Côté Cour...

4 minutes de lecture

Elles parviennent à l'extrémité du couloir juste avant de prendre l'escalier les menant au rez-de-chaussée, quand à l'autre bout, le capitaine leur crie :

- Cellule 11 Hein ! Remettez-la en dégrisement !... Marchadier ! Je veux vous voir aussitôt après...

Les trois policières ont ensemble le même soupir...

- Je lui donne peu de temps avant qu'il nous fasse un infarctus commente Ariane

- Dès que contrarié, il devient tyrannique, ajoute Véronique ; s'adressant à Jeanne : vous feriez mieux de lui dire qui vous êtes vraiment et ne pas jouer comme ça, avec ses nerfs...

- Mais je ne fais que dire la stricte vérité, je m'appelle bien Jean...

- Jeanne... on sait, coupe Jocelyne…

Elles arrivent devant la cellule 11, y font entrer Jeanne silencieuse qui va s'étendre sur le banc du fond où elle se recroqueville aussitôt. Ariane pousse le loquet de sécurité. Véronique dit qu'elle va lui ramener des couvertures pour lui faire un matelas. Elle se séparent… Jocelyne retrouve Fraigneau qui tapote nerveusement le plan de son bureau avec le revers d'un stylo bille dont il mâchonne le capuchon...

- On ne peut pas la garder à vue comme cela sans raison valable… et puis sous quel chef d'inculpation ? J'vous dis pas le rapport qu'il va falloir rédiger. C'est quoi le motif de son arrestation ? Trouble de l'ordre public ? Voies de faits et agression contre les forces de l'ordre ? Excentricité vestimentaire sur l'espace public ? Qu'est-ce que vous mettriez vous Marchadier ?

Le lieutenant se laisse tomber sur la chaise la plus proche, reste un instant dubitative.

- Ça va vous paraître idiot mais je pense que cette fille veut nous communiquer quelque chose...

- Communiquer !... Communiquer quoi ?... Ma parole vous perdez la tête lieutenant ! En fait, elle ne relève pas de nos services de police, c'est à l’hôpital psychiatrique qu'il nous faut la remettre... elle est complètement zinzin cette fille… avez-vous entendu tout ce qu'elle nous a débité en peu de temps. Renseignez-vous auprès des établissements et de toutes les structures sanitaires si par hasard, une de leurs pensionnaires n'a pas fugué ces derniers jours. Faites aussi une recherche dans ce sens sur tout le territoire… c'est par là qu'on aurait du commencer... réalise Fraigneau.

Le capitaine a raison pense Jocelyne… elle a complètement chamboulé nos méthodes de travail. Depuis ce matin tout tourne autour de cette pauvre fille, au point que j'en ai oublié les bonnes procédures à suivre...

- Je fais le nécessaire Maxime… hem pardon, capitaine...

- Ah parfait, Jocelyne Marchadier ! C'est vous qui dites que je suis coincé, ironise Fraigneau, et vous voilà soudain gênée de m'appeler par mon prénom. Jocelyne je compte sur vous pour en finir avec cette embrouille... il sourit... c'est bien la première fois qu'elle le voit si détendu...

- Merci Maxime !

Soulagée, par l'attitude conciliante de son supérieur hiérarchique, elle va transmettre à ses collègues les dernières instructions afin d'entamer les recherches en rapport avec les signalements de personnes portées disparues ou en fugues. La fin de journée se passe en appels téléphoniques et en listing de communiqués Internet... A 19 H 30, ils n'ont toujours pas de réponses satisfaisantes, aucune mention de personnes « dans la nature » ne correspond au descriptif qu'ils ont donné de Jeanne.

Jocelyne quitte le commissariat plutôt harassée... elle se décide néanmoins pour aller à la répétition du « Dindon »... d'abord, ça va la tirer des préoccupations du jour et ça ne peut lui être que bénéfique. Il lui reste assez de temps pour passer chez elle, prendre une douche et manger à la sauvette une salade niçoise préparée de la veille.

Quand elle arrive à l'espace Jacques Cœur, tous sont déjà tous sur scène …

- On attendait plus que toi ! Insiste Philippe.

Jocelyne prend sa place dans les coulisses... Elle joue le rôle de Maggy une ex maîtresse de Vatelin. La répétition commence. Jocelyne, en attendant son moment d'entrer en scène ne peut s'empêcher de repenser à toutes les turpitudes de la journée : «  Le corps est éphémère... il se dissout. TOUT, ici bas, est éphémère, TOUT est appelé à disparaître un jour mais TOUT peut aussi resurgir quand cela doit être » Qu'est-ce qu'elle a voulu dire par là ?... Ses cris déchirant, sa façon de se retrouver comme une petite fille quand elle est en présence de femmes et au contraire d'être absolument combative face aux hommes... et ses curieuses paroles du fer qui retourne toujours au fer...

- Maggy doit apparaître sur scène  maintenant ! Tonne Philippe. La désignée Maggy entre...

- M.... ! Tu l'fais exprès Jocelyne, tu dois entrer côté cour pas côté jardin ! Hurle son frère …

La répétition se poursuit dans une ambiance électrique, Jocelyne se trompant à plusieurs reprises tant dans ses répliques que dans ses déplacements.

- Jocelyne on ne peut pas poursuivre ainsi, tu n'es plus présente là ! Qu'est-ce qu'il se passe, t'as eu une dure journée ?... T 'es pas la seule, j'te rassure, commente son frère …

- Non je ne suis pas la seule mais tu vois là, mon petit Philippe, j'arrête avec la pimpante Maggy, elle m'énerve cette Anglaise chaudasse et cucu-la-prâline... et pas seulement ce soir, pour tous les autres soirs à venir aussi ! Je jette l'éponge vois-tu ! Tu peux donner le rôle à Marie-Jo, depuis le temps qu'elle attend cela. Et puis elle l'interprétera sûrement mieux que moi.

- Jocelyne !

- Je ne suis nullement fâchée, Philippe ! Je me rends compte que je n'ai pas la tête au jeu d'acteur et ce, malgré mes bonnes résolutions prises en venant ce soir à la répète. Oui, la journée a été particulièrement mouvementée et cette fille que nous avons arrêtée ce matin, place du Martroi me prend la tête, c'est le moins qu'on puisse dire...

- Ah oui, il paraît que c'était un véritable siège que les flics ont dû tenir ce matin pour venir à bout de la drôlesse en armure… il y a de ces dingues ! Relate, goguenard, Aurélien qui, dans la pièce, tient le rôle de Pontagnac.

Jocelyne lui lance un regard noir.

- Effectivement c'était chaud... mais surtout dramatique pour cette fille, au-delà de tout ce que l'on peut penser d'elle à propos de son accoutrement et de ses agissements...

- On va arrêter là pour ce soir, décide Philippe. Tous approuvent, chacun espérant avoir de la bouche de Jocelyne, un peu plus d'informations avec peut-être des détails croustillants au sujet de cette affaire rocambolesque qui fait déjà grand bruit en ville...

Ils resteront sur leur faim. La pseudo Maggy ne s'attarde pas, après un bref « Bonsoir la compagnie ! » elle quitte la salle promptement.

Lovée sous sa couette, Jocelyne grelotte... elle se demande si Jeanne n'a pas plus froid qu'elle, au fond de sa prison.


à suivre : De fer, d'enfer ou d'en faire...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Patrice Lucquiaud ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0