Chapitre 2 - Le juste montre à son ami la bonne voie, Mais la voie des méchants les égare.

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Charles ressentit alors un étrange mélange de soulagement et de déception.

Deux filles et un garçon vinrent à lui. L'une des deux filles se trouvait être la plus âgée du groupe. Elle était très grande, habillée d'un short en coton jaune délavé et d'un débardeur rayé bleu. Une de ses bretelles, déformée, lui tombait sur l'épaule. Elle portait aux pieds de longues babouches rouges et une partie seulement de ses cheveux crépus était tressée.

Le garçon, de douze ou treize ans, était vêtu d'un pyjama vert. On pouvait voir sur son ventre une montgolfière rouge brodée, transportant vers les étoiles une souris et un lapin.

Il tenait par la main un petit garçon que Charles n'avait pas remarqué. Lui aussi en pyjama, bleu ciel et blanc. La blondeur de leurs cheveux ne laissait aucun doute quant au fait qu'ils étaient frères.

La grande fille, plus âgée que Charles, s'assit dans l'herbe à côté de lui. Le petit groupe fit de même.

« Vous pouvez... me voir ? demanda Charles d'une voix hésitante.

Sa question sembla les amuser.

— Oui, fit la fille avec un grand sourire et en le détaillant des yeux.

— Tu fais partie de la bande d'Enzo ? demanda brusquement le garçon en pyjama vert.

Charles secoua la tête à la négative.

— Comment tu t'appelles ? » questionna doucement la plus âgée.

Charles fronça les sourcils et regarda sa gourmette en récitant :

« Charles... »

L'autre garçon éclata de rire.

« Vous avez vu ça ? Il a regardé sa gourmette, je n'aurais jamais cru que c'était vraiment utile !

— Gregory, tais-toi ! » lança soudain la deuxième fille.

Plus discrète, elle restait en retrait. Très brune avec une coupe de cheveux au bol qui encadrait son visage un peu rond, elle avait sur le nez des lunettes aux verres épais qui agrandissaient démesurément ses yeux.

Elle portait une chemise de nuit rose foncé, visiblement trop petite pour elle au niveau du ventre. Elle l'observait avec curiosité.

« D'où est-ce que tu viens, Charles ? demanda la première fille.

— Du cimetière.

— Lequel ? questionna t-elle encore.

— Le... crématorium.

— Alors c'est toi qui as fait sortir le Miasme ? s'exclama le nommé Gregory, comme s'il avait commis un crime.

Les deux filles adressèrent un regard courroucé à ce dernier.

— Tu as quel âge ? reprit la plus âgée, s'adressant de nouveau à Charles avec sollicitude.

— Je ne sais pas...

— Tu étais là-bas depuis combien de temps ?

— Je ne sais pas... »

Un petit silence s'installa. Une dame promenant son chien laissa son bouledogue boire l'eau de la fontaine. Le chien tourna autour d'eux et leva la patte sur Greg, qui resta indifférent. Le garçon regardait intensément les vêtements de Charles et se mit à soupirer, lui enviant de ne pas être mort en pyjama.

« Ton enterrement, c'était il y a combien de temps ? reprit celle qui posait des questions depuis le début .

— Le jour d'avant, je crois...

— Hier donc », résuma t-elle avec satisfaction, enroulant ses longs bras autour de ses genoux.

Elle se tourna vers la brune timide :

« Je crois que c'est bien un nouveau.

— Oui, les symptômes correspondent et je n'en ai jamais vu d'aussi forts.

L'enfant en pyjama bleu se mit à ricaner :

— C'est un bébé alors !

Charles fronça du nez, agacé :

— Et vous, pourquoi... Vous pouvez me voir ?

— Il comprends vraiment rien...

— Tais-toi, Gregory ! aboya soudain la fille aux lunettes.

— Si nous pouvons te voir, c'est parce que nous sommes morts nous aussi, répondit la plus âgée.

— Vous êtes... Morts ? »

Ils hochèrent la tête à l'unisson. Charles était déconcerté depuis le début de la conversation. Il lui semblait auparavant être seul au monde. Étrangement libre. Il les regarda plus attentivement, les contours de leurs silhouettes étaient presque nets sous les rayons du soleil, mais leurs bras comme leurs vêtements étaient comme les siens; translucides.

« Oui, nous sommes les Trépassés ! s'exclama Gregory.

— Moi, je m'appelle Fiona, lança la plus âgée. Elle, c'est Marguerite, mais tu peux l'appeler Maggy.

— Ou Margarita ! rit l'autre.

— En pyjama vert, c'est Gregory, le plus petit, c'est Hugo.

— Vous avez quel âge ? osa demander Charles.

— J'ai quarante-sept ans, dit Fiona.

— Et nous, on a dix-sept ans ! s'écria Greg en pointant les autres du doigt.

— Maggy et Greg sont frères et sœurs avec Hugo.

Charles cligna des paupières sans trop comprendre. Les autres le regardaient avec des sourires toujours intrigués.

— Hugo, je lui aurais donné quatre ans, constata Charles d'un ton consterné.

— Non, j'ai cinq ans ! cria soudain ce dernier d'un voix suraiguë.

— Non, tu en as quatre, répondit Grégory d'un ton sévère.

Hugo lâcha brusquement la main de son frère et se mit à grimacer en criant encore.

— Non, j'ai cinq ans, je m'en rappelle !

— Mais puisque je te dis que...

— Ca suffit, Greg ! gronda la voix de Fiona. Viens-là Hugo, assis-toi avec moi. »

Charles comprit que Fiona était la cheffe du groupe, car Greg garda le silence. Le petit Hugo, l'air très contrarié, prit place entre les jambes de la grande Fiona, les mains posées sur ses genoux.

« Comme tu peux le voir Charles, demander son âge de vivant à un fantôme peut être délicat. C'est pourquoi on préfère parler en âge de mort. Tu vois Hugo, enchaîna t-elle à l'adresse du petit, Charles est apparu hier. Il faudra lui montrer comment faire et bien tout lui expliquer.

— Expliquer quoi ? demanda Charles.

— Comment c'est d'être un fantôme. »

Ils semblaient tous guetter sa réaction, mais Charles ne bougea pas.

« Eh bien, c'est un sacré cas celui-là, commenta Greg.

— J'avoue que je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi... Sonné ou bien amorphe », ajouta Marguerite en redressant ses lunettes.

Fiona se redressa sur ses longues jambes.

« On l'est tous un petit peu au début, mais c'est vrai que je n'ai jamais eu affaire à une amnésie aussi sévère. Dans tous les cas, allons-y. Viens Charles.

— Où allons-nous ?

— Nous allons te recenser. Chaque nouveau fantôme doit se présenter aux SDF et...

— Tu vas voir le Clodo du Pont ! dit Grégory en portant son frère sur son dos. C'est un peu lui qui s'occupe de la ville.

— Oui, le Clodo du Pont est l'un des chefs des SDF. Pour des raisons de sécurité, nous devons enregistrer ton arrivée en ville.

— Et nous verrons, continua doucement Marguerite, s'il peut t'aider à retrouver la mémoire.

— Je ne sais pas si...

— Allons-y, le coupa Fiona. Il ne reçoit pas à toute heure de la journée. Nous t'expliquerons en route. »

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