JOURNAL DE NORBERT: JE BOIS TROP

2 minutes de lecture

Date : je ne sais pas trop quand, après que l'épidémie version 2 avait commencé à tuer, est-ce vraiment important, maintenant ?

Cet été-là, alors que tous les cours d'eau étaient à sec et que la nature dépérissait, la pluie est enfin tombée, mais avec tant de violence et en telle quantité que le déluge s'est imposé dans les pensées et les conversations. Le déluge !

Pendant trois jours et trois nuits, on a essuyé une terrible tempête qui a arraché tuiles, arbres, etc. Les rues se sont transformées en ruisseaux. On s'est terrés, on a calfeutré, écopé... En bas, à Rennes-les-Bains et dans toute la région, il y a eu des inondations effroyables. Partout, des débris de toutes sortes flottaient, des voitures et des corps, bêtes et hommes emmêlés. Au matin du quatrième jour, la pluie cessa et le soleil réapparut, brillant sur cette désolation. Devant l'ampleur du désastre, l'État envoya l'armée à notre aide. Les routes étaient dévastées, encombrées d'arbres et de débris, l'électricité et le téléphone coupés.

Le premier truc qu'on a fait, c'est une fête géante, la plus grosse bringue qu'il m'ait été donné de voir de ma vie ! Les congélateurs regorgeaient de victuailles, l'alcool coulait comme l'eau... fallait exorciser la peur. Les jours suivants, chaque homme valide aida à déblayer la route apportant ce qu'il avait : pelles, pioches, tronçonneuses... On nous a ravitaillés en eau potable par hélicoptère.

Finalement, je commençais à aimer la vie ici. Chaque soir, je dînais aux chandelles. Il y avait longtemps que j'avais abandonné ce cahier. Je ne savais pas la date, je buvais trop...

La lumière s'est éteinte une après-midi et ne s'est jamais rallumée. C'était il y a longtemps, quand il restait encore des gens au village, ceux que la maladie n'avait pas endormi et dont je faisais toujours partie !

C'est assez drôle ! Ils me détestaient tous et ils sont tous morts... Il y a une justice finalement !

C'est dingue aussi ce réflexe d'appuyer sur l'interrupteur pour allumer ! Je l'ai fait des centaines de fois, et même maintenant, des années après, il m'arrive d'esquisser le geste. Mais quelle paix royale ! Plus aucune obligation, plus d'impôts, plus de papiers, plus d'emmerdeurs ! Et, avec toutes les conserves du village, je peux manger pendant des années.

L'idée de m'installer dans le bar-restaurant m'est venue très vite, mais il y avait toujours le gérant. Deux autres types habitaient quelques maisons plus loin. Alors j'ai patienté. Je les ai laissé rassembler toutes les provisions du village dans le restaurant, putain ça en fait ! Je serai mort qu'il en restera encore ! Au début, ils ont aussi vidé les frigos, congélateurs et ils ont versé tout ça dans un chemin, pour les chiens. Ces mecs n'ont pas réfléchi. Il aurait mieux valu abattre tous ces clébards, car ceux qui ont survécu au premier hiver se sont reproduits et maintenant, ils sont sauvages. Certains jours, je n'ose même pas sortir. Ils rôdent à la recherche de nourriture.

Et je suis de la nourriture !

Annotations

Vous aimez lire MAZARIA ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0