À POINT NOMMÉ...

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Nouveaux murmures. Une voix grave s'éleva soudain avec indignation :

— Mais qu'est-ce que vous faites ? Qui êtes-vous en train d'évaluer? La coupable ou la victime ? Iris est en train de vous endormir !

Tous se tournèrent vers le nouvel arrivant qui les avait apostrophés avec autant d'ardeur. D'un coup, Adesha, qui s'était sentie rétrécir tout au long de cet interrogatoire, se secoua et reprit sa taille normale à mesure que sa colère s'épanouissait.

— Merci, Camilion ! Tu m'as ôté les mots de la bouche, mais je suis bien contente de t'entendre.

D'ailleurs, parmi vous tous, qui n'a jamais enfreint leur règlement ? Et réfléchissez. Qui nous a fait le plus de mal dans cette histoire ? Que nous importe qu'elle lance le feu ? Elle ne l'a jamais utilisé contre nous !

— Tu oublies ma récolte cramée ! J'ai dû vivre sur le grenier collectif pendant plusieurs mois à cause d'elle !

— J'aimerais avoir vos deux versions de ce problème, intervint Rama, puis elle se tourna vers le guérisseur, dis-nous comment va Iléa, je te prie, Camilion.

Il avait hoché la tête d'un air fatigué et peiné :

— J'ai fait ce que je pouvais, mais je ne peux vous dire si elle va s'en remettre. Comme nous tous, elle est solide, mais elle est très faible. Roman est à ses côtés et je vais bien vite les rejoindre. Mais mes amis, ne laissez pas Iris recommencer !


Comme il s'apprêtait à partir, Rama lui saisit le poignet et l'arrêta demandant :

— Que ferais-tu d'elle ?

Surpris par la question, Camilion réfléchit quelques instants avant de répondre :

— Je ne vois que deux solutions : la mort, qui résoudrait le problème une bonne fois pour toutes, ou la prison.

— Nous ne pouvons la condamner sans avoir entendu Iléa... objecta Rama.

— Je peux vous proposer une troisième alternative.

— Les regards se tournèrent vers Adesha.

— Nous pouvons la placer sous la surveillance des Karzaï en la confiant à Séréna.

Il y eut comme un froid glacial puis Iris se mit à crier :

— Vous n'avez pas le droit ! Je ne veux pas aller là-bas ! Ne m'envoyez pas chez ces monstres ! ! !

Elle était au bord de la panique. Ses yeux vifs allaient des uns aux autres, mais personne ne prit sa défense cette fois. Personne ne voulait courir le risque d'être dénoncé pour une divergence d'opinion ou un mot de travers. Chacun connaissait son caractère ombrageux. Iléa était loin d'être la première à s'être querellée avec elle. Qu'un conflit éclate et on y retrouvait quasi toujours « La Batailleuse », que ce soit de près ou de loin, ce qui lui avait valu ce surnom, utilisé essentiellement quand elle n'était pas là.

Cette idée fit d'ailleurs presque instantanément le tour de l'assemblée. Rama sentait qu'ils craignaient moins Iléa et ses étranges aptitudes que cette femme à la hargne et à la jalousie maladives.

— Les Gens, il est tard. Nous avons tous besoin de repos et de réflexion. Nous poursuivrons cette discussion demain soir, ici et à la même heure. Enfermez Iris dans la cave de l'auberge avec le nécessaire. La nuit porte conseil...

En vain, la Batailleuse se débattit comme une furie pour échapper à la poigne de ses trois gardiens qui l'emmenaient avec bien du mal. Ses vociférations retentirent jusqu'à ce que la porte de la cave fut refermée.

Chacun se regarda, gêné. Il y avait une telle absence de criminalité qu'il n'y avait ni prison, ni police chacun ayant besoin des autres et veillant sur les autres. Chacun se sentait appartenir à ce groupe informel des « Campagnards ».

Tout le monde s'installa pour la nuit. Des tentes s'étaient dressées abritant des familles.
L'auberge était pleine mais il y régnait un silence et un calme inhabituels. Il n'y aurait pas de fête pour la foire, cette année. La peur et la colère se laissaient porter par le vent qui s'infiltrait jusque sous les couvertures. Bien sûr, on se doutait que cela se produirait. Les négociations avec les Villains avaient abouti à une impasse. Il leur fallait toujours plus. Or, les Campagnards ne pouvaient leur donner plus sans mettre en péril l'équilibre de leur communauté. Et ils ne pouvaient, ni ne voulaient produire plus. Adesha avait rejoint Rama devant chez elle :

— Les ennuis commencent...

— Hélas... Accepterais-tu une tasse de tisane ?

— Avec plaisir, Rama. J'ai froid à l'âme et dans mes os. Il faut aussi que je te parle.

Rama avait ouvert la porte et s'était effacée pour la laisser passer puis elle la débarrassa de sa cape et la serra dans ses bras.

— Ma chère, nous avons tout l'hiver pour nous préparer. Mais, dès que la neige aura fondu, ils seront là... déclara-t-elle, tout en servant la tisane.

— Oui Rama, mais ne pourrions-nous pas les devancer ?

— J'y ai pensé aussi... plutôt que d'attendre la fin de nos réserves. Si l'hiver s'attarde, le printemps est une période difficile. Il faut y réfléchir.

— Mais j'ai une bonne nouvelle !

— Vraiment ?

— Oui, il est arrivé, celui qui doit nous aider. Je l'avais pressenti. Il est ici depuis quelques jours !

— Tu lui as parlé ?

— Oui, Rama et je suis certaine que c'est bien lui que nous espérions !

— Où est-il ?

— Il est caché chez moi. Mais il a les Chasseurs après lui...

— Ça ne va pas simplifier les choses.

— Et en plus, il ne maîtrise pas ses capacités... pas encore.

— Que veux-tu faire de lui, alors ?

— Il a subi un conditionnement pour ne pas les utiliser. Je vais l'aider à s'en affranchir. Nous avons besoin d'informations précises, et il peut nous les trouver.

— Es-tu sûre que c'est lui ?

— Son cœur est pur, je le sens et « il a autant besoin de nous que nous avons besoin de lui », rappelle-toi ! Ce sont les mots de la prédiction.

Rama, il a la puissance d'Armel ! Si je parviens à le débloquer ça changera la donne !

— Si tu pouvais dire vrai... On va devoir utiliser toutes les armes qui se présenteront...

— J'ai confiance !

— Moi, j'ai peur.

— Ils ne nous laissent d'autre choix que le combat ! Alors, finissons-en avec ces sangsues!

— Il faut que ce soit le dernier affrontement ! Adesha, je me permettrai de venir faire la connaissance de ton protégé dès demain.

— Tu te rendras mieux compte. Maintenant, je rentre. Je suis fatiguée et triste.

— On l'est tous...

Elle vida sa tasse, se prépara en précisant :

— Il a déjà rencontré Iléa et Roman. Et il était sur la place pendant l'exécution.

— Ces deux là ne diront rien, mais évitons d'ébruiter sa présence plus que cela tant que nous n'aurons pas résolu le problème “ Iris ”.

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