Chapitre 16

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PDV Rébecca Devalois

Nous venions enfin d'atteindre l'orée du bois. Steve contacta le second groupe via leurs oreillettes pour voir où ils en étaient. L'entrepôt s'étendait sur une bonne cinquantaine d'hectares. De l'intérieur, il ressemblait presque à un labyrinthe avec ses différentes allées, ses couloirs identiques et ses innombrables pièces. En l'espace de deux heures, Lou, Junior, Tany, Kyra et Jonah n'avaient inspecté que la moitié du bâtiment et n'avaient trouvé ni Maggie, ni Ezra. Avec Wyatt comme guide, nous les rejoignîmes rapidement, traversant tout un dédale de couloirs aussi semblable les uns que les autres. Arrivés à leur hauteur, lorsque Jonah et Kyra reconnurent le frère d'Ezra en notre compagnie, ils pointèrent tous deux leur arme sur lui. Instinctivement, je me plaçais devant mon sauveur tel un bouclier humain.

« Ho la ! les calmais-je, plaçant mes mains devant moi, en signe d'apaisement. On se détend et on range son arme !

— Tu défends ce type ? s'offusqua Jonah, désignant Wyatt du doigt. Tu ne sais pas qui il est !

— Je le connais Jonah, mieux que tu ne le penses ! Je sais exactement tout ce qu'il a fait ! le contredis-je. Mais je te demande quand même de baisser ton arme ! S'il te plaît Jonah ! le suppliais-je du regard. Il va nous aider !

— J'ai du mal à croire que tu comptes trahir ton frère ! répliqua Danny, sceptique.

— Tu parles d'un frère ! rétorqua Wyatt sur un ton méprisant. Au moindre faux pas, il n'hésitera pas à me descendre ! Je ne veux plus que tout ça recommence, j'en ai assez de cette vie ! Je ne pensais pas qu'un jour j'allais devoir à nouveau choisir entre Rébecca et lui ! »

Dans un premier temps, Jonah dévisagea Wyatt, semblant peser le pour et le contre, puis il posa ses yeux noisette sur moi et finit par capituler. Il fit un signe de tête à Kyra qui baissa également son arme. Maintenant que les tensions étaient redescendues à la normale, Wyatt put nous indiquer l'emplacement de la salle où était son frère. La pièce se trouvait à l'extrémité de l'allée où nous étions actuellement, à peu près à 1500 mètres. Pendant que les autres échangeaient entre eux, de mon côté, j'étais partie ailleurs. Le vide s'était formé autour de moi, je n'écoutais plus personne, les différentes voix se faisant de plus en plus lointaines. Je réfléchissais à un plan mais je pensais aussi à Maggie. Je ne l'avais jamais rencontré mais Rick semblait beaucoup s'inquiéter pour elle, elle devait comptait énormément à ses yeux. Je me devais de la sortir saine et sauve des sales pattes d'Ezra. Après tout, c'était de ma faute si elle se retrouvait dans ce bourbier, elle n'était qu'un moyen détourné pour m'atteindre. Comme dirait si bien Ezra, elle était un dommage collatéral nécessaire pour atteindre son but. Depuis le début, je pensais que tuer Ezra était la seule option possible, l'unique porte de sortie. Je pensais également en avoir fini avec lui. Mais finalement, le destin en avait décidé autrement et le passé m'avait rattrapé avec beaucoup plus d'acharnement et de haine. Puis j'ai rencontré Steve, il m'a prouvé que j'avais le droit de vivre et d'aimer à nouveau. J'ai réalisé qu'Ezra ne valait pas la peine de gaspiller une balle. Je ne devais pas m'aplatir à son niveau. Je ne voulais certainement pas lui ressembler et devenir un monstre à mon tour, ça reviendrait à salir les mémoires de Marlon et Cassidy. Un coup de coude dans le bras me sortit de ma bulle. Steve s'inquiétait pour moi. Mon plan était fin prêt, mais il risquait de ne plaire à absolument personne car il comportait énormément de risques. C'était la seule solution que j'avais trouvée en si peu de temps. Je les interrompis soudainement afin de le leur révéler.

« J'ai un plan pour arrêter Ezra !

— Pour l'arrêter ? Tu ne veux plus le descendre ? C'est bien, tu progresses sœurette ! ironisa Matt. Mais bon, avec toi je me méfies ! C'est jamais bon quand le plan concerne Ezra ! Que ça soit de près ou de loin ! m'avertit-il, pas très convaincu.

— C'est quoi ce plan ? me questionna Junior, curieux d'en savoir plus.

— Comme vous le savez, Ezra a fait tout ça dans le seul but de m'avoir ! Alors je vais tomber intentionnellement dans son piège !

— QUOI ?! s'étrangla mon frère, complètement déconcerté par ce plan. Je savais que tu étais cinglée mais là tu as atteint le summum !

— Il est plus que foireux ton plan Rébecca ! m'avisa Jonah, pas très rassuré.

