Chapitre 1

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Je me réveillai, tout tremblant. J’avais le sentiment d’être gelé jusqu’aux os. J’avais lu une fois qu’après une tempête de sable, la température extérieure baissait de plusieurs degrés, ce qui expliquait cette soudaine chute de température.

Cléa était restée à côté de moi, et elle grelotait elle aussi. Elle vit que j’étais réveillé, et me demanda en claquant des dents :

  • Tu n’as pas quelque chose pour nous réchauffer ?
  • Je ne sais pas si ça tiendra bien longtemps, dis-je. Les Carreaux devraient suffire, mais pendant cinq minutes seulement. Il faudrait un matériau inflammable pour avoir un feu. Il n’y a pas une planche de bois quelque part ?
  • Je vais voir, dit Cléa. Nous n’avons même pas exploré la maison. Un peu d’activité ne nous fera pas de mal.

J’acquiesçai, et pendant qu’elle explorait la maison, je regardai l’intérieur de ma sacoche. Durant ma bataille contre Corentin, j’avais perdu la plupart de mes cartes, et je ne savais pas quelles cartes il me restait. Corentin…

Je jetai un coup d’œil à Cléa, et compris que le sujet reviendrait sur la table, une fois le danger de mort partit.

Je sortis les onze cartes que je possédai encore : le trois, le six et le neuf de Carreau, l’as, le huit et la dame de Cœur, le deux et le neuf de Trèfle, et le cinq, le sept et la dame de Pique.

  • Je peux m’en sortir, pensai-je. En plus, il me reste quatre armes des Autres. On peut réussir à survivre.
  • C’est bon ! J’ai quatre planches pas trop humides ! annonça Cléa. Tu as ce qu’il faut ?
  • Oui, j’ai trois cartes de Carreau. Amène-les au centre de la pièce, que ça nous réchauffe bien.

Nous les mîmes en tas au milieu de la pièce, et je fis un geste dans l’air avec le neuf de Carreau. Le petit tas de bois s’enflamma aussitôt.

  • Il y a de la réserve ? demandai-je.
  • Je pense que ça devrait aller, dit Cléa. De toute façon, on va juste se réchauffer, puis on repart.
  • Je ne sais pas s’il y a toujours autant de tempête dehors, fis-je remarquer. Elle peut durer plusieurs jours.
  • J’espère que ce ne sera pas le cas, répondit-elle sèchement.

Nous contemplâmes un instant le feu en silence, puis Cléa brisa celui-ci en murmurant :

  • On devrait peut-être parler de Corentin, non ?
  • Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, répondis-je.
  • Je l’ai quand même tué, dit-elle en m’ignorant. Je n’ai jamais tué beaucoup de personnes, mais encore moins un ami.
  • Il allait me tuer, dis-je.
  • C’était toi ou lui. L’un de vous deux allait forcément mourir un jour, et je ne savais pas lequel choisir.
  • Ça fait plaisir, commentai-je.
  • Et lorsque j’ai vu Corentin, au dessus de toi, complètement fou, et toi, blessé par terre, je n’ai pas hésité.
  • Et tu as tiré, complétai-je. Et tu as fait le bon choix.
  • Je ne sais pas, dit-elle en secouant la tête. Corentin était mon ami depuis ma petite enfance.
  • Moi, je ne suis qu’un étranger qui est arrivé dans vos vies il y a à peine une semaine. Un étranger utile, mais un étranger tout de même.
  • Exactement, approuva Cléa. Alors pourquoi ai-je tiré ?
  • C’est à toi de me le dire.
  • Je ne sais pas, avoua-t-elle. C’est vrai que Corentin avait changé ces derniers temps, mais pas au point de devenir complètement fou.
  • Ce qui est fait est fait, dis-je.
  • Non ! cria-t-elle ! C’est par ta faute qu’il est mort ! C’est toi, qui l’a énervé toute cette semaine ! Tu mériterais de mourir !
  • Tu ne vas pas commencer ! dis-je en me levant.
  • Tu mériterais de mourir ! répéta Cléa en prenant une arme et en la pointant vers moi.
  • Et bien vas-y ! Tue-moi ! dis-je en mettant les bras en croix. J’en ai marre de lutter.
  • Mais je ne peux pas, dit-elle en éclatant en sanglots. Pourquoi je ne peux pas ?
  • Tu n’as pas la volonté nécessaire, dis-je.

Cléa tomba par terre, épuisée d’avoir tant lutté avec soi-même.

  • Je vais voir la situation dehors, annonçai-je en prenant ma sacoche. Surveille le feu.
  • Pourquoi est-ce que je n’ai pas le courage de la faire ? entendis-je Cléa murmurer.

Je m’approchai de la porte, et tentai de l’ouvrir.

