JOURNAL D'AZALÉE, jeudi 03,06,32, EFFONDREMENT DE LA « NORMALITÉ ».

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Jeudi 03,06,32

… Au début, on n'a même rien remarqué.

Puis, un jour, on s'est inquiété des voisins qui n'étaient pas sortis depuis deux jours. On se connaît tous dans le quartier. Alors on a été frapper à leur porte. Comme personne n'a répondu, on a appelé les pompiers. Quand ils ont ouvert, ils étaient au lit, décédés dans leur sommeil.


Ensuite, ça a été le tour du vieux du bout de la rue, qu'on a découvert raide dans son canapé, devant la T.V. Son chien hurlait à la mort, c'est comme ça qu'on a su...


Après, on a retrouvé l'épicière, aussi morte que les autres, dans son fauteuil favori.
Quatre décès inexpliqués, en deux jours ! Nettement au-dessus de la moyenne habituelle, a dit un flic.
Au journal du soir, il y a eu une intervention du ministre de la santé annonçant une épidémie vraisemblablement due à un virus. Encore ! Décidément...

Ils conseillaient de rester chez soi, juste vingt quatre heures, le temps de savoir à quoi on avait affaire. Pff ! Le lendemain, il a été retrouvé par sa secrétaire, la tête posée dans ses bras croisés, sur son bureau, paisiblement mort.

Samedi 05 juin 2032
Ce week-end, ma pote, Élisa fête son anniversaire. J'ai dû insister pour que maman me laisse y aller, en lui disant que c'était peut-être la dernière fois qu'on allait pouvoir s'amuser. J'ai lui ai fait un bisou, à Titoun aussi, et en avant pour la fiesta !

Lundi 07 juin 2032

Quand je suis rentrée, hier après midi, je les ai retrouvés sans vie, allongés sur la pelouse. J'étais effrayée, comme ahurie, glacée. Je suis rentrée et j'ai appelé le médecin, les pompiers, la police. Toutes les lignes étaient occupées. Pas moyen de joindre mon père sur son mobile : messagerie direct. Alors je me suis mise à pleurer. J'ai pleuré tellement longtemps que c'était déjà la nuit quand je me suis calmée.

À la TV, un homme expliquait d'un air sinistre que l'épidémie s'étendait à toute l'Europe, qu'elle avait fait son entrée aux U.S.A, que l'Asie déclarait ses premiers cas et que nous devions nous préparer au pire car tout allait très vite.

J'ai eu, d'un coup, très froid. Cette fois, on y était...

Après avoir été annoncée des dizaines de fois, après la Covid, la fin de l'Humanité avait l'air de commencer pour de bon ! Un autre type, tout aussi lugubre conseillait :

" De rester chez soi.

De ne pas boire l'eau du réseau.

De ne pas circuler en voiture.

De ne pas..."

Blablabla...


Il y a eu trois grosses explosions... Ça a fait trembler les murs...
Maintenant, je dois faire quelque chose pour maman et Titoun. J'ai bien l'impression que personne ne viendra m'aider...

Je les ai enroulés dans des draps.
J'ai pris une bêche et creusé un trou suffisant pour les enterrer ensemble. Il m'a fallu deux jours. Je les ai traînés jusque devant la fosse. Leurs corps sont tombés avec un bruit mou affreux. Ils étaient à l'envers, face contre terre. J'aurais préféré qu'ils soient sur le dos, et ça m'a fait pleurer encore, mais j'ai pas eu le courage de les retourner. J'ai rebouché en une journée et posé quelques fleurs sorties des jardinières de maman. Pardon maman. Ça ne sert sans doute pas à grand chose, mais c'est plus joli.

Je suis rentrée et j'ai bu deux verres de vodka, cash puis je me suis écroulée sur le canapé. J'en ai bu encore, mais je ne sais plus combien...

Aujourd'hui, mardi 08 juin 2032, au lit toute la journée, avec un mal de tête XXL. La vodka...

Le quartier est bizarrement calme. Pas de connexion internet. Plus de réseau mobile. Mais qu'est-ce qu'il se passe ? À la T.V, ils repassent en boucle le même bulletin d'infos qu'hier. Je peux tenir quelques jours avec les provisions de la maison, pour l'eau, il y a six bouteilles... Peut-être que papa va rentrer...

Mercredi 09 juin 2032
Le bon côté, c'est qu'il n'y a plus de cours.
Cet après midi, j'ai fait un petit tour rapide dans la rue. J'ai vu personne. Tout le monde se cache... Ou tout le monde est mort. Je frissonne. Toujours pas de réseau téléphonique.

Dernières infos à la radio : l'épidémie a pris de l'ampleur, sans précisions. La situation se dégrade. Des groupes dangereux et incontrôlables sillonnent les villes en semant la panique.

Consigne : Ne pas rester seul, se regrouper autour des gendarmeries et des églises. Super... ou rester chez soi, je vote pour.

Couvre-feu de 22 heures à 6 heures. Il y a déjà des pillards à l’œuvre mais l'armée a pris les choses en main. Pff, c'est pas bon signe !
Je commence à avoir vraiment peur.

Au menu ce soir: spaghettis au fromage. Papa, tu me manques !

J'ai vu passer des voitures pleines de types armés de fusils qui tiraient dans tous les sens. Je suis restée cachée sans bouger plusieurs heures. Il y a de la fumée noire vers le centre ville.

16 heures, toujours ni réseau, ni connexion. Qu'est-ce que je vais faire ?

Merde, j'ai grave la trouille ! Mais c'est quoi ce sale délire ?

Maman chérie, Titoun, mon p'tit frère adoré, pourquoi vous êtes morts ? J'ai peur. Je suis toute seule...

Bon, je vais reprendre un peu de vodka.

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