaqué ou utiliser leur hache, ordonna-t-il à Félix et Sébastien ! Métamorphosé, le gradé était concentré, précis et surtout, autoritaire. Après de longues minutes, la manœuvre fonctionna enfin et depuis la fenêtre on observait le MLF envahir la cour en nombre. GI Joe et le sergent commencèrent à répliquer. Une trentaine d'ennemis, le réfectoire en feu au premier étage, des cris, des gens qui tentaient de barricader l'accès... Le chaos. Objectif : protéger ces civils. Accroupi près de l'entrée du dortoir, face contre terre, Sébastien tirait sur toutes les ombres dansant à travers les flammes de l'explosion. La vie et la mort se côtoyaient dans ce funeste tableau mêlant ainsi espoir et désolation. Il fallait être efficace. La jeune femme verrouilla son esprit autour de sa priorité : les civils. Plusieurs soldats ennemis avaient échappé au sniper de l'unité. Olympe s'installa. Cible en vue, doigt sur la détente, elle les terrassa, les uns après les autres. Morts ? Probablement pas tous, mais les voilà hors d'état de nuire. Il n'avait pas fallu attendre longtemps pour que la folie d'Olympe prenne le dessus sur sa raison. Peut-être était-ce pour le mieux.

Un bruit sourd attira l'attention de tous. Devant la grille, un char ! Le capitaine ordonna de sortir du bâtiment. Antoine et Hugo se ruèrent au fond de la cour, derrière un arbre. Profitant d'être à couvert grâce au mitraillage de ses coéquipiers, Sébastien s'abrita derrière une poubelle et tira avec la lunette de vision nocturne de son sniper. Loïc, prostré dans le fond de la pièce, quant à lui fixait le vide. Comment pouvaient-ils partir sans lui ? Olympe s'abaissa à sa hauteur. Elle prit son visage entre les mains pour le forcer à la regarder. Se ressaisir, se battre. Où était passé l'homme surexcité prêt à en découdre ? Ça y est, nous y sommes ! somma-t-elle. Ces simples mots réduisaient les spasmes de son propre corps, auraient-ils le même impact sur son ami ? La guerre était déclarée. Ça ? Bientôt leur quotidien, alors, oui, Loïc devait se reprendre. Cette sommation fonctionna. D'un bond, il se leva. Sven l'attendait, le lance-roquettes en position.

L'imposant engin de guerre progressait. Les derniers soldats coincés à l'intérieur du QG se pétrifièrent lorsque le dernier s'immobilisa, canon tourné dans leur direction. Le cœur battant, Olympe se précipita au fond de la cour. Le sac était si lourd. Le casque mal serré la gênait. Quelle amatrice ! Le sol trembla une nouvelle fois. Réflexe idiot, elle s’allongea de toute sa longueur... Au même moment, une trentaine de soldats du MLF sortirent d'un fourgon garé devant l'entrée du collège. Quatre-vingt soldats contre les soixante-quatre de la RF... Les choses étaient clairement en défaveur de la résistance. Anéantir ce char réduirait l'écart.


Le gros chêne trônant au milieu de la cour fut le refuge de fortune d'Olympe. Depuis le fond du réfectoire, les civils rescapés s'échappaient en hâte vers les champs à l'arrière du collège. Si toutes les unités tenaient leurs positions, l'espoir de les sauver étaient permis. Rien d'autre ne comptait à cet instant que ces civils, cristallisant ses inquiétudes envers sa famille. Des pas la sortirent de ses pensées. Des soldats du MLF encerclaient Antoine et Hugo, trop occupés à tirer en direction de la grille d'entrée pour repérer le danger. Deux contre un. Tirs précis, faire mouche, sinon les représailles lui coûteraient la vie. Une rafale. Le premier assaillant s'écroula. Ses coéquipiers se tournèrent alors dans sa direction. Le second homme eut le temps de la braquer mais rata son coup. Ses balles se clouèrent dans l'arbre. Olympe se figea devant le tronc défoncé. Quels dégâts auraient pu faire ces projectiles dans la chair humaine ? Dans sa chair ? Enième sursaut. Toujours debout, l'adversaire touché à la jambe par une riposte d'Antoine tira une nouvelle fois vers elle. Elle perdit pied. Tremblante, pétrifiée par les détonations qui enveloppaient ses sens, en sueurs, essoufflée et les mains glissantes... Dans quoi s'était-elle embarquée ? Quelle combattante ridicule ! Vouloir prouver à tous qu'elle avait sa place dans cette guerre civile, qu'elle méritait de prendre les armes pour obtenir justice, mais avait-elle seulement pris le temps de se convaincre elle ? Pouvait-elle terrasser une bonne fois pour toute cette peur qui lui coûterait la vie ? Y tenait-elle à ce point, à la vie ? Elle qui pensait avoir tout perdu le jour où Louis avait eu tort. Derrière ce chêne, la voilà qui réalisait enfin sa soif de vie. Elle n'était pas prête à mourir, seulement, désormais combattante pour la liberté, quel destin s'offrirait à elle ?

Une profonde inspiration, puis, une vision. Louis. Son amour. Sa vie matérialisée à ses côtés et ce sourire inexpliqué qui ne le quittait jamais. Fierté ? Motivation ? Envie ? La raison malmenée de la jeune femme se mouva. Ménage de ces émotions, encore, toujours. Elle était là pour lui. Parce qu'un jeu de pouvoir abject lui avait arraché sans préavis tous les projets qu'elle avait pour le restant de ses jours. Parce que la tempe droite défoncée de son homme la hanterait pour le restant de sa misérable existence. Parce qu'à ce jour, sa famille était retenue par les mêmes abominables miliciens. L'un d'eux dans cette cour avait-il osé lever le bras sur son père ? L'un d'eux avait-il usé de sa puissance sur le corps de sa sœur ou de sa mère ?

Enfin ! La voilà la chaleur, la rage jadis déversées dans chaque parcelle de ses vaisseaux. Cet animal enragé ne demandait qu'une chose : prendre le dessus et se battre, alors qu'elle le laisse faire ! Qu'elle s'éteigne un temps pour qu'il mène la danse ! Extirpée de sa torpeur, Olympe brandit son fusil en direction de l'assaillant et lui cracha une salve. Il s'effondra en hurlant, hors d'état de nuire, le ventre bien amoché. Connectés, fusionnés, à jamais liés, elle arbora la même expression qui ne quittait plus son Louis : un sourire. Un énorme fracas arracha néanmoins un nouveau sursaut à Olympe. Loïc et son binôme avaient lancé une roquette qui pulvérisa le fourgon, seulement le char, lui, était toujours en activité.

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