  • On dirait qu’il y a quelqu’un ou quelque chose qui retient la porte de l’autre côté, dis-je.
  • Corentin ? fit Cléa.
  • Tu l’as tué, fis-je remarquer froidement. Avec une arme des Autres. Donc si tu veux le retrouver, il va falloir que tu cherches ses minuscules particules dans l’air ambiant.

Elle se leva d’un bond, l’air furibond :

  • Comment peux-tu dire ça ?
  • Aussi étrange que cela puisse paraître, tu viens de me menacer avec une arme ! criai-je en retour. Et je n’ai aucun respect pour Corentin. Maintenant, si tu es un peu plus sensée que lui, tu ferais mieux de partir à part et de m’oublier, car il parait que je n’attire que des ennuis.
  • Je n’ai aucune chance de survie, dit-elle.
  • Il va de toute façon apprendre à te débrouiller tout seul, dis-je durement. Que ce soit avec ou sans moi. Comment feras-tu, lorsque tu seras toute seule dans ta maison ?
  • Il y aura peut-être mes grands-parents ! protesta-t-elle.
  • Je suis désolé, mais je vois mal nos grands-parents se débrouiller sans aide.
  • Et tes parents, alors ? contra Cléa.
  • Ils sont peu débrouillards, et ils peuvent se défendre.
  • Il y aura mes grands-parents, fit-elle d’une air buté.
  • Et même s’il y a tes grands-parents, ils vont avoir besoin de toi, et donc tu dois savoir de débrouiller seule !
  • Quand est-ce que tu vas ouvrir cette porte ? gronda-t-elle.

Je lui lançai un regard noir, puis enfonçai la porte. Ce qui bloquait la porte était en fait du sable, accumulé par la tempête. Plus aucun vent ne soufflait, et le soleil pointait à l’horizon. Je lançai à Cléa :

  • La voix est libre. Désolé de te décevoir, mais Corentin est bel et bien mort.
  • Tais-toi, s’il te plaît, soupira Cléa d’une voix lasse. On dirait que tu veux te faire tuer.
  • J’ai suffisamment vécu d’épreuves pour ne pas abandonner maintenant, répliquai-je. C’est à toi de choisir. Soit nous nous séparons, et tu seras forcée de te débrouiller seule, mais je ne serais plus avec toi,
  • Soit on reste ensemble, et je devrai te supporter, dit Cléa. Quel choix !
  • Mais je connais déjà ta décision. Tu n’as jamais voulu qu’on se sépare, malgré notre insistance, dis-je. Corentin était d’accord avec moi sur ce point, et c’est bien l’une des rares fois. Je ne vois pas pourquoi tu changerais d’avis.
  • Tu as raison, dit Cléa. Nous séparer ne serait pas bénéfique, autant que moi que pour toi.
  • Je n’ai pas besoin d’aide, non merci, ironisai-je.
  • Comment étais-tu, avant que l’on se rencontre ?
  • Je parlais tout seul, admis-je. Mais…
  • Il n’y a pas de mais ! Tu ne peux pas vivre tout seul. Personne ne peut vivre seul ! C’est pourquoi je vais rester avec toi, que tu le veuilles ou non,

Nous nous affrontâmes du regard un moment, puis je détournai le regard et demandai, en regardant au loin :

  • Tu es prête à partir ?
  • Partir dans quelle direction ? demanda Cléa.

Je retournai dans la maison, et fouillai mon sac à la recherche des cartes de mon grand-père. Je les étalai par terre, et cherchai du regard notre position.

  • Comment savais-tu notre position chaque matin ? demanda Cléa. Je ne t’ai jamais vu sortir ces cartes.
  • J’ai pris l’habitude de marquer sur la carte notre position a chaque fois que nous faisions une pause, avouai-je. Je l’ai toujours fait sans que vous le remarquiez.
  • Depuis quel jour ?
  • Le jour où je vous ai sauvé de la secte. J’avais eu du mal à repérer où nous étions, c’est pourquoi j’ai décidé d’opérer ainsi.
  • Bonne solution, admit Cléa.
  • Notre dernière position, hier soir, était ici, dis-je en pointant le dernier point marqué sur la carte. Normalement, il devrait être marqué le nom d’un village, ou quelque chose comme ça.
  • Ici, dit Cléa en montrant sur la carte un petit nom, à environ un kilomètre de notre dernière pause.
  • Nous avons un peu dévié de notre trajectoire, dis-je. Ce n’est pas grave.

Je rangeai la carte dans mon sac, puis reposai ma question :

  • Tu es prête à partir ?
  • Je n’ai pas trop le choix, ironisa Cléa. Tu partirais sans moi.
  • Je me vois mal faire ça, ironisai-je à mon tour. Trêve de bavardages. Nous avons une semaine de marche à faire avant d’arriver à ta maison.
  • C’est vrai, approuva Cléa. En route.

Toute colère semblait avoir disparue de son visage. Je regardai le désert devant moi, puis me mis en marche, Cléa derrière moi.

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