AUX BONS SOINS DES SYLVES

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Quand les guérisseuses Sylves virent arriver Arkan, plus mort que vif, elles échangèrent un regard consterné. Encore un... Au moins lui restait-il un souffle de vie, si ténu fut-il ! Et c'était parfois suffisant. Tout dépendait de la volonté de vivre du blessé. Le reste était leur affaire de sorcières. La plus âgée s'adressa à lui d'une voix douce :

— Tu ne crains plus rien ici, et nous allons te soigner.

Elles déposèrent chacune un baiser sur son front enfiévré et se mirent au travail. L'encens brûlait, offrande et purification. Le patient, installé sur un tertre recouvert de mousse, fut débarrassé de ses pantalons déchirés et imbibés de sang. Elles déposèrent sept cristaux de la taille d'un œuf de poule autour de lui et un huitième sur son front. Elles s’installèrent autour, levèrent les bras vers le ciel, et lancèrent les premières harmonies de leur chant de guérison. Et quiconque en entendrait les vibrations ressentirait un bien-être immense et s'en trouverait régénéré. Cela leur permettait aussi de faire un diagnostic assez précis. Et le constat était que tout allait mal. Cette technique ne suffirait pas. Elles décidèrent de le placer alors « hors d'atteinte », car le moindre contact physique étant insupportable, la douleur était en train de l'achever .
Elles captèrent l'énergie de la forêt, la concentrèrent dans les cristaux. Arrivé à cet instant, Enguerrand vit le corps de son frère, toujours inconscient, décoller et monter jusqu'à se trouver à cinquante centimètres du sol. Une brume dense baignait ses blessures, lavait ses plaies. Lui tournoyait et planait dans un océan de rêve, à la recherche des yeux couleur noisette d'une inconnue.
Les guérisseuses mémorisèrent cette image et elles s'en serviraient pour soutenir leur patient. Elles avaient senti un courant bénéfique l'entourer et ne refuseraient pas un peu d'aide. Cependant, cela ne fut pas suffisant pour entretenir la minuscule braise vitale et son cœur cessa de battre. Elles tentèrent alors autre chose. La vibration prit une tonalité étrange, entre chien et loup. Elles posèrent un neuvième cristal sur son cœur et, d'un seul mouvement, y dirigèrent leurs faisceaux d'énergie. Son cœur se remit à battre quelques secondes puis s'arrêta de nouveau. Elles envoyèrent une seconde impulsion et le relancèrent une seconde fois. Enguerrand assistait à tout cela, effaré. Son esprit criait : tout ça pour rien ! ? Arkan tint un petit moment et leur échappa pour la troisième fois. Elles se concertèrent à voix basse, puis elles se penchèrent au-dessus de lui, prononçant des mots qu'Enguerrand ne parvint pas à saisir.
À des kilomètres de là, à la question que lui posaient les sœurs, Iléa répondit oui. Oui, elle acceptait de les aider. Oui elle acceptait de leur fournir toute l'énergie qu'elle pourrait, et autant d'Amour. Alors celles-ci déposèrent un baiser sur les lèvres blessées de leur patient avant de poser les mains autour de son cœur silencieux. Après une nouvelle prière, elles renvoyèrent une impulsion. Enguerrand vit le corps de son frère se tendre comme un arc, tressauter violemment, pris dans un orage d'énergie indescriptible, s'y dissoudre et réapparaître. La lumière s'était mêlée d'un bleu très doux puis avait viré au vert tendre. Pour l'esprit d'Enguerrand épuisé, c'était pur bonheur. Et Arkan revint à la vie. Son frère se laissa tomber sur l'herbe, secoué de longs frissons. De toute son âme, il remercia les Forces-Bonnes et s'endormit sans transition ni lutte. Ils étaient en sécurité, il pouvait se reposer.

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