L'évasion (suite et fin)

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Brulante de fièvre, Adila délirait. Zarhan s’agenouilla à son chevet et demanda, avec toute la ferveur dont il fut capable, l’aide des Anciens. Son fils s’approcha timidement. La peur de son père que Zarhan lut sur son visage lui brisa le cœur. (c’est mal dit, j’attends vos propositions J)

— Je te demande pardon. Je n’aurai jamais dû te faire sentir coupable de posséder le don de ton grand-père. Crois-tu que tu puisses faire quelque chose pour elle ?

— Je ne sais pas père. Je n’ai jamais appris à développer mes dons comme je l’aurai dû. Je suis loin d’avoir la connaissance de grand-père.

— Si tu savais comme je regrette…

Affrontant la peur irrationnelle que provoquait la vue de son père, il lui prit la main pour l’apaiser et lui sourit.

— Je vais faire de mon mieux. Ni vous ni moi ne pouvons défaire le passé, mais nous pouvons affronter le présent ensemble.

Zarhan lui rendit son triste sourire.

— Tu as raison. Concentrons-nous sur ce qui nous reste.

Damel examina avec soin sa sœur. De toutes ses blessures, s’était sans aucun doute celle à son poignet qui était la plus dangereuse. Là où le bracelet frottait continuellement sa peau délicate, une profonde entaille noirâtre s’était formée. L’odeur et les écoulements qui suintaient de la plaie ne présageaient rien de bon. La rougeur qui s’étendait vers l’aisselle laissait supposer que l’infection avait gagné une bonne partie du bras.

Inconscient des pensées tourmentées de son fils, Zarhan l’observait et éprouva soudain une certaine fierté de voir avec quel courage il affrontait chaque blessure avec délicatesse et attention. Il ne pouvait qu’imaginer combien il était difficile pour cet homme à peine sortit de l’enfance de s’occuper ainsi de ce corps meurtri tant chéri.

Après de longues minutes, à contre cœur, il donna son verdict.

— Père, je ne sais pas si je vais pouvoir sauver son bras.

Le désespoir et la souffrance qu’il vit chez son père lui coupa le souffle. Même s’il savait que son père aimait ses enfants, il ne mesura l’ampleur de son attachement à sa fille qu’à cet instan. Il ne put alors se résoudre à lui amputer le bras sans avoir tout tenté. Pour que son père ne parte en guerre contre le Massaké mut par une soif de vengeance aveugle, il lui fallait de l’espoir. Non se reprit-il, il leur fallait à tous de l’espoir pour se reconstruire et aller de l’avant.

— Je vais devoir bruler toute cette partie de son bras qui est morte. Ça va être extrêmement douloureux. Je crois qu’il faudra au moins deux personnes supplémentaires pour l’immobiliser.

L’idée même de devoir enfoncer profondément le tison dans la chair le révulsait mais, reprenant son courage, il continua. Impatient, Zarhan l’observait alors que son fils semblait prier. Il aurait tant aimé savoir à quelles puissances il invoquait force et courage. À défaut de pouvoir unir ses pensées aux siennes, il posa la main sur la jambe d’Adila en espérant que sentir sa présence puisse lui apporter un peu de réconfort. Après quelques minutes qui parurent s’éterniser Damel déclara :

— Avant toute chose, il faut que l’on sectionne cette entrave, il me faut aussi de l’eau propre, des bouts de tissus et un tison.

Zarhan soulagé de pouvoir enfin être utile, hocha de la tête et bondit hors de la tente pour demander de l’aide et rassembler le nécessaire.

Une fois seul avec sa sœur, tout en maintenant les yeux clos, Damel posa ses deux mains sur Adila. Une sur son front et une sur le bas de son ventre cherchant à relancer le flux d’énergie qui participerait à sa guérison. Il sentait le fluide quitter ses mains et la douce chaleur qui s’installa sous ses paumes augmenta de manière tangible sa confiance en ses pouvoirs. Savoir que son père était enfin d’accord y participait aussi pour beaucoup. Au bout de quelques instants, il ouvrit les yeux et se tourna vers son père qui était revenu avec le nécessaire et deux compagnons, Faraj en charge de la ferronerie et Pendo son assistant.

