QUAND VIENDRA LA CHUTE

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Sur la place, après une demi heure de cohue, Rama demanda le silence :

— Les Gens ! Nous pouvons résumer le problème de cette façon: Les derniers bastions de l'ancien monde doivent tomber !

Elle laissa s'éteindre l'ovation et reprit :

— Nous n'avons pas besoin des villes pour vivre, vous l'avez prouvé. Qu'est-ce que nous échangeons avec eux qui nous soit indispensable au point de vendre notre cœur ?

Est-ce que nous devons accepter leurs lois pour un peu de tranquillité ?

Est-ce que nous allons accepter encore de voir certains des nôtres humiliés, torturés sous nos yeux sans réagir ?

Nous sommes des Campagnards, fils de rebelles depuis le début des Nouveaux Temps ! Où est passée notre fierté ?

Sa voix résonnait sur les vieux murs.

— Alors prenons notre destin en main !

Certains avaient baissé la tête. D'autres s'étaient redressés. Quelqu'un cria :

— Pour la Terre !

Et l'ancien cri de bataille fut repris avec une ardeur nouvelle. Elle poursuivit :

— Maintenant, j'aimerais savoir ce qu'il se passe ici. Il y a parmi nous une ou plusieurs personnes qui ont dénoncé Iléa. En faisant cela, ils ont attiré les regards sur nous, et nous le regretterons tous. Jordan, qui dirigeait l'expédition punitive est un gars d'ici. Certains d'entre vous le cotoyaient. Et lui connaît beaucoup d'entre nous. Le sénat prépare depuis longtemps cette opération de « nettoyage » des Campagnes, mais à présent, tous nos guérisseurs sont en grand danger. Bientôt nous le serons tous. Nous devons être unis si nous voulons rester libres.

— Tu te trompes. Jordan n'a rien contre nous !

C'était Bhomme, le bûcheron qui avait travaillé avec le jeune homme.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? interrogea Rama.

— Rappelez-vous, il y a dix ans. Il est parti le jour de la foire d'automne, après qu'Iléa l'ait giflé devant tout le monde. Et on ne l'a plus revu.

Rama se souvenait. C'était une journée magnifique, comme aujourd'hui. Bhomme reprit :

— Il avait ravalé sa honte mais avant de monter à cheval il lui avait dit : " je reviendrai et je te ferai payer le prix de ma honte, au prix fort ! " Je l'ai entendu parce que j'étais tout près d'eux. Il n'est pas venu punir le village, il s'est juste offert sa vengeance personnelle en toute légalité.

— Je pense que tu te trompes, Bhomme. Tu n'étais pas là, ce matin, tu ne l'as pas vu, ni entendu. Renseigne-toi. Si on le lui ordonne, il détruira le village, avec plaisir.

— Et nous avec ! À cause de cette malfaisante !

C'était Iris qui s'était avancée. Sa pâleur faisait ressortir le rouge qui lui brûlait les joues et soulignait la colère de ses yeux noirs.

— Je te reconnais bien là, Iris. Je n'ai pas eu à t'interpeller, tu es passée à l'attaque.

— Je connais Iléa ! Je vous l'ai dit : elle rôde, de jour comme de nuit ! Elle parle avec des gens que je ne vois pas !

— Il n'y a rien d'interdit dans tout ça.

— Non, mais elle si elle soigne et guérit, elle peut aussi faire du mal ! Elle m'a aussi tué la récolte l'an passé !

— Comment peux-tu affirmer cela ?

— Tout allait bien, jusqu'au jour où, un matin très tôt, elle s'est arrêtée devant mon jardin. Elle a étendu les bras vers mon potager, en soufflant comme on imite le vent, et le lendemain tout était sec, fané, fichu ! C'est quand même étrange, non ?

— Et pour quelle raison a-t-elle fait ça ?

— Est-ce qu'une sorcière a besoin de raisons ?

Il y avait du défi dans la voix d'Iris et de la colère. Rama l'observait, surprise de tant de virulence.

— Elle m'en veut parce que je ne lui ai rien donné quand elle m'a guéri de la fièvre.

— Elle ne demande jamais rien en échange de ses soins... répondit un Campagnard.

— Mais tout le monde lui fait un cadeau !

— Et pas toi, demanda Rama .

— Non, je ne lui ai pas demandé de m'aider ! C'est vous qui l'avez appelée !

—Tu étais inconsciente. Tu étais en train de mourir, rappela Adesha. Ton problème, Iris, c'est que l'homme que tu veux est épris d'Iléa. C'est pour ça que tu l'as dénoncée. Quand il a refusé tes invitations, tu as vite compris et tu as cherché un moyen de te débarrasser d'elle.

La Rumeur est bavarde...

Le ton monta dans l'assemblée. Près de deux cents personnes suivaient cette histoire si misérablement humaine. Adesha reprit :

—Tu ne pouvais pas faire mieux que de la jeter dans les griffes de Jordan qui lui garde une rancune tenace. Tu dois être déçue, elle est encore en vie. Tu me fais pitié.

— Je ne veux pas de ta pitié, vieille chose !

— Tu en auras besoin. Nous réglerons ce problème un peu plus tard, Iris. Les Gens, j'aimerais avoir votre avis. Devons-nous protéger et garder nos guérisseurs et notre indépendance, ou devons-nous accepter les décisions et les ordres des Villains ?

Il y eut un long moment de silence puis Adesha leva la main et déclara d'une voix ferme :

— Pour la terre ! Peu à peu, nombre de voix, dans une forêt de bras levés, lui répondirent. Rama le savait, ils étaient prêts. Il y avait, sur la place, des représentants de chaque groupe. Ils ne voulaient plus subir l'autorité des villes.

— Bien, maintenant, nous allons devoir nous organiser ! Que chacun aménage des lieux secrets où se réfugier. Cachez des provisions et des vêtements dans les collines. Préparez-vous, ils vont venir chercher les sorciers et mâter les autres. Ils ont déjà essayé, à leurs dépends. Et, c'est toujours l'unité qui nous a sauvés. Ils l'ont bien compris. C'est pour cela que les gens comme Jordan les intéressent. Et lui, après dix années passées dans le Nord, il revient plein de haine, prêt à laver l'affront dans le sang. Nous avons eut tord de sourire ce jour là.

Le feu central dépérissait en un grand cercle mouvant. Le vent s'était levé, froid et lugubre. Chacun remuait de sombres pensées.

— Et maintenant, Iris, qui vas-tu dénoncer, questionna Rama d'une voix glacée.

La question l'avait prise au dépourvu, et Iris cherchait du regard quelqu'un pour l'aider.

— Que devons-nous faire de toi ? C'est la trente et unième année que je participe au conseil. Et c'est la seconde fois que nous rencontrons cette situation. La première fois, nous avions banni le coupable. C'était une erreur, nous le savions, mais nous avons voulu croire en de vieux principes. Il a beaucoup aidé les Villains avant de mourir.

Alors, mes amis, je vous le demande, que devons-nous faire ?

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