Le Nagspa (suite)

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Tant bien que mal, après quelques minutes, il réussit à se redresser. Le froid qui l’avait envahi était tel un étau contre lequel il était difficile de lutter.

Une fois que Philippe sembla lui aussi plus ou moins capable de se mouvoir, l’once s’éloigna de quelques dizaines de mètres en courant, s’arrêta et tourna la tête et les regarda avec insistance. Son regard semblait être une sorte d’invitation à le suivre.

— On dirait qu’il voudrait qu’on aille de ce côté, qu’est-ce que tu en dis ? interrogea Alrick.

— On ne va tout de même pas continuer à se diriger vers le sommet ? Tu sais qu’il faut descendre le plus possible avant la nuit. Là-haut nous mourrons sans aucun doute de froid, si toutefois nous réussissons à rejoindre la crête. Il faut à tout prix allumer un feu et…

— Je sais tout cela, le coupa Alrick. Mais quand bien même nous arriverions à descendre encore plusieurs heures de ce côté-ci de cette montagne, je ne vois aucun endroit où nous pourrions nous reposer en sécurité et encore moins trouver de la nourriture ou du bois. Par contre, comment savoir ce qui se trouve sur l’autre versant ? C’est peut-être notre seule chance. Un peu plus haut, j’ai cru apercevoir un col. S’il y a un passage, c’est qu’il y a de la vie quelque part. C’est sans doute par là qu’il faut se diriger pour s’en sortir.

— Parce qu’en plus tu espères trouver de quoi manger ? Tu crois vraiment que quelqu’un puisse être assez fou pour vouloir habiter au milieu de ce massif montagneux ?

— On n’a rien à perdre, répondit Alrick en haussant les épaules.

Philipe secoua la tête en soupirant longuement, créant un petit nuage de vapeur devant lui.

— Je n’ai plus assez de force pour te convaincre de toute façon. Va, je te suis. En tout cas j’essaye, ajouta-t-il tout bas.

Après presque une heure de marche, ralentie par chacun de leur pas s’enfonçant dans la neige fraîche, ils arrivèrent au col. Un peu plus loin, en contrebas, ils virent un hameau isolé déjà plongé dans l’ombre du géant de pierre et de glace. Ce petit village était visiblement habité puisqu’il s’échappait de la fumée des habitations. Cette vision leur donna un regain d’énergie.

Ce fut à cet endroit que l’once quitta les deux hommes pour s’éloigner en courant dans la direction opposée. Son pelage blanc se fondit rapidement dans le paysage et il disparut de leur vue.

Les deux hommes se remirent en marche, ils titubaient, ivres d’épuisement. L’épaisse neige collante ralentissait considérablement leur marche. Philippe trébuchait à chaque pas et Alrick, tout en luttant pour ne pas laisser le froid l’engourdir de nouveau, soutenait son ami autant que possible. Si près du but, ils ne devaient pas renoncer à avancer car chaque minute qui passait laissait l’obscurité envahir un peu plus le paysage.

Concentré sur la vision du village pour y puiser la volonté nécessaire pour utiliser ses toutes dernières forces pour continuer, Alrick relâcha son attention et Philippe s’écroula dans la neige. Tant bien que mal, Alrick tenta de secourir son ami, en vain. À bout de force, Philipe était un poids mort et le peu d’énergie qu’Alrick possédait encore ne suffisait plus à le soulever du sol. Découragé, ce dernier se laissa tomber près de son ami.

— Laisse-moi. Je n’en peux plus, lâcha Philippe dans un râle.

À cet instant précis, Alrick eut l’intime conviction qu’essayer d’aider Philippe à se relever, c’était les condamner tous les deux. Leur unique chance de sortir de ce mauvais pas était qu’il rejoigne seul le village pour y trouver de l’aide et revenir le secourir au plus vite. Il estima rapidement le temps qu’il lui faudrait pour descendre et remonter lui porter secours. Les chances qu’il revienne avant que son ami ne soit complètement glacé étaient bien minces, mais s’il s’entêtait à vouloir le porter, il se condamnerait également. Puisant dans les maigres réserves d’énergies enfouies au fond de lui, il se releva pour se mettre en route.

— Tiens bon mon vieux, je reviens.

Philippe qui glissait doucement vers un sommeil sans retour ne répondit pas.

Exténué, Alrick devait lutter pour obliger son corps à continuer cette marche forcée. Les quelques centaines de mètres à parcourir semblèrent lui prendre des heures. Même si descendre pouvait à première vue sembler plus facile, devoir continuellement maintenir son équilibre pour ne pas glisser et risquer de rouler demandait beaucoup d’efforts.

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