La prison dorée (suite)

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Un peu plus tard dans la matinée, Adila avait réussi à convaincre sa servante de lui emprunter sa tenue et son voile avec comme seul prétexte de vouloir se rendre au marché pour se changer les idées. Elles étaient plus ou moins de la même taille et elle avait argué pour la convaincre que, le visage recouvert, les gardes ne la reconnaitraient pas. Adila y avait mis toute sa force de persuasion et tout son charme pour attendrir la domestique. Falda n’avait pas pu trouver d’argument suffisamment fort pour refuser et s’était finalement prêtée de bonne grâce à la mascarade.

Ainsi travestie et le visage presque entièrement caché, munie de surcroit d’un panier, Adila paraissait être une servante comme il y en avait tant d’autres. Elle sortit du Grand Palais sans peine, personne ne prêta attention à elle. Toutefois, au moment même où Adila franchit les portes de l’enceinte de la Capitale, un des gardes l’interpella. Elle s’arrêta net sans toutefois oser se retourner, son cœur battait si fort la chamade qu’il menaçait d’exploser. S’il l’interrogeait, sa voix la trahirait sans aucun doute possible.

— Falda, tu pourrais nous ramener des oranges ?

Elle se contenta d’acquiescer en levant la main et s’éloigna rapidement. Elle franchit enfin les portes de la ville et se fondit dans la foule.

Une fois assurée qu’elle n’était pas suivie, elle traversa le marché et se rendit au campement de sa famille. Il fallait à tout prix qu’elle rencontre son oncle. Lui seul pouvait lui indiquer où trouver le marabout. Comme elle s’y attendait, elle le retrouva dans sa tente en compagnie de son épouse.

— Adila que fais-tu là ? Tu cherches à nous attirer des ennuis ?

La colère de ce dernier la surprit et elle baissa la tête, honteuse de n’avoir pas pensé qu’elle risquait de les mettre en danger par sa visite inopinée. Toutefois, elle estima que sa requête était trop importante pour la négliger et décida d’affronter son oncle en ignorant la question.

— Je dois voir le marabout.

— C’est hors de question ! Tu vas immédiatement retourner au palais avant que l’on ne te surprenne ici, déguisée en servante de surcroit. Ne te rends-tu pas compte quand t’éclipsant furtivement du palais tu vas susciter des doutes sur les motivations qui te poussent à épouser le Prince ? Le Massaké est déjà suffisamment à l’affut comme cela sans que tu ne contribues à lui donner raison en te comportant de la sorte.

— Je me suis assurée de ne pas être suivie. Il n’en saura rien.

— Parce que, petite sotte que tu es, tu croies que le Massaké n’a pas placé un des ses hommes pour te surveiller ? Tu peux être certaine que si ! Tout ce que tu obtiendras en t’entêtant à rester ici c’est de nous faire arrêter nous aussi pour complot.

— J’ai besoin de le voir, insista-t-elle.

— Je ne sais pas où il se cache. De toute façon, à l’heure qu’il est je doute fort qu’il s’aventure près de la capitale.

— Il faut aider mon père à s’enfuir, supplia-t-elle désespérée que la seule personne qui aurait pu l’aider soit hors de sa portée.

Adila avait dépassé les bornes et son oncle eut un claquement de langue suivi d’une moue dédaigneuse.

— Ton père a choisi de se mettre dans la situation dans laquelle il se trouve. Crois bien que je vais le regretter, mais je ne vais pas mettre ma propre famille en danger pour ses choix alors même qu’il n’avait pas jugé bon de consulter au préalable le reste de son Clan.

Adila se refusait de se mettre en colère et de dire que son père avait fait preuve de courage en agissant de la sorte. Visiblement, son oncle ne partageait pas son point de vue. Elle décida de changer de sujet.

— Comment va mon petit frère ?

— Oublie-le, oublie-nous, répondit-il en haussant le ton. Tu fais partie de la famille du Massaké à présent. Tu as choisi leur camp en acceptant d’épouser Hakim.

— Mais…

— Il fallait y réfléchir avant, dit-il en l’empêchant de continuer. Je ne m’attends pas à ce qu’une petite fille comprenne la politique. Maintenant va ! dit-il en pointant un doigt vers la sortie.

En désespoir de cause elle jeta un coup d’œil vers sa tante. Cette dernière, les yeux baissés, évitait d’entrer en contact avec elle. Inutile d’insister davantage.

Avant de quitter la tente, Adila prit soin de rabattre son voile sur son visage et, le cœur lourd, retourna en direction du palais. Les larmes qui inondèrent bientôt son beau visage ruisselaient sans qu’elle ne fasse le moindre effort pour les retenir. L’amertume et la déception qu’elle ressentait à cet instant précis étaient telles qu’elle n’y serait jamais parvenu. Sa famille était depuis toujours son point d’ancrage et, dépourvue de leur aide, elle se sentait plus démunie que jamais. Elle n’avait qu’une hâte, rejoindre sa chambre pour laisser libre cours à son chagrin.

En approchant des portes, elle se rappela tout à coup que le garde lui avait demandé de ramener des oranges. Elle ne connaissait aucun autre moyen de retourner au palais à part celui de passer à nouveau devant lui. Comment réussir à passer la garde sans se faire repérer ?

Elle s’arrêta alors devant un des étals et acheta quelques oranges en espérant que le garde soit de nouveau trop occupé à surveiller les passants pour lui parler et qu’il se contenterait de prendre ce qu’elle lui ramenait. Elle s’apprêtait à payer quand, parmi les challans, elle reconnut Hakim qui visiblement cherchait quelqu’un. Ce pouvait-il qu’il fut informé qu’elle avait quitté sa chambre ? Sa servante l’avait-elle trahie ?


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