Chapitre 3 - Partie 6

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Ils suivirent Marguerite, qui avait laissé son petit frère sur place, le regard toujours vide. Les yeux de Greg brillèrent lorsque sa sœur lui demanda de venir discrètement. Ils se retrouvèrent donc tous les quatre dans la réserve. Sur les étagères, des cartons remplis de jouets en bois, de perles et de peintures. La pièce avait trois rayons remplis du sol au plafond de fournitures en tout genre.

Le visage de Fiona était fermé, elle tirait sur ses tresses avec un air songeur.

« Alors, tu as vu le Dévoreur ? demanda Greg.

— Non, et heureusement. »

La porte de la pièce s'ouvrit et quelqu'un alluma la lumière. Madame Gassy entra en marmonnant quelque chose. Elle ouvrit un carton et en sortit des tambourins assourdissants. Greg tendit le bras et fit tomber un pot à crayon rempli de stylos. L'animatrice sursauta en criant.

« Greg, arrête ça tout de suite ! tonna Marguerite d'un ton sec.

Le garçon ricana en regardant la femme ramasser tout ce qui était tombé par terre.

« Quel froid, dans cette pièce ! » s'écria t-elle, les tambourins grelottant à la main.

Une fois la porte fermée, Fiona reprit :

« L’Écrasé s'est fait attraper.

Un silence inconfortable pour Charles s'installa.

— Tu en es sûre ? s'enquit Marguerite, il y a combien de temps ?

— Cette nuit. Je l'ai croisé le long de la ligne de tramway quand je suis partie.

— Il était tout près ! s'écrièrent Greg et Marguerite, l'un avec excitation, l'autre avec angoisse.

— Oui. Je suis partie hier et je suis arrivée plus rapidement que prévu à la citadelle. Je n'ai pas eu grand monde à chercher, les autres sont venus d'eux-mêmes me voir pour que je les compte.

— Est-ce qu'il manquait quelqu'un ?

— Oui... Le Troisième Noyé, les deux autres l'ont vu se faire dévorer. C'était il y a trois mois à peu près.

— Il faut donc rajouter deux autres esprits à la liste des disparus...

— Est-ce qu'à chaque fantôme qu'il absorbe, il devient plus fort ? demanda Charles.

— Nous pensons que c'est le cas, les SDF disent que cela dépend du fantôme qu'il dévore.

— Il faut que nous le trouvions en premier ! lança Gregory.

— Je ne sais pas Greg..., murmura Fiona, je n'ai jamais vu de Dévoreur, je ne sais pas si je pourrais faire quelque chose s'il surgissait ici. On ignore même comment il se déplace. Cela me semble trop dangereux.

— Qu'est-ce que l'on risque ? Nous sommes déjà tous morts !

— Tu risques de ne jamais pouvoir passer de l'autre côté ! répliqua Marguerite d'une voix soudain suraiguë.

— Ou peut-être que nous mourrons une bonne fois pour toute ! »

Marguerite ouvrit la bouche, les joues tremblotantes de colère, puis la referma.

« Pense aux Trépassés, et à Hugo... Tu ne peux pas les laisser seuls. Tu leur ferais courir un énorme risque.

— Et peut-être que..., osa Charles, se faire aspirer par le Dévoreur ou un Miasme, ce serait trop facile pour passer de l'autre côté.

— Oui, tout à fait, reprit Marguerite. Je pense qu'une fois absorbé, l'éther d'un esprit fusionne avec celui des autres et que le fantôme, pris au piège, doit entendre les pensées des...

— Peu importe, le Dévoreur était trop proche du centre de loisirs. Nous allons installer des tours de garde. J'irai voir les SDF ce soir pour savoir quoi faire en cas d'urgence, si jamais il venait à croiser l'un d'entre nous. Il faut également que nous surveillons les enfants, les Dévoreurs sont attirés par les fantômes les plus fragiles. »

Un nouveau silence s'installa, Charles se sentit mal à l'aise. Il eut l’impression de saisir la pensée de ses nouveaux amis.

« Si vous pensez que je peux vous mettre en danger... Je veux bien en apprendre plus sur mon passé. Cela semble...

— Et je suis entièrement d'accord avec toi Charles, le coupa Marguerite qui avait anticipé sa réaction, c'est pour cela Fiona, que je voudrais te faire part de mon idée. »

Marguerite leur confia ce qu'elle avait en tête. Fiona écouta calmement, car il était rare que son amie propose des actions irréfléchies.

Gregory écarquilla les yeux, jamais sa sœur n'avait jusqu’alors fait une demande aussi dangereuse.

« À quel hôpital tu penses trouver ça ? demanda Fiona en regardant ses babouches.

— Celui du Sacré-Cœur.

— Oui, évidemment..., Fiona pesta intérieurement, elle détestait cet endroit.

— Lequel d'entre nous restera ici pour surveiller les Trépassés ? demanda Greg d'une voix blanche.

Fiona prit le temps de répondre :

— Nous partirons tous les trois avec Charles. C'est risqué, mais je ne vois pas d'autres solutions. Emma et Léo resteront pour les surveiller, ce sont les plus matures. Aller au Sacré Cœur reste plus dangereux dans tous les cas, que de rester ici. À nous trois, je pense que nous pouvons nous en sortir.

— Il nous faudra éviter le service pédiatrie, les sous-sols, et y rester le moins longtemps possible. Les bureaux administratifs sont à l'étage, dans une aile bien séparée des autres services de l'hôpital. »

Marguerite était sûre d'elle, Fiona lui faisait confiance. Gregory, ne manquant aucune occasion pour partir à l'aventure, fut le premier à accepter.

« C'est décidé, lança Fiona, mais nous abandonnons tout au moindre danger. Je dois tout de même aller voir les SDF ce soir pour leur faire mon rapport, nous partirons donc demain matin. Le plus tôt sera le mieux. Qui sait si à l'avenir, nous aurons à nouveau l'occasion de découvrir le passé de Charles. »

Fiona quitta à nouveau le centre de loisirs à la tombée de la nuit, après avoir une nouvelle fois compté tous les membres de son équipe. Si certains aimaient se cacher, il n'était pas difficile pour elle de les retrouver, tant qu'ils restaient dans les environs. Elle avait le pas lourd, et si son cœur avait été toujours palpitant, elle l'aurait senti serré dans sa poitrine. Les Trépassés dépendaient d'elle, et elle avait enfin réussi à leur trouver un semblant d'équilibre. Avec l'arrivée de Charles et du Dévoreur, tout pouvait basculer.

Elle savait que le Clodo du Pont soupçonnait un des enfants d'être le Dévoreur. Si l'un des Trépassés devenait incontrôlable, elle n'osait imaginer ce que les SDF pouvait lui faire. Elle vit passer sous ses yeux des visages d'enfants qui lui étaient proches. Si elle avait échoué à protéger certains d'entre eux de son vivant, elle était déterminée à le faire durant sa mort.

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