LA PETITE VOIX QUI POURSUIVAIT RAYAN

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Deux heures plus tard, Rayan se réveilla en sursaut, les mains plaquées sur la bouche pour ne pas crier. Il se contraignit au calme, s'obligeant à respirer doucement quelques minutes et comprit qu'il n'avait pas perdu la vue comme il l'avait cru, mais que l'obscurité ambiante était celle de la caverne. Ce n'était qu'un rêve, un sale rêve.

À demi rassuré, il s'allongea à même la roche, enroulé dans la couverture de laine brute. Mais il ne retrouvait pas le sommeil. Sa peur avait un goût trop réel. Comme une image captée par le rond de la longue vue, cerclée de noir. Une voix lointaine et douce attira son attention. Une voix sans bouche. Et ce qu'elle disait lui hérissa tout le poil :

Sois raisonnable. Ce que tu as vu n'est pas vraiment un rêve. Tu le sais, aussi bien que moi...

La gorge sèche, il essayait de calmer sa panique qui ronflait comme un brasier. Avec rage, il repoussa l'ombre et fit taire la voix. Il ne voulait pas savoir et il pleura sans bruit de fluides larmes de peur, comme quand il était enfant et qu'il devait affronter l'Adulte tout puissant.

Depuis quelques semaines, elle se manifestait plus souvent, avec une patiente insistance. Et à chaque fois, il avait un peu plus de mal à la repousser dans son cachot, au fond des oubliettes de sa mémoire. Depuis qu'il avait quitté la ville, elle avait pris de l'assurance, de la vigueur. La campagne lui allait bien.

Il s'était même déjà surpris à lui répondre tout en gesticulant, comme s'il s'agissait d'un véritable interlocuteur. D'un rapide coup d’œil, il s'était alors assuré que personne ne l'avait vu parler seul, gêné à l'idée que l'on puisse le prendre pour un de ces illuminés qui finissent désactivés.

À chaque fois cependant, elle l'avait laissé en plein désarroi, le moral en berne, la peur collée aux semelles. Il revoyait encore le professeur qui l'avait suivi une partie de son enfance, lui répétant que tout cela n'était qu'illusion. Le professeur sombre. Sombre comme les Chasseurs. Il l'avait surnommé Professeur Terreur, armé de la petite boite maléfique qui dispensait la souffrance dosée au millimètre, jusqu'à ce que le « malade » accepte enfin d'oublier et de rentrer dans le rang.

Maintenant il se souvenait ! Il avait subi ces séances pendant neuf mois au bout desquels il était redevenu un enfant comme tous les autres, sage et discipliné. Il ne comprenait pas comment il avait pu oublier totalement ce passage de son existence. Il avait huit ans à l'époque. Et tout ça pour rien, parce que dans le courant de sa douzième année, il avait redécouvert et caché sa différence. À partir de là, tout était allé de mal en pis, jusqu'à son arrivée ici.

Un étrange plaisir le surprit pourtant, issu du silence, des odeurs de paille et de cuir, de cendre froide. Même son corps courbatu lui semblait plus vivant. Il s'était pris à rêver que sa place pourrait être ici, loin de la Ville. La cavale lui pesait. Il soupira et s'endormit sur cette note d'espoir.
La lumière qui filtrait à travers les feuilles, par la porte ouverte l'avait sorti du sommeil. Il s'étira en grognant et se leva rapidement. Dehors, Roman s'ébroua après s'être aspergé d'eau froide.

— Fais en autant, ça met en forme ! Je prépare la tisane. Rejoins-moi quand tu auras fini.

Rayan cligna des yeux, ébloui par le soleil puis il tâta l'eau du bout des orteils et frissonna. L'eau était vraiment glacée. Il en cria sa joie d'être vivant et se laissa sécher au vent quelques instants, se rhabilla et s'installa au soleil.

— Ça va ? Je n'ai pas eu le temps de te montrer ta couche. Tu t'es écroulé assis...

— J'ai passé des nuits pires que celle-ci...

Il avait dormi dans des champs, des grottes, des taillis, des bois, des ruines, là où il était tombé, parfois. Il avait eu peur et froid. Il avait pleuré sous les étoiles et la pluie, alors, oui, cette nuit, il avait bien dormi...

— Bon, si tu es toujours d'accord, nous allons continuer à ramener le bois.

— Je suis toujours d'accord.

— Remercions la terre et mangeons.

De nouveau le rituel qui présiderait à chaque repas. Roman remplit les tasses, coupa le pain et lui tendit la corbeille de joncs tressés, pleine de pommes et de noisettes. La conversation reprit entre deux bouchées.

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