63, rue du faubourg Saint-Jean...

4 minutes de lecture

Gensac ne décolère pas...

- Qu'est-ce que vous Croyez Fraigneau ? Que je suis un fonctionnaire inconséquent, que je prends des libertés avec le règlement... vous pensez bien que j'ai mesuré, dans le moindre détail, les risques résultant de mes décisions... Si j'ai accordé quelques journées de congé au lieutenant, c'est surtout pour qu'elle soit le plus proche possible de la fille et que...

- Ça, pour être proche, elle le seront, je n'en doute pas... coupe le capitaine.

Jocelyne Marchadier adossée, bras croisés contre la porte du bureau de Gensac, sans doute pour, inconsciemment, en bloquer l'entrée, jette un regard de braise en direction de Fraigneau.

- Bon, on a compris ! reprend le commissaire quelque peu excédé par les allusions oiseuses de son subalterne. La fille vous a dit qu'en sortant d'ici, elle irait directement à l'adresse où réside Marchadier...

- Et moi, avant qu'elle quitte les lieux, je lui ai proposé qu'on se retrouve en centre ville, lui donnant rendez-vous sur le parvis de Sainte-Croix à 13 heures. Jeanne était tout à fait d'accord, précise Jocelyne.

- Jeanne ?... ironise Fraigneau

- Oui Jeanne!... c'est bien ainsi qu'elle nous a dit s’appeler...

- Bon Dieu ! Allez-vous cesser vos chamailleries tous les deux. Il y a urgence à planifier un suivi sérieux de cette affaire, en menant une enquête rigoureuse. Nous ne savons rien de cette fille, sinon ce qu'elle nous a livré comme explications. Explications qu'on ne peut raisonnablement prendre à la lettre, vous imaginez bien pourquoi... nous sommes en droit de tout supposer concernant cette pseudo Jeanne Darques, à commencer par ce qui ne semble pas improbable : elle est peut-être un agent de services secrets et pas forcément de ceux de notre nation...

- Une espionne... complète Fraigneau que satisfait cette hypothèse.

- Et pourquoi pas une terroriste tant qu'on y est… lance Jocelyne agacée par la tournure de la discussion.

- C'est aussi possible, reprend Gensac... elle tenait des propos plutôt radicaux quelque peu frontistes...

- Jeanne d'Arc… on sait qui, aujourd'hui, a ramassé sa légende… se marre Fraigneau...

- Attendez là ! C'est nous qui dérapons totalement, avec de telles suppositions et allusions. Vous oubliez toutes ces manifestations para-normales dont nous avons été témoins, ces dernières heures...

- Vous savez Marchadier, il se peut aussi qu'elle bénéficie de quelques complicités ici même, dans le service, l'interrompt Gensac. Son accoutrement de guerrière qui disparaît puis réapparaît, quelqu'un d'habile et de vif peut très bien s'en charger à sa place...

- C'est énorme ce que vous dites commissaire, il y aurait une taupe, voire plusieurs parmi nous… et les traces de l'épée sur le bureau du capitaine qui s'estompent aussi vite qu'elles s'affichent... et ses hurlements sous la douche chaude, son bien être sous l'eau froide. Comment expliquez-vous cela ?

- Il y a certainement un subterfuge très élaboré se rapportant à de la manipulation de magicien de haut niveau, bien entraîné pour maîtriser parfaitement ce type d'exercice spectaculaire suppute Fraigneau. Je ne crois pas aux fantômes et à toutes ces choses surnaturelles.

- De toute manière, nous sommes en présence de quelqu'un dont nous ne savons absolument rien de ses intentions, qui nous en met plein la vue avec ses tours de passe-passe, encore plus, avec ses discours grandiloquents, ses sentences énigmatiques et qui a eu l'audace de nous demander un de nos officiers pour la suivre dan sa mission. Sa mission !… Gensac marque un temps de réflexion et poursuit...

- Ceci nous met dans un tel embarras, qu'on ne peut absolument pas remonter, plus haut dans la hiérarchie ou vers des services plus spécialisés sur ce type d'enquête plutôt délicate, les informations que nous avons à son sujet, sans nous couvrir de ridicule... par ailleurs, suite à cette série d'événements étranges et, pour le moins, déconcertants, qu'on ne peut donc prendre à la légère, nous sommes tenus d'assurer pour l'instant, seuls, le suivi de cette affaire et, pour ça, d'avoir l’œil, constamment rivé sur les agissements de cette Jeanne. C'est bien pour ça que je laisse Marchadier libre, hors du service, d'autant que ladite Jeanne tient à se l'adjoindre – S'adressant au lieutenant – Votre mission à vous, consiste maintenant, étant auprès d'elle, en permanence, de nous communiquer tous ses faits et gestes qui vous sembleront suspects, ses déplacements, ses rencontres, ses discussions avec vous ou avec d'autres...

Les premières notes de « Alla Turca » viennent troubler l'énoncé de ces consignes ; Gensac saisit son smartphone posé devant lui.

- Oui Guetry !… Quoi !... Elle a parlé à un type qui la suivait… hein !... Elle l'a ensuite envoyé paître... le type est reparti, vous dites... comment ça ?... Elle est restée plus d'une demi-heure assise sur un banc comme prostrée et il vous a semblé qu'elle pleurait en contemplant les rives du fleuve en face... c'est tout ?... Elle vient de repartir et se dirige maintenant Rue Royale !... OK ! Ne la perdez surtout pas de vue Guetry !... S'adressant à ses collègues :

- Vous voyez, je n'ai rien laissé au hasard et ai pris toutes les précautions d'usage pour que cette fille ne se perde pas dans la nature... Bien, vous pouvez disposer... à Marchadier : lieutenant ! Je compte sur vous, pour nous tenir au courant de tout ce qui se passe avec cette Jeanne... et bien-sur,  essayez  de savoir qui est ce type qui l'a abordée tout-à-l'heure... Ah oui ! Ceci encore... j'allais oublier : ne soyez pas étonné ; nous avons équipé votre voiture d'une balise de positionnement GPS... vous vous doutez bien qu'on ne veut pas vous perdre de vue, vous aussi …

- Équipée !... Ai-je vraiment le choix !... S'indigne Jocelyne… j'espère seulement qu'ils n'ont pas poussé l'audace en installant micros ou caméras dans mon appartement et en mettant ma ligne sur écoute – se dit-elle tout bas...

- Je compte sur votre entière discrétion à tous les deux, insiste Gensac, juste avant qu'ils sortent de son bureau...

Discrétion !... Il en a un de ces toupets le commissaire… réfléchit Jocelyne en s'installant au volant de son cabriolet...


à suivre : "Terrasse"



Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Patrice Lucquiaud ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0