Le mariage (suite 2)

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Lentement, elle traversa la centaine de mètres qui la séparait de l’autel, foulant de ses pieds les pétales de roses carmin qui jonchaient le sol. Un instant, elle baissa les yeux et la vue de ses mocassins tachés de rouge, comme si elle marchait dans un bain de sang, la troubla, la faisant frissonner au plus profond de son être. Quand elle releva la tête, ses yeux rencontrèrent ceux d’Hakim et comme s’il avait ressenti lui aussi son terrible malaise, il avait l’air terrifié. Elle aurait voulu se précipiter vers lui et lui dire de s’enfuir mais cela lui était impossible.

Le ciel se couvrit subitement obscurcissant considérablement la place, la foule poussa un cri de surprise alors que chacun scrutait le ciel. La mariée continua malgré tout à avancer vers Hakim. Ses yeux rivaient dans les siens étaient la seule chose qui l’empêchait de fuir. Elle se concentrait sur lui faisant abstraction de l’assassin de son père qui se trouvait dans son dos. Presqu’aussitôt un vent terrible monta soulevant les pétales qui s’envolèrent en tourbillonnant. Le lien qui maintenait les cheveux d’Adila se défit et ses cheveux virevoltèrent devant son visage. Alors qu’elle tentait de les rassembler à nouveau, des grêlons gros comme des noix se déversèrent sur les invités qui se mirent à hurler de surprise et de douleur en essayant tant bien que mal de se protéger de leur bras.

Les gardes du Massaké qui l’encadraient se frayèrent un chemin vers le palais en bousculant sauvagement quiconque se tenait sur leur passage. Hakim qui avait déchirait la manche de la robe d’Adila en l’agrippant les suivit. Malgré les protestations des invités, ils refermèrent derrière eux les lourdes portes du palais. Les autres gardes tentèrent de canaliser les gens vers la sortie en vain. Alors que certaines personnes tambourinaient aux portes pour qu’on les laisse pénétrer dans le palais, d’autres se précipitaient vers la sortie poussant les personnes qui se trouvaient devant elles. L’un des malheureux qui avait trébuché finit écrasé par le piétinement des autres invités. Un éclair s’abattit alors sur une des tentures qui encadrait la porte du palais et l’embrasa immédiatement. Des éclairs zébrèrent le ciel avant de venir frapper la place à plusieurs reprises provoquant l’incendie qui gagna une partie du palais.

A peine à l’intérieur, Hakim murmura à l’oreille d’Adila :

— Nous devons trouver un moyen d’avertir Alrick du danger qui nous guette.

Ce ne fut qu’au moment où il fut certain que sa fiancée fut hors de danger qu’Hakim s’écroula. La jeune femme se rua sur lui et constata qu’il avait une profonde entaille au niveau du cuir chevelu. La blessure saignait abondamment. Elle arracha un pan de sa robe et tamponna au mieux la plaie. Les gardes sur ordre du Massaké transportèrent le prince dans sa chambre et un guérisseur arriva rapidement à son chevet.

— Il a probablement reçu une poutre. Je puis recoudre sa plaie mais il m’est difficile de dire si le choc qu’il a reçu laissera des séquelles. Sa perte de connaissance n’est pas encourageante.

Le Massaké fou de rage traversait la pièce d’un bout à l’autre comme un lion en cage. Il se mit à hurler.

— Cette union est visiblement maudite.

Il se tourna vers Adila qui s’était légèrement écartée pour faire de la place au médecin et pointa un doigt menaçant dans sa direction.

— Cette sorcière veut certainement se venger de la mort de son père en me privant de mon fils unique. Qu’on l’enferme aux cachots !

Deux gardes tirèrent la jeune femme alors qu’elle tentait désespérément de se raccrocher à son fiancé. Elle ne voulait pas qu’on la sépare du prince alors qu’il aurait besoin de ses soins et de son amour.

Les roulements de tonnerre accompagnèrent les cris de la jeune femme alors qu’on l’emportait au loin. Elle se débattait comme une diablesse et un des gardes la gifla sauvagement pour la calmer, lui ouvrant le bord de la lèvre qui se mit à saigner.

Trois étages plus bas, elle fut poussée brutalement dans une cellule vide. Incapable de comprendre ce qui avait bien pu se passer, elle parcourut des yeux l’espace exigüe dans lequel elle se trouvait. Un petit soupirail situé en dehors de sa portée apportait un peu d’air frais.

Elle s’agenouilla et éclata en sanglots. Dans l’agitation sa robe avait été déchirée et se trouvait souillée par le sang d’Hakim. Se sentant tout à coup responsable de ce désastre, elle se mit à hurler de désespoir les mains levées vers le ciel. Ses yeux tombèrent alors sur ses mains maculées de sang, du sang de celui qu’elle devait épouser il y a quelques heures à peine et qui était gravement blessé par sa faute. Cette vue lui sembla insoutenable et elle tenta de les nettoyer sur sa robe mais le sang séché ne partait pas. Elle se mit à frotter ses mains contre le sol furieusement jusqu’à ce que ses paumes irritées se mirent à leur tour à saigner. Elle continua à frotter de plus en plus fort jusqu’à ce que des lambeaux de chair se détachent de ses doigts meurtris. La douleur prenant le pas sur son désespoir l’apaisa et elle s’effondra sur le sol de terre battue comme un pantin désarticulé, vidée et brisée.

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