Chapitre 3

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Jason, Vendredi (à) 13(h)

Le lendemain, je me retrouvai dans la salle de bain. J’avais pu me doucher avec de l’eau tiède. En rencontrant mon reflet, je manquai de sursauter. Mon teint avait pâli à force de ne pas rencontrer la lumière du jour. J’avais pris un sacré coup de vieux. Mes joues avaient perdu un peu de leur rebondi sans parler des cernes violacés sous mes yeux. Des yeux bruns qui ne brillaient plus à cet instant. Mes cheveux bouclaient déjà alors que je venais de sortir de la douche. Je tirai ensuite des ciseaux de ma trousse de toilette avant de saisir une partie de mes mèches brunes. Je figeai les lames autour de la mèche en observant mon reflet. Couper mes cheveux signait un nouveau départ, mais j’avais peur du changement.

Étais-je prête ? Non.

Avais-je le choix ? Carrément pas.

Après avoir taillé durant plusieurs minutes, mes cheveux m’arrivaient à un petit centimètre au-dessus des épaules. Si je les lissai, ils seraient plus longs, mais je devais être méconnaissable. Une fois habillée, j’enfonçai un bonnet ainsi que des lunettes de soleil avant de sortir.

Le centre commercial se situait à vingt bonnes minutes de mon hôtel. Les vacanciers étaient partis et les travailleurs revenaient sur l’autoroute, expliquant la circulation assez lente. Lorsque je me garai, treize heures étaient déjà passées. Je passai les portes du centre commercial en hésitant. Devais-je réellement me présenter devant cet inconnu ? Allait-il me fournir des réponses plus concrètes ? Pouvais-je le croire, surtout ? J’aimerais avoir un sérum de vérité parfois.

En arrivant sur la terrasse intérieure, je trouvai mon rendez-vous. Il était bien blond, un blond clair qu’il avait noué derrière sa nuque. Quelques mèches, cependant, encadraient son visage. Il portait une veste brune, ouverte sur un t-shirt gris et un jean. Il n’avait aucun tatouage à première vue, mais un grain de beauté sur la mâchoire, près de l’angle gauche. Je m’approchai de sa table puis m’assis en face de lui. Un sourire se dessina sur son visage, comme s’il était sincèrement heureux de me voir.

« Bonjour, me lança-t-il. »

Il ne parlait pas trop fort et sa tonalité était calme, mais je restai assise sur le bord de ma chaise, prête à partir s’il le fallait.

« Salut.

- Tu as faim ? Je me suis permis de te commander quelque chose.

- Merci. »

Si un beau jeune homme m’avait invitée à manger une semaine avant, je n’aurais pas cet air crispé et ces réponses sèches. Il ne semblait pas dérangé, plutôt compréhensif. Lentement, il tendit la main dans ma direction.

« Jason Grayson, se présenta-t-il. Enchanté de te rencontrer.

- Vous savez qui je suis, pas vrai ? Devinai-je en serrant sa main.

- Bien-sûr.

- Vous allez me livrer à la police ?

- Non.

- Alors, bordel, qu’est-ce que vous me voulez ? »

Il ne parut pas surpris de ma vulgarité. Le stress et la peur me rendaient irritable et particulièrement malpolie.

« Tu veux bien me parler de tes parents ? Demanda-t-il. Simplement leurs identités. J’ai l’impression que l'on a mal accordé nos violons depuis notre conversation.

- Il n’y a rien à dire sur mes parents, murmurai-je. Karen et Stephen Turner. Je n’ai vécu que six ans avec eux.

- D’après les renseignements que j’ai reçus, avoua-t-il, ils ne sont pas tes parents, biologiquement parlant. »

Je redressai la tête, le considérant derrière mes lunettes. Face à ma stupeur, il tira quelque chose de son sac. Une feuille qu’il fit glisser jusqu’à moi. Cette feuille était un rapport stipulant que Karen Turner et Stephen Turner n’avaient aucun gène en commun avec moi. Je fixai toujours la feuille lorsque la serveuse déposa deux assiettes et deux verres sur la table. Jason m’observa avec des excuses dans les yeux. Ce rapport était écrit de la main d’un médecin. Plusieurs examens avaient été faits et rien ne concordait.

Je lui rendis la feuille en sentant des larmes rouler sur mes joues. Je me sentais comme une serpillière que l’on tordait à force de pleurer. Jason m’avait une fois de plus tordue le cerveau pour en extraire les dernières gouttes. Il me tendit un mouchoir dans lequel je me mouchai avant de secouer la tête.

« Par pitié, implorai-je, dis-moi que c’est une caméra cachée.

- J’aimerais tellement, murmura-t-il en se pinçant les lèvres. Mais il n’y a pas que ça.

- Jason, le coupai-je, si tu veux m’achever, tire-moi dessus. Qu'on aille plus vite.

