Chapitre 13

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Au bout de la pièce, loin de la porte, Olympe déposa ses vêtements sur un porte manteau témoin d'une époque à présent révolue, de paix et d'insouciance où ce collège n'accueillait rien d'autre que des enfants ne réalisant pas leur chance de baigner dans une telle normalité, pensa-t-elle.

Comme si tout son corps n'attendait que la caresse de l'eau chaude pour alléger la peur et la tension de cette journée, elle ferma les yeux et à mesure que la vague de douceur inondait sa peau, un soupir distinct s'échappa. Son gouffre encore brûlant se réorganisait, estompant petit à petit l'angoisse pour que l'espoir y prenne place. Enfin en sécurité. Shampooing introuvable, elle se résolut à faire mousser le pavé de savon tendu plus tôt par l'homme de l'accueil dans sa chevelure longue jusqu'aux omoplates. Le jet s'interrompit et la porte s'ouvrit sur deux individus. Devant le regard malaisant lancé par l'un d’eux, la voilà devenue une simple chair fraîche si facile à cueillir...

— Tiens, tiens, je ne savais pas qu'on avait droit à un cadeau ce soir, lança-t-il.

Se rincer, vite. Faire profil bas, surtout. Le premier individu se déshabillait, le second, lui, semblait très embarrassé.

— Alors ma beauté, on veut venir goûter du soldat ?

Son ton mielleux ne laissait place à aucune équivoque. Tandis qu'elle regardait ses pieds et tournait le dos au duo, elle ordonna à ses plus fidèles ressources, colère et folie, terrées toutes deux au fond de sa poitrine, de se mobiliser une nouvelle fois, pour la sortir d'un tel mauvais pas. La proie se tourna. Nez à nez avec le sexe en érection, Olympe était aux abois. La fierté d'arborer un tel attribut sans mystère la désarçonna et épuisée, elle paniqua. Comment pourrait-elle échapper à deux hommes ? Le nœud de son estomac se serra davantage. La voilà encore une fois sans défense. Le prédateur s'approchait. Lorsqu'elle le somma de rester où il était, l'individu éclata de rire.

— Voyons ma beauté, tu ne vas pas me dire que tu n'as pas envie de te faire du bien avec un homme comme moi ? rit-il.

— Et bien justement, non.

Entendre sa propre voix habitée par un ton si dur métamorphosa la panique en courage. Le fauve reprenait des forces, puisant dans ses maigres réserves pour affronter cette intimidation.

— Alors quoi ? reprit-elle, vous rentrez dans une pièce et trouvez une femme nue, et hop voilà déjà l'érection ? Qu'est-ce que vous êtes ? Un adolescent prépubère ? Un éjaculateur précoce ? Je pencherai plutôt pour un éternel célibataire, ou alors un éternel queutard, va savoir...

Olympe pouffa et enchaîna,

— Tellement facile à cerner... Maintenant si vous le permettez, j'aimerais pouvoir terminer tranquillement de me préparer.

— Non mais comment tu me parles salope ?

L'homme bondit sur Olympe qui tendit le bras dans sa direction pour conserver une distance de sécurité tandis que la folie tenta quelque chose.

— Justement, contrairement à vous, je pense m'exprimer correctement et sans manque de respect. Je ne vous ai pas tutoyé sans votre accord, je ne vous ai pas insulté sans raison. Je suis une salope, c'est bien ça ? Moi ? Pourtant ce n'est pas moi qui aie fait des avances. Alors je fais quoi ? Je vous traite de pute ? Vous êtes entré dans une salle d'eau commune, vous y avez vu une femme, soit, rassurez-vous, vous en verrez d'autres, en tout cas j'espère. Vous arriverez à vous en remettre ? Ou alors vous ne serez qu'érection perpétuelle ?

L'homme vit rouge. Tout alla très vite. Bras repoussé, il plaqua Olympe d'une main. Impossible d'émettre le moindre son tant il écrasait sa trachée. Respirer ? Une chimère désormais. Déstabilisée par cette agression aussi soudaine que brutale, elle se figea. Elle allait mourir là, contre ce mur, nue, sans rien pouvoir tenter, après avoir pourtant échappé à une milice dangereuse toute l'après-midi... L'infime espoir de la pièce se brisa lorsque le second homme s'évapora. Qu'adviendrait-il d'elle ? Qu'est-ce qu'une division fantôme de résistance pouvait bien faire des cadavres encombrants ? La jetteraient-ils dans un fossé en pleine nuit ? L'habilleraient-ils a minima ? Après tout ce qu'elle était parvenue à faire, ne méritait-elle pas un peu plus de considération ?

— Sergent Norrent, je peux savoir ce que vous êtes en train de faire ?

Encore lui ? Une hallucination causée par le manque d'oxygène ?

— Cette salope m'a parlé comme de la merde.

Le sang battait dans ses tempes, sa vision se troublait. Il fallait réagir vite, très vite.

— Lâchez-la immédiatement nom de dieu, c'est un ordre sergent !

S'entama alors une guerre de pouvoir où le perdant se soumettrait à la domination de l'alpha. Au bord de l'asphyxie, l'assaillant pressant davantage, les forces d'Olympe l'abandonnaient.

— Sergent Norrent, dernière sommation, lâchez cette femme !

Aucune réaction. La pulsion plus forte que l'obéissance. Malgré les larmes et la vision de plus en plus trouble, le regard du prédateur qui l'inondait de rage et de dégoût ne la lâchait pas. Il voulait sa mort. La révolte de la proie avait attaqué sa virilité et la lâcher, c'était abdiquer. Enfin, le combat se lança. Une clé de bras puissante du lieutenant maîtrisa l'individu. Olympe s'effondra. Chaque bouffée d'air lui arrachait un râle de torture.

— Mettez-le à l'isolement ! ordonna le plus haut gradé à l'homme resté muet durant toute la scène.

Tout en quittant la pièce, encore entièrement nu, le sergent hurlait « salope, tu me le paieras ! ».

Toujours sous le choc, elle n'espérait que deux choses : pouvoir respirer et s'apaiser après l'une des pires journées de sa vie. Le gendarme se racla la gorge et devant son corps dévêtu, attrapa la serviette accrochée non loin d'elle pour la lui tendre.

— Je suis désolé, dit-il. Je suis sincèrement désolé. Vous allez bien ?

La trachée comprimée avait fait des ravages. Sa voix rauque le remerciant révélait la puissance de l'attaque. En roue libre, Olympe enfilait ses sous-vêtements sans un mot.

— Vous souhaitez être examinée par le médecin ?

Affaiblie, désorientée, choquée mais pas sidérée, elle déclina la proposition. Elle devait par deux fois la vie à l'homme grimé par sa mâchoire déformée et ses épaules relevées de tension et d'inquiétude.

— Il était prévu que vous rencontriez le commandant de la section. Est-ce que vous vous sentez d'attaque ?

Une douce amie réconfortante la fit ironiser.

— Ça dépend, va-t-il tenter de m'agresser lui aussi ? rit-elle.

Devant l'étrange rictus de son interlocuteur, elle s'interrogea. Était-ce un sourire ?

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