RAYAN FAIT CONNAISSANCE D'ILÉA , Sorcellerie ou pas ?

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— Dans mon esprit, je vois comme un chemin sinueux, à peine tracé, qui serpente à travers la forêt dense, sombre, transpercée par des lances de soleil, parfois. Cette forêt est pleine de souffles et de murmures, de rires légers et de grognements rauques, de froissements de feuilles sèches, du grincements des troncs qui se caressent au gré du vent.

Elle est si vaste et sauvage que je m'y égare encore après des années d'exploration. Et si je pouvais ne pas perdre cette sente dans la nuit profonde, je parviendrais au cœur de ce monde où se cachent les descendants des anciens Elfes et Lutins. Mais à chaque fois, je perds le fil, je m'allonge à même la terre grouillante et je m'endors, bercée par le grondement de ses courants puissants et secrets. Quand le jour finit par desceller mes paupières et ranimer mon corps, je serre un arbre dans mes bras, contre mon cœur, emplie de paix, baignée de rosée puis je retourne vers les villages des hommes, sans m'y sentir vraiment à ma place.

Je leur fais peur, je le sais bien, à errer, de jour comme de nuit, par les causses et les vallons, à cueillir plantes et pierres magiques dont je ferai mes remèdes. Et quand ils me demandent qui m'a enseigné, je leur réponds que c'est la Nature qui me guide. Comment expliquer ce que je ne comprends qu'à demi ?

Si tu me dis : j'ai mal là, ou j'ai tel problème, je vais trouver quelque chose qui te sera bénéfique. Il me suffit de voir, d'écouter, de rêver. Mais ce qui est vraiment important, c'est ce qui va se mettre en route en toi grâce à mon remède, pas le remède. Car ce qui va pour toi ne va pas forcément à un autre. Je ne sais pas exactement pourquoi, ni comment, mais ça marche. Est-ce que c'est vraiment important, le pourquoi et le comment ? acheva-t-elle en accompagnant ses mots d'un regard limpide plein d'étonnement.

— C'est ce qu'on appelle sorcellerie, répondit Rayan pensif.

— Mais il n'y a rien de maléfique là dedans.

— Ce n'est pas l'avis de tout le monde.

— C'est stupide. Quand il y a eut l'épidémie de fièvre, nous n'avons perdu que deux personnes, et encore, parce que je suis arrivée trop tard.

— Comment as-tu fait ? Avec quoi les as-tu guéris ?

Il venait de la pousser dans un autre filet, se penchant légèrement en avant, dévoré de curiosité. Il captura son regard et poursuivit :

Comment les as-tu guéris ?

— ... avec mes mains. Juste avec mes mains.

— C'est de la sorcellerie...

Il se moquait gentiment, mais il se moquait. Elle voulait le faire taire, furieuse à présent.

— Qu'est-ce que tu en dis ?

— Que votre point de vue est très restreint ! Vous, les Villains, n'acceptez la réalité que quand vous avez réussi à tout mesurer, dépecer, décortiquer, pourvu que ça colle à votre Livre des Lois ! Le reste vous terrifie et vous renvoie à l'âge des cavernes, face à un tigre à dents de sabre. Que faites-vous alors ?

— Je saisis une lance, je combats avec bravoure cet ennemi féroce. De sa peau je me ferai une couverture et sa viande emplira les ventres de ma tribu.

— Je vois que tu me suis. Et c'est à cause de votre peur ignorante que vous condamnez les Karzaï à mort et les sorciers aux Châtiments, en toute bonne conscience. C'est une chance que vous vous soyez amollis car, vois-tu, quelque part au cours du second millénaire, les sorciers étaient brûlés vifs et... c'est une mort abominable.

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