En mon plaisir vêtir...

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- Ariane ! Véronique ! Pouvez-vous rester auprès de la fille dans le local ? Il faut que j'aille me changer. Les deux fliquettes opinent et suivent le lieutenant jusqu'au vestiaire-sanitaire où Jeanne est assise sur un long banc, emmitouflée dans un drap de bain.

Jocelyne Marchadier se désape entièrement pour enfiler son uniforme ; heureusement qu'elle est prévoyante ayant toujours des sous-vêtements de rechange dans son casier. Elle se recoiffe à la hâte puis réajuste l'élastique de sa queue de cheval.

- Merci les filles ! Restez un moment avec elle, il ne faut pas qu'elle quitte cet endroit surtout pas de brusquerie, je file chez moi lui chercher des fringues, je serai de retour dans à peu près trois-quarts d'heure. Je préviens Fraigneau.

En passant dans le couloir, voulant fermer la porte de la cellule où Jeanne s'est débarrassée de son harnois, elle constate qu'elle est vide, il ne reste plus aucune pièce de l'armure et de son harnachement. « Mince alors, ils ont fait vite dans le service, ce n'est pourtant pas dans les habitudes, ici ! »

Elle rentre en coup de vent dans le bureau qu'elle partage avec le capitaine. Il est en conversation téléphonique et comme d'habitude ses sourcils broussailleux sont froncés à l'extrême tandis qu'il répond par onomatopées à son interlocuteur. Difficile de trouver plus bourru que lui... Jocelyne lui fait un signe de la main.

- Qu'est-ce que vous faites dans cette tenue, lieutenant !

- Je vous expliquerai... je dois filer jusqu'à chez moi pour ramener de quoi rhabiller la fille qui est à poil au sous-sol, en compagnie des brigadiers Monjoux et Barrois. Je fais au plus vite... au fait, c'est vous qui avez donné l'ordre de récupérer tous les éléments de l'armure de la détenue dans la cellule 11 ?...

- Je n'ai pas donné d'ordre du tout, bougonne Fraigneau … faites vite si nous avions une intervention d'urgence, j'aimerais bien que vous soyez disponible.

- J'y vais !…

En s'installant au volant de son coupé-cabriolet 207, Jocelyne ne peut s’empêcher de cogiter «  C'est étrange, tous ces éléments d'armure retirés de la cellule... où cela a pu être emmené et qui s'en est chargé ? On n'a pas donné d'ordre en ce sens ... » Elle se repasse tout le film de ces dernières heures depuis l'arrestation très mouvementée de la fille jusqu'à la scène à la fois très agitée et particulièrement émouvante sous la douche. «  Tout cela n'a pas de sens… qui est cette Jeanne ? une réincarnation de la Pucelle d'Orléans ?... Comment est-elle arrivée sur cette place du centre ville, prise en flagrant délit sur le cheval de la statue... la représentant ?... C'est fou ça ! Et puis tout ce qu'elle nous explique s'agissant de son identité... c'est inconcevable, totalement irrationnel, on est en plein délire là !... Mais au fait, elle n'a aucun papier sur elle, ni la moindre monnaie, je n'ai rien trouvé de cela dans ses pitoyables frusques... et puis cette puanteur… mon dieu ! C'est un véritable cauchemar … »

Elle allume la radio, les notes romantiques « In Memory » de « Cats » envahissent l'habitacle. Jocelyne adore cet air de la comédie musicale reprise cette année, cette mélodie la bouleverse à chaque diffusion. Malgré elle, s' y superpose le visage lumineux de la fille... cette musique lui correspond tout à fait. Jocelyne en a les larmes aux yeux … c'est comme un moment d'extase... Elle se revoit avec elle sous la douche, la nettoyant avec douceur, mais aussi avec une folle envie de la prendre dans ses bras, de la serrer amoureusement de ressentir toutes ces vagues de chaleur apaisante au contact de son corps... "Non ce n'est pas sexuel, se ravise Jocelyne, de cette fille émane tout autre chose qui est fortement lié à l'amour, c'est manifeste... mais un amour qui n'a rien de physique… c'est inexplicable. Quelle superbe fille !... On dirait un ange, oui c'est ça.. un ange ! Et... après la douche, elle sentait particulièrement bon, l'eau de violette… comme un parfum du ciel... C'est inouï ça aussi ! »

Elle parvient à Olivet, rue de Lorette, se gare devant le « 4 » où elle loue un petit meublé. Elle se précipite dans sa chambre fait glisser les ventaux de sa penderie... «  qu'est-ce que je peux lui refiler qui lui aille ?...» Jocelyne reste perplexe  en taille elles ont apparemment la même morphologie et stature... « je ne vais pas lui remettre un survêtement... elle mérite mieux... un jean ? Une robe ? Elle en a peut-être assez des habits d'homme... » elle s'étonne de cette réflexion c'est comme si elle était convaincue que cette fille merveilleuse est réellement Jeanne d'Arc. « Je suis folle de penser ainsi … voyons... » elle tire une jolie jupe plissée bleu turquoise, se saisit d'un chemisier écru dont le plastron, au dessous au col est orné d'une fine broderie au motif floral. Puis elle farfouille dans les tiroirs de sa commode... « voyons voir... une culotte, un soutien-gorge, une paire de collant... en a-t-elle jamais porté ?... Mais bon sang ! Je veux absolument qu'elle soit une revenante de la lointaine histoire, c'est totalement absurde !... Ah des chaussures ! C'est plus délicat cela !... Je ne sais pas combien elle chausse ...». A tout hasard, elle prend plusieurs paires entre modèles sport et souliers de ville à talon plat. « Les talons hauts, je pense que ça risque de la surprendre… t'es complètement toquée ma pauvre Jocelyne !... »

Après avoir placé tout cet attirail dans un grand sac de sport, elle se change une fois de plus, quitte son uniforme et le range soigneusement dans une housse de la penderie. Elle enfile un jean et une marinière à la hâte, puis se recoiffe face au miroir de sa salle de bain...

Au moment où elle s’apprête à monter en voiture madame Bompard, sa logeuse, l'interpelle :

- Jocelyne ! Philippe est passé ce matin vers 10 h 30, il pensait que vous étiez en congé... vous veniez juste de partir… il compte sur vous pour la répétition à la salle Jacques Cœur, à 21 heures, m'a-t-il dit...

- Merci Madame Bompard ! J'essaierai d'être à l'heure...

Elle démarre en trombe... « Tels que se présentent les événements au commissariat, ce soir, j'ai bien peur de ne pouvoir participer à la répétition du « Dindon » que mon frère, met en scène… bon, j'espère qu'il ne s'est rien passé de grave avec Jeanne, pendant mon absence... JEANNE !...


à suivre : "En mon habit neuf..."

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