le mariage (suite 3)

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Une pluie fine mais continue fit monter le niveau de l’eau des douves qui envahit peu à peu les étages inférieurs de la prison. Le hurlement des prisonniers condamnés à se noyer était de plus en plus fort puis d’un seul coup l’assourdissant silence emplit l’air.

Ce fut ce terrible silence qui tira le prince de sa léthargie. Encore sous le choc, il appela Adila. Son père se présenta, soulagé de voir que son fils avait repris conscience.

— Où se trouve mon épouse ? demanda Hakim surpris et inquiet qu’elle ne fut pas près de lui.

— Le mariage n’a pas eu lieu. Tu ne te rappelles de rien ?

Une succession d’images se présentèrent à lui et tout revint à sa mémoire, le funeste présage, les secousses, les cris, tous les cris.

— J’ai cru entendre des hurlements juste avant de me réveiller, avons-nous subi de nouvelles secousses ?

— Non. Ne te préoccupe pas de cela pour le moment.

— Père, où se trouve Adila ? Est-elle blessée ?

À la mention de ce nom, Hakim reconnut l’humeur de son père même s’il tachait d’arborer un sourire jusqu’alors.

— Cette sorcière n’a eu que ce qu’elle mérite. Je suis convaincu que tout est arrivé par sa faute.

— Est-elle morte ? demanda le prince épouvanté.

— Pas encore. Elle est consignée au cachot et si la pluie ne cesse de tomber comme je le pressens, elle suivra bientôt les autres et sa lente agonie emplira mon cœur de joie.

Hakim comprit alors toute l’horreur de la situation. Les cachots se trouvaient en contrebas des douves et le tremblement de terre avait dû ouvrir une brèche par laquelle l’eau s’infiltrée et emplissait peu à peu les sous-terrains. Dans très peu de temps peut-être, c’était son étage qui serait envahi par l’eau et s’il n’agissait pas très vite, elle mourrait elle aussi. Hakim savait que son père refuserait de la libérer et qu’il devait agir de façon détournée. Il fit mine de comprendre la situation et d’accepter dans l’espoir que son père quittât son chevet afin qu’il puisse aller la sauver. La ruse fonctionna car constatant que son fils recouvrait pleinement ses sens, il s’empressa de dire :

— Je ne peux pas rester avec toi plus longtemps car je dois veiller au rétablissement de l’ordre. Je te laisse toutefois entre de bonnes mains, ajouta-t-il en indiquant le marabout qui veillait sur lui.

Lorsque son père s’éloigna, Hakim saisit le bras de ce dernier pour qu’il s’approche de lui afin de parler tout bas.

— Un homme qui a à cœur de soigner les gens ne peut pas rester insensible à leur détresse. Adila n’est qu’une enfant. Elle n’est en rien responsable de ce dont on l’accuse.

Le marabout se raidit à ces mots et recula.

— Prince Hakim, pour le moment vous devriez surtout penser à vous. C’est ce que votre père souhaite en tout cas, et ce pourquoi je suis là, rien d’autre.

— Je comprends votre position mais croyez bien que je pense à moi en vous demandant de l’aider. Elle était sur le point de devenir ma femme. Seul un terrible coup du sort a pu empêcher notre union.

— Mais peut-être que votre père a raison. Sans doute n’étiez-vous pas fait l’un pour l’autre.

— Je vous en prie. Si je dois renoncer à elle pour que la vie lui soit sauve j’accepte. Je ne pourrai en aucun cas vivre avec sa mort sur la conscience. Je dois par quelques moyens que ce soit la mettre en lieux sûrs. Je vous promets de revenir sur ce lit dans les plus brefs délais afin que vous ne soyez pas soupçonné d’avoir collaborer en me laissant partir. Si nous affirmons l’un et l’autre n’avoir pas quitté cette pièce, il ne mettra pas notre parole en doute.

Le marabout sembla hésiter quelques instants.

— Je ne sais pas…

— Je vous en prie.

— Très bien. Vous avez l’air vraiment décidé à aider cette jeune femme et ce malgré les avertissements de votre père. Toutefois, je ne crois pas que renoncer à elle soit une bonne idée. Si vous délivrez la jeune fille sans la suivre, votre père ne manquera pas de porter sa colère contre vous car ses soupçons se poseront immanquablement sur votre personne. Qui d’autre aurait le pouvoir de se rendre aux cachots discrètement aussi rapidement ? Non, je préfère que vous me frappiez assez fort pour que je puisse dire que vous vous êtes échappé malgré moi. Mais en vous enfuyant en sa compagnie, vous renoncerez ainsi à toutes prétentions au trône, vous le comprenez j’espère ?

— Cela m’importe peu face à la survie de ma fiancée.

Le marabout fouilla dans un coffre dont il avait la clef autour du cou et en sortit une petit fiole.

— Prenez ce remontant. Il sera de court effet mais il vous permettra de prendre la fuite. Car c’est bien là votre intention, n’est-ce pas ? Vous n’entendez pas nuire à votre père ?

— Bien sûr que non, assura-t-il en s’emparant du précieux liquide. Merci de votre loyauté.

Contrairement à ce qu’il pensait, rejoindre les cachots lui fut chose aisée. Apparemment, tous les gardes avaient été mobilisés pour contenir les problèmes extérieurs au palais. Lorsqu’il arriva à l’étage où était enfermée sa fiancée, l’eau lui arrivait déjà un peu au dessus des chevilles. Il se précipita vers sa cellule mais la porte était solidement fermée. À main nue, il n’avait aucune chance de l’ouvrir. À travers les barreaux il l’entrevit assise contre le mur, la tête contre le torse, elle semblait sans vie. L’eau continuait inexorablement de monter lui arrivant presque à mi-mollet et elle ne semblait pas en avoir conscience.

— Adila, Adila mon amour je t’en prie, réponds-moi !

La jeune femme leva légèrement sa tête vers lui. Elle était méconnaissable avec le maquillage qui avait coulé sur son visage tuméfié.

— Adila je t’en prie, lève-toi, ajouta-t-il suppliant.

Les yeux perdus dans le vide, elle ne paraissait pas comprendre ce qu’il lui demandait et détourna son regard. Horrifié, il secoua une fois de plus la porte, en vain. Soudainement, il lui revint à l’esprit que les clefs pouvaient être à l’étage au-dessus, dans la salle des gardes.

— Adila, tiens bon. Je reviens te chercher dans quelques instants.

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