— Parce que vous croyez que foncer tête baissés tous ensemble c'est un plan ? déclarais-je. C'est moi et moi seule qu'il veut ! Et puis de toute façon c'est le seul plan que j'ai en stock !

— Vous vous êtes bien trouvé Steve et toi ! Vous êtes malade autant l'un que l'autre ! fit Danny, exaspéré.

— Je n'ai qu'une envie ! C'est en finir avec lui pour que je puisse enfin tourner la page ! Qu'il finisse entre quatre murs ou quatre planches, je m'en fous ! Du moment qu'il ne fait plus de mal à personne ! Pour y arriver, je vais avoir besoin de vous tous ! Mais tout particulièrement de toi Wyatt ! Les autres, je compte sur vous pour assurer nos arrières ! »

Je leur exposais tout en détail. Tout le monde acquiesça mon idée, y compris mon ronchon de frère adoré. Ensuite, je me plaçais devant Wyatt et lui demandais cash, sans passer par quatre chemins.

« Frappe-moi !

— Quoi ?! fit-il autant interloqué que les autres. Je vais pas te frapper ! refusa-t-il catégoriquement.

— Si, tu vas me frapper ! surenchéris-je. Si je ne suis pas un minimum blessé au visage quand tu vas me ramener à ton frère, il va nous griller direct ! Alors, je te le demande ! Frappe-moi ! »

Je voyais très bien à sa tête et à sa posture qu'il n'y arriverait pas. Il prenait trop de temps pour s'échauffer et faisait traîner les choses en longueur. Il avait commencé par s'étirer les bras, puis s'était échauffé les poignets et avait terminé en faisant craquer ses doigts. Toute cette mascarade pour je cite " ne pas se froisser un muscle ". Je commençais vraiment à m'impatienter, on n'avait pas toute la journée, bon sang. Je devais lui donner un coup de pouce. Je devais faire monter la pression, le provoquer, l'enrager jusqu'à le faire exploser.

« Je comprends maintenant pourquoi ton frère ne te fait pas entièrement confiance ! lui balançais-je soudainement à la figure. Je te demande seulement de me coller une droite et même ça, tu n'en es pas capable ! continuais-je dans ma lancée. Je pensais que je pouvais compter sur toi, mais apparemment je me suis trompée ! l'accablais-je, profondément déçue. »

Ma démarche semblait faire son effet. Peiné, Wyatt me lâcha des yeux et baissa le regard au sol. Je devais continuer à le bousculer.

« Certes, Ezra te voit désormais comme une personne appartenant à sa famille ! Mais ça ne l'a jamais empêché de te considérer comme son pantin ! Comme tu l'as dit toi-même, il serait prêt à te tuer sans hésiter à la moindre erreur de ta part ! Ça prouve à quel point il t'estime ! ironisais-je. »

Je ne cessais d'en rajouter davantage, le poussant de plus en plus à bout. Je m'avançais vers lui et approchais ma tête de son oreille pour me faire entendre uniquement de lui.

« Ezra n'a jamais supporté que son père ait aimé une autre femme que sa mère, au point d'avoir un enfant avec ! Il te déteste et il détestait ta mère ! Il la haïssait même ! Au point qu'une nuit, il est allé la tuer dans son sommeil ! »

Au début, je disais tout ça pour l'aider puis à force de parler d'Ezra, la rancœur avait pris le dessus. Je ne contrôlais plus rien, ni mes paroles, ni mon corps. Je m'en éloignais pour mieux observer l'effet que mes mots avaient sur lui. Chacun de ces muscles était tendu et ses poings serrés faisaient blanchir ses phalanges. Son visage était crispé par la retenue de sa colère grandissante. Mais le pire était à craindre car je n'en avais pas fini avec lui. Alors sans que je ne puisse faire quoi que ce soit, les mots passèrent la barrière de mes lèvres.

« Ce n'est pas tout Wyatt ! Il a fait bien pire ! J'ai fait bien pire ! lui avouais-je. Maria, ta copine de l'époque ! Ce n'était pas un accident ! commençais-je. C'est moi qui l'ai tué, Wyatt ! lâchais-je, piteusement. »

Ce furent les mots de trop pour lui. Wyatt entra dans une colère noire, et sans que je ne le voie venir, son poing vint s'abattre sur mon visage. Le coup me propulsa contre le mur, ma tête heurtant celui-ci. Complètement sonnée, ma vue se troubla durant quelques secondes. Mon arcade sourcilière me fit souffrir et je sentis un petit arrière-goût de fer dans la bouche. Je ne l'avais pas volé ce coup-là, j'avais été trop loin. Je devais seulement le pousser un peu, mais dans le feu de l'action, mes mots étaient sortis tout seuls. Je l'avais profondément blessé, j'espérais de tout cœur qu'il arriverait à me pardonner un jour. Il s'approcha vivement de moi, puis me plaqua soudainement contre le mur, bloquant ma gorge de son avant-bras tatoué. Les spectateurs de la scène tentèrent de venir à mon secours, toutefois je les stoppais immédiatement d'un geste de la main. Je ne voulais pas que quiconque intervienne, de plus ce n'était pas nécessaire. Contrairement aux apparences, Wyatt n'exerçait pas une très forte pression, il ne voulait pas réellement me faire du mal. Il était en proie au chagrin, à la trahison, à la colère et à bien d'autres sentiments. Je réussis avec un peu d'insistance à le repousser gentiment. Profondément déchiré, je me confondis en excuses auprès de lui.