Oter le bracelet sans la blesser davantage ne fut pas chose aisée. Le moindre contact était visiblement douloureux car Adila s’agitait, repoussant machinalement les mains qui tentaient de la délivrer. Damel expliqua alors à chacun ce qu’il devait faire pour l’aider au mieux. Zarhan, qui avait en charge de maintenir contre le sol son avant-bras et son épaule, était plus pale qu’un linge. Une autre personne maintenait ses jambes alors que la troisième personne tenait son autre bras et sa tête. Leur regard fuyant et leur mine décomposée indiquait clairement leur malaise. Damel avait posé un bout de tissu sur la paume d’Adila et croisé le tissu sous sa main. Ses genoux reposés sur les deux pans de tissu ainsi formés de chaque côté de son bras afin de l’immobiliser complétement. Pour que personne ne perde la raison pendant l’intervention il fallait agir vite. Il retira du feu le tison rougeoyant et le déposa contre l’extérieur du poignet d’Adila. Il ne maintint la pression que quelques secondes et pourtant soutenir les hurlements déchirants qui s’élevèrent de la gorge d’Adila, supporter l’odeur âcre de la chair brulée, tout en maintenant suffisamment de pression pour lutter contre ses soubresauts était un indescriptible cauchemar. Ce n’est qu’une fois certain qu’il avait creusé jusqu’à l’os qu’il retira le tison de la plaie. Il aurait voulu pouvoir soulager partiellement la douleur en appliquant des compresses d’eau glacée mais le seul endroit où il savait pouvoir s’en procurer était dans les montagnes XX à des jours de marche. Il appliqua un baume cicatrisant et protégea la plaie d’une bande de tissu. Une fois assuré qu’il en avait fini avec sa terrible besogne, il chercha le pouls sur son autre bras pour vérifier que le processus de guérison était entamé. Contre toute attente ses soins n’avaient pas l’air d’avoir tout à fait l’effet escompté. Il se refusa pourtant de le dévoiler à son père pour le moment.

— Merci, dit-il à son père et aux deux personnes qui avaient bien voulu les aider à accomplir cette difficile tâche. Ces derniers, sans demander leur reste, quittèrent la tente. Damel entendit qu’au moins un des deux rejeta le contenu de son estomac derrière la tente.

Son père quant à lui semblait être extenué par la tâche qui venait d’accomplir. S’il avait repris quelques couleurs, de grands sillons formaient par ses larmes lui barraient le visage. C’était la première fois qu’il voyait son père pleurer. Voir ainsi ce père, qui avait été toujours pour lui un symbole de force et de courage, être aussi démuni face à la souffrance de son enfant attisa son respect et son amour pour lui.

Il avait fait de son mieux, mais savait que la route de la guérison serait encore bien longue pour cette sœur qui était si frêle pour supporter tant de souffrance et de malheur. Pourquoi l’univers lui avait-il réservé un tel destin ? Devait-elle n’être qu’un rouage qui permettrait aux autres de transformer leur vie. Cette épreuve était-elle destinée à l’endurcir pour d’autres épreuves encore ?

— Et maintenant ? demanda Zarhan.

— Il faut lui donner du temps et prier. Je puis peut-être soigner ses blessures, mais elle devra vouloir vivre pour qu’elle survive à toutes les épreuves qu’elle vient d’endurer. Elle aura aussi besoin de tout l’amour que nous pouvons lui donner.

Alors que son fils sortit de la tente pour préparer ce dont il aurait besoin pour continuer les soins, Zarhan se mit lui aussi à prier. Il s’adressa à son épouse morte alors qu’elle mettait au monde son dernier fils.

— Nabila, ma douce compagne, ma rose des sables. J’implore ton pardon. C’est pour notre fille Adila que je souhaite que tu quittes le voile. Sauve-la, sauve-nous de toute cette folie. Que les Anciens me soient témoins, j’ai enfin compris que la route que je suivais m’a éloigné de ce qui est juste.

À cet instant son fils réapparut, il avait visiblement entendu son père car, pour l’apaiser, il déclara :

— Père, elle ne nous a jamais vraiment quittés. Soyez certain qu’elle accomplira ce qui est en son pouvoir pour nous aider à sauver Adila. Maintenant, laissez-moi un peu seul je vous prie. J’ai besoin de toute ma concentration et votre regard me trouble.

— Pardon, murmura Zarhan.

Il baisa le front de sa fille et s’éloigna comme un automate brisé, le dos vouté.

 

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