- J’ai quelques bonnes nouvelles. »

Je l’invitai à continuer en essuyant mon visage, sans véritablement me rendre compte que je me mettais à le tutoyer.

« Nous connaissons l’identité de tes véritables parents, commença-t-il. Et nous sommes au courant pour tes… « hallucinations » d’après les rapports de ton ancien psychiatre.

- Vous avez eu les rapports de mon psy ?!

- Nous n’y allons pas avec le dos de la cuillère, à Hoswald. Mais nous pouvons t’aider. Nous pouvons t'aide sur bien plus de domaines qu’il n’y paraît.

- Vous m’avez l’air d’être une sacrée bande de voleurs.

- C’était un cas spécial, se défendit-il. »

Ils avaient violé mon intimité et présentaient cela comme un cas spécial ?! Ils en avaient du culot.

« Elle fait quoi ton institution à part voler des informations confidentielles ? Demandai-je en croisant les bras.

- Elle forme les personnes comme toi à devenir meilleures dans leurs… Spécificités.

- Lesquelles par exemple ?

- Eh bien… Il y a des personnes avec des dons particuliers. Certains manipulent les éléments, les objets, les gens…

- Tu en es un ? Demandai-je avec curiosité. »

Il hocha la tête en souriant. Je me demandais bien ce qu’il avait comme particularité. Il avait l’air d’un gentil homme à mettre derrière un bureau pendant plus d’une vingtaine d’années.

« Je n’en ai pas l’air, mais… je suis très fort.

- Pourquoi j’en doute ? Demandai-je en faisant la moue. Tu as l’air plutôt normal.

- Toi aussi. »

Je manquai de sourire, mais ne lui fit qu’une grimace grossière qui s’éteignit assez vite. Je commençai presque à hésiter. Cet endroit ne m’inspirait rien et me forçait à me poser mille et une question.

« Alors ton institution peut réellement m’aider ? Demandai-je.

- Oui. Sur tous les plans. Nous te garantissons surtout la sécurité. Je m’en assurerai personnellement.

- Combien cela va me coûter ? Demandai-je.

- Tu essuies déjà l’ardoise de tes parents par ta simple présence et en effectuant quelques services.

- Quels genres ? Demandai-je, sur mes gardes.

- Rien d’illégal ou qui ne soit insurmontable… Ou contre ton gré, répondit-il »

J’avalai une gorgée de soda. Le liquide gazeux coula doucement dans ma gorge avant que je n’adresse à Jason une moue sceptique.

« Si tu n’es pas sûre, laisse-moi au moins t’y accompagner afin de t’entretenir avec le directeur. Tu pourras te faire un avis personnel et la décision te reviendra totalement. Tu seras libre de partir et de faire ce que tu veux. »

Un toit, une activité, de l’aide pour mes hallucinations et des réponses à mes nombreuses questions. Quelque chose manquait au tableau : Cally. J’avais besoin d’une bouée de sauvetage, d’un point auquel me raccrocher. Une semaine était passée et je n’avais pas pris la peine de lui donner des nouvelles. Cally avait une meilleure force mentale que moi, mais ma disparition avait dû la bouleverser.

« J’ai quelques conditions à poser, lançai-je en me redressant.

- Je suis toute ouïe, répondit-il.

- Primo : je veux amener quelqu’un avec moi, ma meilleure amie. Secundo : j’attends beaucoup de réponses alors j’espère que ton directeur a de quoi faire. Tertio : je veux embarquer le déjeuner. Je boufferai avant de partir. »

Ma main se tendit dans sa direction, j’arborai une expression sérieuse. En souriant, Jason me serra la main.

« Deal, lança-t-il. »

Une heure après avoir remballé mes affaires et avalé mon déjeuner, j’attendis Jason sur le parking, adossée à la voiture de Lucien. Il arriva quelques minutes plus tard au volant d’une voiture grise. Il s’en extirpa avant que deux autres garçons ne le suivent. Les garçons que j’avais vus la veille. L’un d’eux ressemblait à Jason avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus. Il était plus petit et fin, mais avait la même étincelle de bonté dans son regard. Il avait quelque chose de candide dans le regard à moins que ce ne soit que mon interprétation. L’autre avait les cheveux châtain clair et des pupilles vert jade. Il avait les épaules larges et l’expression neutre. Une cicatrice marquait sa pommette gauche, mais elle ne gâchait en rien sa beauté.

« Je te présente Tyson, mon frère et Chuck. »

Tyson m’adressa un petit « bonjour » tandis que l’autre me considéra en silence avant de m’adresser un signe de tête.

« Les gars, voici June.

- Tu es née pendant le mois de juin ? Interrogea enfin Chuck en parlant d’une voix grave.

- Non, même si ce serait un joli moyen mnémotechnique pour m’en souvenir, répondis-je. »

Ma plaisanterie me valut un redressement de ses lèvres. Un sourire en coin.

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