« Je suis vraiment désolée Wyatt ! m'excusais-je, les larmes aux yeux, soudainement envahis par un énorme iceberg de culpabilité. Tu n'aurais jamais dû l'apprendre comme ça ! Je n'avais pas le choix ! Je suis désolée ! sanglotais-je.

— Pourquoi tu lui as obéi ? me demanda-t-il, d'une voix brisée par le chagrin.

— Tu le sais très bien ! Je n'étais pas en position de lui refuser quoi que ce soit ! Tout ce que j'ai fait c'était pour protéger ma fille ! Mais regarde où tout ça nous a menés ! Maria et Cassidy sont mortes ! »

Sans que je ne m'y attende, Wyatt me prit dans ses bras pour me réconforter. Ce brusque revirement de situation me surprit encore plus lorsqu'il s'excusa à son tour. Ses innombrables regrets le rongeaient de l'intérieur. Il n'avait jamais cautionné les actes de son frère me concernant. Il déplora également son inaction durant toutes ses années. Prenant son visage entre mes mains, je le raisonnais, lui rappelant nos grandes discussions à l'insu d'Ezra, la transmission de son savoir-faire et surtout, il avait pris soin de mon petit bébé. Et ça, je ne le remercierai jamais assez. À l'époque, il n'avait pas eu le cran de le défier car il était seul, mais aujourd'hui, il pouvait compter sur mon soutien et celui de toute l'équipe. Je déposais un léger baiser sur sa joue humide puis je rejoignis Steve pour le rassurer. Ce dernier me dévisageait d'un air soucieux. Je l'enlaçais et l'embrassais comme s'il s'agissait de la dernière fois. Je ne voulais pas le montrer mais j'en avais besoin. Intérieurement, c'était le chaos, j'avais peur. Ce sentiment ne m'avait pas habité depuis bien longtemps, je redoutais d'y laisser ma peau. J'allais bientôt me retrouver en face de mon pire cauchemar et contrairement à ce que je voulais laisser paraître, je n'étais absolument pas prête. Toutefois, le monde ne risquait pas de s'arrêter de tourner pour m'attendre et Ezra ne le ferait pas non plus. Il était temps de prendre le taureau par les cojones. Me noyant dans le lagon de ces yeux, je profitais en toute impunité de cet infime instant magique. Cependant, toute bonne chose avait une fin. L'heure avait filé et le moment fatidique était malheureusement arrivé à son terme. Les prochaines minutes seraient décisives autant pour Wyatt que pour moi, nos vies communes dépendraient d'Ezra et du bon fonctionnement ou non de mon plan. Les autres se placèrent dans les couloirs adjacents. Face à la porte, Wyatt apposa sa main dans mon dos. Je lançais une dernière œillade à Steve pour me donner du courage puis je posais un regard déterminé sur mon complice. Tout allait se jouer maintenant. L'autre main sur la poignée, je le vis prendre une grande inspiration. Il me regarda semblant me demander confirmation. Une fois que j'eus acquiescé, les choses s'enchaînèrent rapidement. Mon faux bourreau abaissa brusquement la poignée et fit tomber l'unique rempart qui me séparait de ce que je pensais avoir résolu il y avait bien longtemps. Wyatt m'empoigna les cheveux et me tira violemment dans la fosse aux lions. Il acheva son geste en me jetant au sol comme un vulgaire déchet. À genoux sur le sol froid en béton, mon cuir chevelu était parcouru de picotements. Tout à coup, une paire de chaussures noires très classe apparut dans mon champ de vision. Je savais exactement à qui elles appartenaient. Je levais lentement mes yeux sur ce monstrueux personnage. L'avoir en face de moi pour de vrai après tout ce temps, me donna la chair de poule. Une petite voix dans ma tête m'intimait l'ordre de m'enfuir le plus loin possible de cet être que je haïssais. Ezra s'accroupissait devant moi. Ce simple geste eut raison de ma peur qui prit le dessus. Je m'éloignais de lui, me cognant contre les jambes de Wyatt. Ma réaction provoqua chez lui un rire narquois, voire mauvais. Me retrouver apeurée comme je l'étais le rendait fou de joie, l'excité même.

« Ma chère et tendre Rébecca ! jubilait un peu trop Ezra à mon goût. Je te remercie de nous faire l'honneur de ta présence ! Nous voilà enfin réunis comme au bon vieux temps ! continua-t-il, arborant un sourire mauvais sur son visage balafré. »

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